Bio/Milieu du X
Ricky Greenwood : « la masturbation n’est pas incompatible avec la réflexion ! »

Il est rare d’interviewer en français un réalisateur américain. Et pour cause : Ricky Greenwood est d’origine québécoise ! Venu du cinéma traditionnel, il a trouvé dans le porn la liberté de création qu’il recherchait. Ses films scénarisés, nourris de références au cinéma X des années 70 et 80, à la direction d’acteurs impeccable, sont ouverts à toutes les sexualités. Les derniers AVN Awards 2022 l’ont consacré meilleur réalisateur. Rencontre.
Tu travailles dans le porno depuis combien de temps ?
Depuis 2015. J’ai débuté au Québec, en tant que directeur de production. Le boss m’a demandé de réaliser un film, Confession of a sinful nun. Ce film a eu beaucoup de succès, notamment en DVD, et on m’a demandé d’en faire un deuxième, puis un troisième… Après le troisième, Talk derby to me, ce producteur m’a proposé de venir travailler à temps plein aux États-Unis. J’y suis depuis 2018.
La scène porno au Québec ne te plaisait pas ?
Non pas trop, les gars et les filles qui bossent dans le porno au Québec sont trop amateurs.
Pourtant, on dit que Montréal est la nouvelle capitale mondiale du porno…
Oui, tous les grands studios ont leurs bureaux là-bas : Mindgeek, Gamma, etc. Mais la scène n’est pas intéressante. Il n’y a pas un bassin de stars comme aux États-Unis. Les réalisateurs tournent avec des danseuses érotiques, des escorts, on flirte avec un monde un peu underground. On peut s’attirer des problèmes rapidement !
Tu as travaillé pour de nombreuses sociétés de production, pour qui travailles-tu principalement?
Les compagnies qui m’embauchent le plus souvent sont Adult Time et MissaX.
Comment trouves-tu tes actrices ?
En général je passe par des agents, j’utilise parfois Twitter ou Onlyfans. En général, quand j’écris un film, j’ai déjà le casting dans ma tête, je sais déjà qui seront les stars…
Qu’est-ce qui fait l’originalité de tes productions ?
Mon background, c’est le mainstream. J’ai fait des films, des courts métrages, des séries télé au Canada, je n’ai pas de créneau particulier. C’est pour ça que je travaille pour plusieurs compagnies. Je ne veux pas qu’on me colle une étiquette. Mon style, c’est le naturel. J’essaie de travailler un maximum en lumières naturelles. Je veux aussi que les scènes de sexe soient réalistes. Je ne veux pas tomber dans les clichés porno, je n’aime pas quand les jambes sont trop ouvertes, que l’on voit tout. J’essaie de créer des angles de manière à ce que les performers restent dans leur élément. À la fin, c’est toujours de l’acting, mais quand on enlève les côtés techniques, on arrive toujours à aller chercher le réalisme. Sinon, j’ai fait beaucoup de films de type horror porn, comme The last kiss, Blue moon rising [un film de loup-garous], avec beaucoup de maquillage et de transformations.
Y-a-t-il encore de la place aujourd’hui pour du porno scénarisé ?
Je dirais que oui, c’est la seule chose qui est vraiment intéressante pour les gens. Si tu veux voir une scène gonzo, tu vas la trouver sur les tubes. Si c’est juste pour se masturber, Internet est parfait pour ça. Moi, je suis un fan des vieux films des années 70/80. Dans ces années-là, c’était du vrai cinéma, avec des scènes de sexe. Dans le mainstream aujourd’hui, il y a beaucoup de réalisateurs qui sont intéressés par le porno. Mais ils ne veulent pas y aller car ils ont peur pour leur carrière. Moi je pense qu’il y a de la place pour un vrai cinéma porno. C’est pour ça que depuis 2018, tellement de gens me demandent de réaliser pour eux. Je viens juste de finir un film pour Adult Time, un film de skaters, une très grosse production. Ça n’a rien à voir avec ce que les gens ont l’habitude de voir. C’est un vrai film scénarisé. Je ne sais pas si tu as vu Under the veil, c’est un film épique, qui dure cinq heures, avec huit scènes érotiques d’environ une demi-heure chacune ! Ça se passe dans un couvent, un prêtre est tourmenté par les désirs d’une religieuse. Sur cinq heures de film, on a environ une heure et demi de comédie.
