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Pierre Des Esseintes : « Avant d’être une libération des corps, le libertinage est d’abord une ouverture d’esprit. »
Auteur, journaliste et sexothérapeute, Pierre Des Esseintes côtoie et étudie le milieu libertin depuis plus de quinze ans. La deuxième édition de son guide Osez le libertinage ressort ces jours-ci, dans une nouvelle édition revue et augmentée. L’occasion de revenir sur son parcours, et sur son analyse d’un univers encore peu connu.
Depuis quand étudiez-vous le libertinage ?
Je l’ai découvert en 2001. Je sortais souvent aux Chandelles, et j’avais intégré un cercle de soirées privées. J’y ai rencontré Pascal Giraudeau, alors directeur de publication du magazine leader dans le domaine, Interconnexion. Je travaillais dans l’enseignement à l’époque, mais je m’intéressais déjà à tout ce qui touche à la sexualité. J’ai beaucoup étudié la psychanalyse, et je nourrissais le projet de réaliser une étude sur les fantasmes féminins, dans la lignée des travaux de Nancy Friday en sexologie. Pascal Giraudeau m’a proposé de m’aider à recueillir des témoignages, en échange d’articles. Le journalisme me tentait depuis longtemps, alors j’ai rédigé quelques papiers. Il faut croire que mon style lui a plu, puisqu’il m’a rapidement proposé de devenir rédacteur en chef de son magazine !
C’était un magazine d’annonces ?
Oui. Les libertins envoyaient leurs annonces et leurs photos, sur papier et souvent manuscrites, à la rédaction. Une autre époque ! Nous en étions alors aux débuts d’Internet. Print et Web ont continué à coexister quelques années, puis, comme vous le savez, la toile a fini par avoir raison des annonces papier… et du magazine !
Quelles sont les nouveautés de cette seconde édition d’Osez le libertinage ?
Les adresses de clubs, de lieux de vacances, les jeux de société mentionnées dans la première édition [qui date de 2011 !] étaient devenus obsolètes. J’ai ajouté un chapitre très intéressant : l’interview des patrons de l’un des plus grands clubs libertins de France : la Chrysalide.
Un peu d’histoire… D’où vient le libertinage, de quelle époque ?
Le terme libertin vient du latin libertinus ou esclave affranchi. Un libertin est donc, étymologiquement, quelqu’un qui a gagné sa liberté. Ce terme, que l’on retrouve transposé au domaine de la connaissance à partir du XVIe siècle, renvoie à un courant de pensée majeur dans l’histoire de la philosophie et de la littérature en France. À une époque où l’Église était rectrice dans tous les domaines du savoir, le libertin revendiquait son athéisme, et considérait que seule la raison humaine pouvait nous permettre de comprendre le monde. Au XVIIIe siècle, le sens du mot évolue et il devient celui qui joue de manière plus ou moins cynique avec les codes de la société. Le libertinage évoque alors une écriture raffinée, une quête effrénée des plaisirs, parfois jusqu’à la débauche. On pense évidemment à Crébillon, Sade, Laclos, Mirabeau…
Aujourd’hui, cela renvoie à toute forme de sexualité qui refuse les contraintes imposées traditionnellement par le modèle du couple bourgeois, à la sexualité monogame et procréatrice, qui perdure depuis le XIXe siècle.
À quel moment le libertinage, tel qu’on l’entend aujourd’hui, a-t-il commencé à se développer ?
La sexualité de groupe a toujours existé, mais la libération sexuelle des années soixante-dix et la valorisation du plaisir féminin ont fait naître chez de nombreux couples le désir d’expérimenter une sexualité plus ludique et plus épanouissante que celle de leurs parents. Les clubs libertins ont commencé à se multiplier à partir du procès de Chris et Manu, qui a fait jurisprudence, en 1983. Dans mon livre, on trouve une interview de Chris, qui explique bien le contexte de l’époque !
Vous avez croisé beaucoup de people dans vos sorties libertines ?
Les personnes ayant une grande visibilité médiatique évitent généralement les clubs, et fréquentent plutôt les soirées privées. Il y a des exceptions, mais je ne donnerai aucun nom [rires] ! Dans mon livre, j’ai retranscrit des interviews que j’avais réalisées à l’époque d’Interconnexion, celle de Patrick Sébastien, qui a toujours été proche du milieu libertin, en raison notamment de son amitié avec Denise, du Club 41, et de Yann Moix, que j’ai rencontré à l’époque de la sortie de son roman Partouz. Il se revendiquait alors ouvertement libertin.
