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Bio/Milieu du X

Chris Demer, réalisateur des Fauves : « Des films de cette envergure, je n’en avais jamais fait. »

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Chaque tournage est une aventure humaine. Ecrire un scénario, sélectionner un casting, booker les modèles, repérer et réserver les décors, composer avec les aléas, les impondérables, les annulations, puis coordonner, mettre en scène, filmer, monter… Dans le cadre d’un projet tel que Les Fauves, super-production estampillée Jacquie & Michel Elite, Catalya Mia et Chris Demer n’ont ménagé aucun effort pour offrir au public le film de gangsters dont ils rêvaient : dangereux truands et flics borderline, armes à feu et bombes sexuelles, voitures de sport et yacht de croisière. Interviewé par notre rédaction, Chris Demer revient sur cette épopée aussi grandiose que mouvementée.

C’est l’histoire d’une bande de voyous marseillais (parce que dans le sud, c’est toujours mieux) ; un univers que j’aime bien. Une bande de truands haut de gamme, qui braquent, organisent des parties de poker clandestines et profitent de la vie : belles bagnoles, beau bateau. Ils sont infiltrés par une taupe dont ils ignorent l’identité, et traqués par un duo de flics un peu tarés. C’est un film dans l’esprit de Dobermann de Jan Kounen. En fait, ce sont les flics les gros beaufs de l’histoire. Ils sont revanchards, haineux. J’avais envie de le faire comme ça, surtout mon personnage de lieutenant un peu lourd, un peu gras. Les Fauves, eux, mènent la belle vie. Ils sont classe, se font plaisir. Et comme Leonardo DiCaprio dans Le Loup de Wall Street, Lorenzo, Le Fauve, nargue la police qui l’espionne depuis son yacht au milieu de la mer. J’avais cette scène en tête depuis longtemps et j’avais envie de la mettre dans mon film.

Pour le rôle de César, dit « le Fauve », à l’origine, je voyais quelqu’un de plus ténébreux. Finalement, je l’ai donné à Lorenzo qui l’a interprété à sa sauce, plus malicieux, avec ses petits sourires en coin. Et c’est mieux, en fin de compte. Je tourne avec lui depuis 2014 ou 2015, dans des petits rôles. Et il a vachement évolué. On dirait presque un acteur de tradi. Il a beaucoup apporté de sa personnalité au rôle. Il est bien dedans. On sent qu’il prend plaisir à le faire.

Polly Pons, tranchante…

J’ai aussi misé sur Polly Pons. Je l’avais vue dans une prod étrangère avec cette belle robe asiatique. Je me suis dit : « C’est elle qu’il me faut pour le film ! » ; parce que je voulais faire ce rappel à Kill Bill, avec le sabre, vu que j’adore Tarantino. Un moment où elle est encore habillée, avec les baguettes dans les cheveux, et l’olivier taillé en bonsaï en arrière-plan, on se croirait presque au Japon. Puis, il y a Christina Shine, et elle a vraiment quelque chose. Lorenzo ne dominait pas tout le temps, lors de leur scène sur le yacht.

Des films de cette envergure, je n’en avais jamais fait. C’était le premier avec autant d’ambition. On s’est tous investis, au-delà du film. Les acteurs ont tous fait le maximum. Je leur ai pris la tête pour leurs rôles, les costumes, les accessoires, que tout soit parfait. On a fait des visios avec les filles pour choisir leurs tenues. Lorenzo a même acheté un costume pour l’occasion. Tout le monde a été top.

Avant de commencer, j’avais dit que des gros films comme ça, je n’en ferais plus, c’est trop épuisant. Au final, c’est ce que je préfère. Quand je vois le résultat, c’est au-dessus de mes espérances, et c’est la première fois. D’habitude, après coup, je repense à tout ce que j’aurais pu faire, du faire. Pas là. J’en suis vraiment content.

Baiser passionné entre Christina Shine et Lorenzo Viota

Il y a aussi du beau monde du côté des seconds rôles : David Caroll, Laurent Zelmac. Ce sont des copains ? Comment tu les as eus ?

Tu as la réponse dans la question. Ce sont des copains. J’ai toujours marché comme ça, au feeling. Des fois, c’est même compliqué de ne pas écouter que mes envies de mettre telle ou telle personne dans mon film, de ne pas perdre de but l’objectif : faire un film qui tient debout.

