Décryptages
Anatomies de l’enfer

À peine inventée, la photographie a servi l’une des préoccupations majeures des humains : la représentation de la sexualité. L’éditeur et libraire Alexandre Dupouy signe, avec Joyeux Enfer, l’étude la plus complète jamais réalisée sur la photo pornographique de 1850 à 1930. Avec une riche iconographie extraite de sa collection personnelle.
Pierre Des Esseintes : Ces photographies ont-elles pour vous un intérêt artistique ?
Alexandre Dupouy : Oui, de toute évidence. Chaque photographe choisissait ses modèles, ses décors, ses thèmes, ses lumières… Chacun avait son propre style. De plus, à l’époque, on constate une convergence avec le monde de la peinture. Les photos de nu remplaçaient souvent les modèles vivants pour les peintres. D’ailleurs, au 19e siècle, il y avait un débat pour savoir si la photo était de l’art, au même titre que la peinture ou la sculpture. La question ne se pose plus aujourd’hui.
Ces photos faisaient l’objet d’un commerce à l’époque. Comment pouvait-on se les procurer ?
Ce marché concernait beaucoup de monde : les colporteurs, les diffuseurs, les libraires… le photographe convoquait ses modèles pour une séance, puis un diffuseur se tournait vers lui pour mettre ses photos sur des catalogues, ceux-ci étaient distribués par des colporteurs. À l’adresse indiquée sur le catalogue, évidemment on ne trouve rien. Mais on était renvoyé chez quelqu’un d’autre. Tout ce circuit était mis en place pour ne pas se faire arrêter par la police. On trouvait ces photos dans tous les quartiers de prostitution : Montmartre, Pigalle, les passages. Certaines librairies proposaient des livres « galants ». Si l’on désirait quelque chose de plus « osé », il suffisait de demander au libraire !
Ce qui ressort de ces photos, c’est le naturel des corps, leurs formes épanouies, leur pilosité… Aujourd’hui, comment avez-vous rassemblé toute cette iconographie ?
J’ai beaucoup fréquenté les ventes aux enchères, les marchés aux puces. C’est ma collection personnelle. Il m’arrive d’en trouver de gros paquets. Nous sommes très peu à nous intéresser à cela. Les nus artistiques ou académiques sont plus recherchés que les photos pornos.
C’est une collection qui coûte cher ?
Une photo peut avoir une petite valeur quand elle est très ancienne, d’avant 1860. Ce qui est très cher, ce sont les daguerréotypes, qui sont des pièces uniques. Les photos pornos sont souvent très abîmées. C’est aussi ce qui fait leur charme. C’est émouvant de penser qu’une photo a pu rester des années dans le portefeuille d’un poilu ou d’un étudiant…
La pornographie vous semble-t-elle aseptisée ?
Quand on regarde ces photographies, on a quand même l’impression qu’on s’amusait beaucoup plus qu’aujourd’hui ! C’était plus ludique, plus amateur aussi. Aujourd’hui, la pornographie relève de la grande distribution. À l’époque, c’était l’épicerie fine de quartier ! On trouvait des jeunes, des vieilles, des moches, des pisseuses, du SM, de la bestialité… Tout était interdit, donc tout était possible. De nos jours, l’industrie du porno bénéficie d’une tolérance de la part des autorités et produit des choses acceptables par tout monde.
Les modèles de ces photographies étaient-elles des prostituées ?
Oui, cela me paraît logique. On trouvait certainement, aussi, des modèles de peintres. Mais plus on va vers la pornographie, plus on se rapproche de l’univers de la prostitution. C’est difficile de demander un modèle de peintre de se faire sodomiser. Il arrivait que les photographes cherchent des modèles dans les bistrots. Parfois, les femmes posaient pour se faire de l’argent, sans être des prostituées de maison. On connaît les mœurs libérées du Montparnasse des années 20 !
Certains photographes de votre livre sont-ils passés à la postérité ?
Impossible. Aujourd’hui, on fait des livres pour expliquer que c’est culturel, mais à l’époque c’était maudit ! On trouve quand même quelques exceptions, comme Auguste Belloc. Dans les années 1850, au début de la photographie, il avait développé tout un réseau pour vendre ses photos pornos. Il employait même des filles pour les coloriser. C’était un professeur, membre de la Société Française de Photographie. Trois mille images ont été saisies, cinquante d’entre elles sont gardées à la Bibliothèque Nationale. Il n’a jamais eu d’ennuis, contrairement à ses modèles, et à ses colporteurs. Dans la chaîne de répression, le notable est toujours épargné…
Joyeux Enfer, Alexandre Dupouy, éd. La Musardine, 256 p., 37,90 €.
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