Quel est votre meilleur souvenir de soirée libertine ?
J’en ai beaucoup, mais si je ne devais en citer qu’un, ce serait la soirée de réveillon sur le thème Eyes Wide Shut que j’avais coorganisée, dans un immense cloître désaffecté du XVIe arrondissement. Le lieu était sublime, et les participants avaient vraiment joué le jeu jusqu’au bout pour les costumes et respecté le côté « cérémoniel » ! J’aime quand une soirée revêt un aspect rituel. Les libertins ont baisé dans les cellules des bonnes sœurs jusqu’au petit matin… Une véritable orgie. Dieu me pardonnera peut-être !
Où vont les libertins ?
À l’époque de l’explosion du libertinage, au début des années 2000, ils se retrouvaient par petites annonces ou dans les clubs. Aujourd’hui, les sites Internet spécialisés leur permettent d’organiser des soirées chez eux, de rejoindre des réseaux d’événements ou de soirées privées. Pour les libertins, Internet a démultiplié les possibilités de se rencontrer. Nombre d’entre eux considèrent que l’intimité est mieux préservée lorsque la rencontre a lieu dans un domicile privé.
Que dit la loi ?
Concernant les clubs, les contraintes légales sont les mêmes que pour les autres établissements de nuit. Ils se déclarent soit en discothèque soit en bar musical, selon le nombre de mètres carrés dédiés à la danse. Il est important de connaître les contraintes de base, sur lesquelles la police ne transigera jamais, par exemple, le respect de l’interdiction aux mineurs.
Quel est le profil des libertins ? De quel milieu viennent-ils ? Se mélangent-ils ? Citadins ou ruraux ?
Une étude réalisée par l’Ifop, en 2010, avec le site Netechangisme a révélé que le libertinage concernait 7 % de la population française. Le profil type d’un libertin ? Il a entre 31 et 50 ans, pratique l’échangisme depuis un à cinq ans et a commencé à un âge compris entre 20 et 40 ans. Géographiquement, ils sont plus nombreux à Paris que dans le reste de la France.
Quelles sont les règles qui régissent les clubs ?
D’abord, il existe une règle invariable concernant le dress code, ni jeans ni baskets pour les hommes, chaussures à talons, jupes ou robes sexy pour les femmes. Les clubs restent les seuls lieux où l’on s’habille pour sortir ! Sinon, les comportements sont régis par les règles élémentaires de la bienséance. Personne n’y est obligé d’y pratiquer le libertinage ! Les libertins sont en général polis et respectueux. Un simple « non » ou un geste de la main doit suffire à éconduire une personne ou un couple, si vous ne souhaitez pas « bouger » [c’est le terme consacré] avec eux.
Être libertin aujourd’hui, est-ce encore tabou, secret ?
Oui, peu de couples se revendiquent libertins et parmi mes connaissances, rares sont ceux qui parlent de leur mode de vie, même à leurs amis proches ! Mais finalement, qui parle ouvertement de sa sexualité ?
Le libertinage se démocratise-t-il ? Est-il un phénomène de mode ?
L’engouement pour le libertinage, tel qu’on l’a connu dans les années quatre-vingt-dix et 2000, a démocratisé l’échangisme dans la mesure où ces pratiques ont commencé à intéresser des milieux plus populaires. En même temps, des gens ont commencé à sortir en club sans pour autant être vraiment pratiquants. Aujourd’hui, les vrais échangistes sont moins nombreux, et l’on compte de nombreux voyeurs, mélangistes, côte-à-côtistes… Je reste persuadé que la population libertine n’est pas extensible. Comme l’affirme Didier Menduni dans mon livre, être libertin, c’est comme être homosexuel, ça ne se fabrique pas !
Ça coûte cher, d’être libertin ?
Non, si l’on organise des soirées privées, cela ne coûte que le prix d’une bonne bouteille et d’un apéritif ! Mais il est vrai que certains sont prêts à dépenser beaucoup pour leur passion. Certains se rendent dans le village naturiste du Cap d’Agde tous les étés. Entre les locations, les restaurants et les sorties, cela peut représenter un gros budget !