Là pour le coup, Laurent Zelmac est un ami ; David Caroll, pareil. Il aurait pu ne pas être dans le film, mais je le voyais trop bien dedans, sapé en tonton marseillais, avec l’accent façon Roger Hanin. Quand ce ne sont pas des copains, c’est pratiquement impossible. Le rôle du flic, par exemple, je ne me le suis pas attribué par plaisir. Ce n’est pas un rôle important, mais on le voit souvent. Et je me voyais mal le donner à quelqu’un que je ne connais pas, pour m’apercevoir que ce n’est pas son truc. C’est ce que je faisais avant, mais le résultat était souvent bof. Puis ça implique de gérer le transport, le logement. Là, je savais que je pourrais le faire. Jouer la comédie était difficile, surtout au début. Mais une fois monté, c’est cool.

Et les décors ? Comment on se démerde pour avoir une villa sur les hauteurs de Marseille, un yacht, un hélicoptère ? Le porno, ça n’effraie pas les loueurs ?

Si, grave ! En plus, je ne sais pas me vendre. Je m’aperçois, par expérience, que je ne serais jamais un bon commercial dans ce métier. J’en fais toujours trop. Je marche plus à l’envie, à l’impulsion, qu’au calcul ; et ça fait peur aux intermédiaires. Il n’y a que par relation que j’y arrive, en faisant appel aux amis, en étant réglo, en tenant mes promesses et en expliquant clairement ce qu’on va faire sur place. Celui qui nous prêtait la villa, c’est un pote. Il nous laissait les clés, mais ce n’est pas pour autant qu’on ne payait pas. Il faut être carré, que ce soit équitable des deux côtés. Après, c’est déjà beaucoup plus facile quand tu as le budget. Et là, on l’avait. Le côté « démerde » des petits films d’avant, c’est une époque qui est passée, ça ne marche plus.

Pour l’hélico, c’était dur. Entre les annulations dues au Covid et la difficulté de trouver un héliport qui veuille bien nous accueillir sans réclamer une fortune sous prétexte qu’on fait un film, je pensais que je n’allais plus y arriver. Parce qu’en plus, il y a la météo. S’il avait fait un temps pas possible, on aurait du tout annuler. J’avais même pensé à une fin alternative, où le héros s’échappe en claquant un burn dans un muscle-car des années 70. Finalement, on a pu l’avoir, encore une fois par relation ; un bel écureuil, en deux tons, qu’on remarque quelle que soit la luminosité. Franchement, c’était dur, ça a coûté cher, mais je ne regrette pas.

Pétanque à couteaux tirés entre Lorenzo Viota, Anto Toto, David Caroll et Emma Klein

Quelle est la scène que tu as préféré tourner ?

Là, comme ça, ça ne me vient pas. Le film est un ensemble, et je trouve qu’elles ont toutes un truc. Puis ce serait vache pour tous les acteurs de n’en citer qu’une. Les scènes de Polly Pons, de Christina Shine, de Lucy Heart, d’Emma Klein, de Mya Lorenn débordent toute d’intensité. Après, il y a quelques comédies que j’aime beaucoup, comme les scènes de Lorenzo, surtout quand il briefe sa bande avec David Caroll. Puis, il y a la scène de la pétanque, où on voit la tension monter entre Lorenzo et Anto, qui n’est pas très à l’aise avec la comédie et qui a fait beaucoup d’effort tout au long du film. C’était au tout début du tournage, je les ai vraiment vus s’amuser ; Lorenzo qui prenait un malin plaisir à charger Anto, et lui qui faisait exprès de rater avec un rictus pincé sur le visage. Là, ils ont vraiment joué. Mais au fond, j’aime toutes les scènes, parce que ce sont des scènes dont j’ai eu envie. Et elles sont tellement bien, l’équipe s’est tellement donnée que, pour la première fois depuis que je réalise, c’est encore mieux que ce que j’espérais.

Peux-tu nous raconter la genèse du projet ? 