Quel a été ton déclic pour passer du mainstream au porno ?
Dans le mainstream, tout prend un temps fou… Quand tu as un projet de film, il faut d’abord faire une ébauche de scénario, avec un story board, on présente le projet à un producteur, qui va essayer de trouver de l’argent. Il va donc falloir faire des demandes de financement. Ça va prendre un an, deux ans. Il faut compter ensuite un an de tournage, un an de post production. Après tu fais le tour des festivals, pendant un an… Avant que le film ne sorte pour le public, ça te prend environ quatre à cinq ans. Aujourd’hui, dans le porno, si je veux faire un film, j’appelle le studio, j’expose mon projet, on me dit « OK, de combien tu as besoin ? », et un mois après je tourne. Le mainstream, c’est trop lent, en plus c’est une industrie qui se prend au sérieux, et qui est, quoi qu’on en dise, aussi mourante que l’industrie du X. Les budgets sont de moins en moins gros, il faut choisir tel acteur parce qu’il est bankable, traiter de tel thème parce qu’il est populaire, en fait ça devient beaucoup moins créatif que le porno !
Aujourd’hui, j’enchaîne les projets et les tournages. C’est une vie qui me convient davantage.
Tous tes films véhiculent des messages. C’est important pour toi ?
Effectivement, j’essaie de dire quelque chose à travers mes films. Quand je pense par exemple aux trois films de nonnes que j’ai faits, il était important pour moi qu’ils ne soient pas vulgaires ou provocateurs. Ces films lesbiens parlent de la foi, et de l’acceptation de l’homosexualité par l’Église. Dans Under the Veil, il s’agit de la place de la femme selon l’Eglise catholique. Il y est question d’égalité hommes/femmes. L’Église n’est ici qu’une métaphore de la société.
Est-ce une tendance, dans le porno américain aujourd’hui, de traiter des sujets liés aux problématiques LGBT, à la visibilité trans, à la reconnaissance des minorités ?
C’est venu naturellement. Dans le porno, personne ne va jamais vous dire : on ne veut pas de noirs, pas de trans… Le porno répond toujours à une demande. Cela correspond à un réveil de la société américaine, qui maintenant demande ce genre de contenu. Quand j’ai commencé en 2018, je voulais faire une scène pour un studio lesbien, avec une femme trans. Les gens n’étaient pas encore prêts. Aujourd’hui, je tourne régulièrement ce type de scène. Au début de ma carrière, j’ai fait un film qui s’appelait Transgression, c’était un message à l’administration Trump, qui venait de passer une loi qui réprimait les droits des personnes trans. C’était un film avec un message politique. On peut toujours me dire que ce n’est pas à moi de faire ça, que mon job consiste à exciter les gens. Mais après tout, la masturbation n’est peut-être pas incompatible avec la réflexion !
Qu’est-ce que tu as appris sur la sexualité depuis que tu travailles dans le porno ?
Je ne sais pas si j’ai appris des choses, mais ça m’a vraiment ouvert l’esprit. Je suis plus à l’aise avec ma sexualité, et avec la sexualité en général. Quand j’avais vingt, j’aurais été choqué de voir deux hommes baiser devant moi. Maintenant, ce n’est pas que je suis blasé, mais pour moi toutes les pratiques relèvent de la même sexualité. Je ne vois plus la sexualité selon des catégories : straight, gay, bi etc. Pour moi, tout cela est un grand mix, un grand terrain de jeux. Pour moi, ce qui compte, c’est l’histoire que j’ai à raconter. Pour le reste, je n’ai aucune limite.
Quel est ton meilleur souvenir de tournage ?
J’ai adoré faire Talk derby to me, car j’avais toujours rêvé de travailler avec Stoya. J’ai aussi un bon souvenir de Killer on the loose. C’était en plein milieu de la pandémie de COVID, mais si on respectait certaines consignes, en Californie, on pouvait tourner. Tous les gens étaient confinés, et nous on tournait avec une équipe extrêmement réduite, sans maquilleuse, avec un seul assistant, qui prenait aussi le son… J’avais un gros bac avec du désinfectant, je stérilisais toutes les pièces avant de tourner ! C’était surréaliste, et en même temps, cela montre que les gens ont tellement besoin de porno, que les productions ne s’arrêtent jamais, même en cas de pandémie ! J’ai adoré ce tournage.
