Décryptages
Les pornosexuels : quand la main supplante le vagin
On les appelle les pornosexuels. Ces jeunes préfèrent mater du porno que de baiser et leur nombre serait très significatif. Au-delà des cris d’orfraie suscités, il s’agit de se demander pourquoi, gardant à l’esprit que c’est le porno qui suit la société et pas l’inverse. Tentative d’analyse.
« Si j’avais à choisir entre l’un et l’autre pour le reste de ma vie, je choisirais le porno plutôt que le sexe sans hésiter ». Le témoignage nous vient d’un lecteur du très sérieux quotidien britannique The Telegraph. L’occasion pour une des consultantes star du journal, le Docteur Ann Olivarius (avocate, spécialiste des questions matrimoniales comme son titre ne l’indique pas) de développer une diatribe contre le porno que ses confrères s’empressent de reprendre à l’unisson. L’argument est massue : des hordes de jeunes sont devenus schizophrènes et baignent tellement dans le porno qu’ils ne le distinguent plus de l’acte sexuel. Le débat n’est pas nouveau, mais c’est l’ampleur du phénomène qui devrait faire peur.
Le monde otaku
Au Japon, on les appelle Otaku ou plus récemment Hikikomori. Le phénomène est apparu à l’orée des années 80. Le pays du boulot-métro-dodo au prix du mètre carré hallucinant a fini par engendrer des générations de jeunes adultes qui ne communiquent physiquement pas entre eux et habitent encore pour beaucoup chez leurs parents. Coupés de tout rapport aux autres, ces ados et jeunes adultes ne vivent une sexualité que par procuration à travers les sites pour adulte. Leur style de vie a fini par devenir une norme à l’échelle planétaire, surtout dans les grandes métropoles mondialisées. D’Otaku au Japon, les sociologues anglo-saxons les ont baptisés dans nos contrées : pornosexuels.
Des générations porno-biberons
À les lire et les écouter, la pornosexualité n’est préoccupante que chez les jeunes. En effet, chez les vieux, elle se pose en des termes obligatoires : quand on ne peut plus bander, on fait avec ce qu’on a, et quand on le peut, on saisit l’occasion pour tirer sa femme, sa maîtresse (ou une pro si les moyens et sa propre morale l’y autorisent…). Alors que depuis son existence, le porno est supposé être pour les jeunes un préambule à la sexualité, il se trouve que pour nombre d’entre eux, il devient le moyen préférentiel pour jouir alors qu’ils devraient naturellement préférer s’envoyer en l’air. Pour faire simple : ils ne veulent même plus baiser ; se branler leur suffit. Si le geste est salutaire pour l’avenir d’une planète déjà surpeuplée, il interpelle ceux qui s’inquiétaient déjà des méfaits supposés de la pornographie sur les rapports homme-femme, les tenants du sempiternel : « le porno, ce n’est pas la réalité. La réalité, c’est l’intimité et la tendresse ».
Touche pas à mon poste
Il se trouve que désormais, la réalité, beaucoup de juniors n’en veulent même plus. Tout est tellement mieux à travers le prisme d’un écran : les mêmes filles sont plus belles et moins revêches que face à soi. On se construit une image de mec grand et bien bâti. Surmonter sa timidité n’est plus un moyen et jouer au mâle alpha, un but. La tyrannie de la drague, du couple et du gamin est brisée. En somme, le pornosexuel gagnerait bien en liberté si l’homme n’était pas fondamentalement un animal social. Le problème, c’est qu’il l’est et qu’un jour, tout ermite a besoin de descendre de sa montagne…
Des causes plutôt que des conséquences
Les anti-porno argueront donc que ce dernier ne prépare en rien les jeunes générations aux rapports humains. Une vision réductrice qui cache mal une méconnaissance des centaines de niches existantes, dont certaines aident les jeunes ayant une sexualité différente à s’épanouir (fetish, 3ème genre, lesbien etc). On concédera au docteur Olivarius et à ses partisans que le porno est effectivement une industrie et comme toute industrie, son but est de générer des profits. Mais ce but s’atteint en collant à l’évolution du monde pas en se risquant à le devancer. Avec le triomphe de l’individualisme, le porno n’a fait que s’engouffrer. Encourager les jeunes à retisser du lien social, c’est avant tout le rôle de la famille et de l’école. Les seniors sont encore loin d’être hors-jeu, à moins qu’ils ne soient affairés à des histoires de cuckold et de baby-sitter…
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