Dans ma tête, c’est un peu bordélique. Quand je fais un film, j’ai souvent des petits bouts de scènes, de réparties dans des films tradi que j’aime bien, dont je m’inspire, Tarantino, ou en l’occurrence Jan Kounen, et après je construis autour. Je fais dans le désordre et ça s’assemble tout seul, au fur et à mesure. J’ai tel acteur, telle actrice, et je fais en fonction de ce dont j’ai envie, des décors que j’ai à disposition et de ce qui est vendeur, bien sûr. Je voulais faire un très beau truc, sans penser au budget. De toute façon, le fric qu’on me donne, je le dépense sans compter, je n’ai pas fait le film pour gagner de l’oseille. Et pour avoir un film valorisant, il faut des beaux décors, il faut voir grand : une belle villa, un yacht, et à la fin, le chef du gang qui s’échappe en hélico. Le confinement nous a pas mal embêté. À la base, le tournage était prévu au mois d’avril. Tout était calé, avec des acteurs, des actrices, des décors différents. Mais les locations nous ont lâchés, les plannings ne correspondaient plus avec le casting, il a fallu tout reprendre. Du coup, on a reporté le tournage à l’été. C’est là que s’est révélée toute la dimension technique. S’entourer de professionnels, c’est essentiel. Avant je faisais tout, tout seul. Là, j’ai bossé avec Ludo Dekan et Rico Simmons à l’image, et ça fait une vraie différence. Tu as le temps de t’occuper de ton film, eux sortent des images de très bonne qualité. Ludo apporte son expérience. On avait une super équipe, le cadre était agréable, donc c’était génial.

Décollage imminent

Avec Catalya, vous l’avez écrit à quatre mains ? Comment vous répartissez-vous les tâches ?

On a toujours fonctionné à deux. Quand on a commencé, il y a 8 ans, j’écrivais tout le film et Catalya montait. Puis au fur et à mesure, comme on avait un gros débit de production et peu de moyens, c’est elle qui s’occupait des petits sujets. Elle écrivait un scénario carré, propre, linéaire et moi, j’amenais mon petit côté barré, avec la comédie, les répliques et les références cinéma que je peux avoir. Pour Les Fauves, c’est comme ça qu’on a fait. Elle a posé le scénario sur papier, j’ai apporté mon grain de folie, et je me suis occupé du casting, parce que savoir quel rôle va coller à qui, ça, je sais faire. Côté réalisation, avoir de vrais techniciens, Ludo, Rico, nous a beaucoup soulagé. On n’avait plus qu’à s’occuper de l’humain. Le montage, en revanche, je n’y touche jamais. C’est le truc de Catalya, elle l’a appris toute seule. Je la laisse faire.

Ce n’est donc pas que pour le sexe que vous faites ce métier ?

Non, pas du tout. Même si c’est parce que nous étions libertins « dans une autre vie » que nous sommes arrivé au X, ce n’est pas pour le sexe que je pratique ce métier. Quand je fais un boulot, c’est par passion. Je n’aurais pas aimé être acteur, c’est très dur, d’autant qu’on leur demande de jouer la comédie. Franchement, respect à eux. Moi, j’aime bien raconter mes petites histoires, mon cinéma d’action des 70, 90, Tarantino, etc. J’aime faire de belles images et mettre en scène des comédies. Bon, j’aime aussi sortir de belles scènes de cul quand même. Dans le porno, on a parfois l’impression que certains sont là par frustration du « tradi ». Dans mon cas, ce n’est pas du tout ça. Je n’ai pas du tout cette prétention. Mon métier me convient bien tel qu’il est. Je le fais ni pour le sexe, ni pour placer mes comédies autour. C’est vraiment un tout. La totalité me va bien. Et j’essaie de soigner le boulot, parce que je ne suis pas tout seul, on fait tout à deux. Sans moi, Catalya n’y arriverait pas, et moi sans elle, non plus. Je n’en aurais pas envie. N’importe comment, même s’il y a une équipe, il faut toujours être au moins deux pour avoir quelqu’un sur qui compter.

Chris Demer et Catalya Mia, jamais l’un sans l’autre

Tu évoquais la perspective de raccrocher après ce film. C’est quoi la suite pour Chris Demer et Catalya Mia ?

La suite, c’est de refaire un gros bazar, un beau truc, quelque chose qui soit dans la lignée de celui-ci, avec de grands décors, quelque chose qui envoie. Ça m’a redonné envie. Ceci dit, je ne pense pas en faire beaucoup, parce que ça tue l’envie. Mais réaliser un film ponctuellement, à l’envie, pourquoi pas ? Je ne sais pas si j’allais vraiment arrêter. N’importe comment, faire un ou deux films par an, c’est plus de la passion qu’autre chose. Donc je prépare un truc pour l’année prochaine. On se le dit à chaque fois : « On ne le refera plus, on en a trop chié. » Mais comme le dernier tournage s’est bien passé, à partir du moment où on bosse en équipe, il n’y a pas de raison de s’en priver…

Rendez-vous est donc pris l’année prochaine, pour découvrir le prochain tour de force du duo de choc Chris Demer et Catalya Mia. En attendant, Les Fauves sont en liberté sur la plateforme Jacquie & Michel Elite.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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