Le coût d’une sortie en club revient aussi cher que dans une discothèque traditionnelle. Les couples consacrent des sommes importantes aux tenues féminines, sexy, mais aussi au sport et au bien-être. En général, un libertin fait attention à sa santé et à son apparence. Rares sont ceux qui se laissent pousser le ventre en buvant des bières devant la télé !
Le libertinage est-il un phénomène de mode qui se substitue au porno ?
Le libertinage a attiré de nombreux curieux à l’époque où il était à l’honneur dans les médias, notamment à travers les émissions de Thierry Ardisson. Mais le véritable libertinage, qui est une sexualité à part entière, ne dépend en rien d’un engouement passager. Être libertin, ça ne se fabrique pas. Le porno, c’est autre chose, il s’agit de production à échelle industrielle de contenus masturbatoires. Cela touche bien davantage de gens !
Le libertinage, c’est une panacée pour un couple ?
Oui, pour autant que la décision de libertiner soit prise à deux ! Le libertinage permet de dynamiser sa vie sexuelle sans créer de fracture dans le couple. Il permet dans bien des cas de redécouvrir son partenaire, mais aussi les possibilités de son propre corps. Dans mon cabinet de sexothérapie, je reçois parfois des couples désireux de tenter l’expérience. Je leur explique ce qu’ils peuvent retirer de cette démarche, qui relève souvent d’une véritable stratégie de couple, et je les préviens des éventuels dangers.
Libertinage ne rime pas toujours avec échangisme ou autres pratiques sexuelles ? ça peut être juste du voyeurisme ?
En effet, les pratiques libertines se sont multipliées. Mélangisme, côte-à-côtisme, candaulisme… Dans les clubs, aujourd’hui, on compte moins de 50 % d’échangistes.
Peut-on citer quelques clubs à la mode ?
Dans mon livre, j’ai sélectionné vingt clubs selon des critères que je considère comme objectifs : nombre de soirées par an, communication sur le site Wyylde, visibilité sur Le Guide de la France coquine [éd. Le Petit Futé], réputation sur les réseaux sociaux et sur Google. De mémoire, je citerais La Chrysalide à Six-Fours-les-Plages, L’Absolu à Mougins, Le Mask et Les Chandelles à Paris, Le Bilitis dans les Côtes-d’Armor, L’Anonyme à Cannes…
Pour des vacances libertines, il existe le village naturiste du Cap d’Agde. D’autres destinations sont-elles possibles ?
Le Cap, c’est effectivement le top si l’on est libertin. Mais les locations sont onéreuses. Les petits budgets se rabattront sur le camping. Une autre solution, beaucoup moins chère et très conviviale : les chambres d’hôtes libertines. Je vous renvoie à mon livre, toutes les adresses y figurent.
Quel est le profil sociologique des libertins ? À Paris, ce sont surtout des CSP+… Et en province ?
Il est difficile d’avoir des chiffres précis dans ce domaine. Selon l’étude de l’Ifop, on sait que l’attraction pour les sites Internet spécialisés est forte dans les catégories populaires [52 % chez les CSP-] et intermédiaires [43 %]. Les sites de rencontres constituent donc un moyen de démocratisation du libertinage.
À l’inverse, les soirées privées restent plutôt élitistes [53 % de CSP+ contre 44 % de CSP-]. On n’a pas d’autres statistiques, mais il est vrai que si les Chandelles accueillent une clientèle CSP++, les clubs de province sont plus populaires. Mais aussi beaucoup plus « pratiquants » !
Comment voyez-vous évoluer le milieu libertin ?
J’ai l’impression que notre société favorise l’individualisme, au détriment des valeurs de générosité et d’altruisme nécessaires si l’on veut devenir vraiment libertin. De plus, on voit arriver dans ce milieu des jeunes qui ont grandi avec le porno, et qui ont parfois une vision complètement faussée de la sexualité. Le libertinage est ancré dans le réel. La beauté d’une soirée libertine réside, avant tout, dans sa dimension humaine, c’est-à-dire dans la singularité des personnes. Avant d’être une libération des corps, le libertinage est d’abord une ouverture d’esprit.
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