Tu as un acteur ou une actrice préférés ?
J’adore Tommy Pistol, sa façon d’incarner les personnages que je crée. Il me fait confiance à 100 %. Côté actrices, je dirai Charlotte Stokely. Je l’ai beaucoup fait travailler, j’aime beaucoup Ashley Lane aussi. Elle adore le sexe, et n’a peur de rien ! Elle a joué le Krampus [créature folklorique monstrueuse qui accompagne Saint Nicolas au moment de Noël, chargée de punir les enfants désobéissants] dans un de mes films, elle était complètement transformée, après neuf heures de maquillage ! C’est un milieu ou le physique et l’apparence sont extrêmement importants. Prendre une superbe fille comme Ashley Lane et en faire un montre hideux, c’est déjà un tour de force, mais le fait que malgré cette apparence, on continue à la trouver belle, ça prouve bien qu’elle n’est pas qu’un corps, c’est vraiment une excellente actrice.
Tommy, Charlotte et Ashley sont des gens que je qualifierais de créatifs dans le sexe. Ils vont essayer de donner quelque chose de nouveau à chaque fois. Le personnage que joue Charlotte dans Under the Veil se fait brûler les yeux avec un tison, elle porte donc un bandeau sur les yeux pendant une grande partie du film. Pour elle, c’était un vrai challenge de faire une scène de sexe les yeux bandés. À un moment, on lui enlève son bandage, et on voit ses yeux brulés. On ne peut pas dire que ce soit vraiment esthétique, mais la scène est très forte. Ce que j’aime, c’est rendre sexy ce qui n’est pas forcément joli.
Tu connais un peu le porno français ?
Pas tellement. Je vois passer régulièrement les films « Elite » de Jacquie et Michel, qui me semblent excellents, malheureusement comme je travaille beaucoup, j’ai peu de temps pour regarder du porno.
Est-ce que le fait de bosser dans le porno a des conséquences sur ta vie sexuelle personnelle ?
Maintenant je suis en couple avec une travailleuse du sexe. C’est plus simple pour elle de comprendre la réalité du milieu. Les gens extérieurs à cette industrie pensent que les filles sont faciles, qu’on peut leur demander une pipe entre deux prises sur les tournages, c’est tellement loin de la réalité ! Mais c’est vrai que c’est parfois compliqué. Quand on voit sa compagne baiser avec un autre, même si c’est pour le travail, il fait être capable de mettre son cerveau en « off » !
Tu penses que les gens ne comprennent pas cette industrie ?
Non ! Parfois les gens me disent : « tu ne vas faire du porno que quelques années, ensuite tu vas trouver un vrai job… ». Un job qui te paye une maison et une voiture, je ne pense pas que ce soit un faux job ! Pour les gens, baiser devant une caméra, ce n’est pas un vrai travail. Ils ne se rendent pas compte que c’est un job très exigeant, physiquement et mentalement. Je ne sais pas si c’est comme ça en Europe, mais aux États-Unis, si ta banque découvre que tu travailles dans le porno, elle ne va plus t’accepter. Tu ne fais rien d’illégal, et pourtant… Les gens ne veulent pas être associés à ça. J’ai même perdu des amis.
Moi qui pensais que les Américains étaient moins coincés que les Français !
Il existe aux États-Unis des groupes religieux très influents. Ils m’envoient parfois des lettres, harcèlent les filles. Parfois, quand les filles font du porno pour payer leurs études, et qu’un religieux tombe sur une de ses vidéos, il va l’envoyer à tous ses camarades de classe, à ses profs. Il y a des gens qui vont tout faire pour faire du mal, blesser… J’aimerais, un jour, voir un documentaire qui présente l’industrie du porno de manière objective. Je n’en ai jamais vu. C’est pour cela que j’ai toujours refusé de participer à ces pseudo-reportages biaisés dès le départ. Depuis que je travaille dans le X, je n’ai jamais eu une mauvaise expérience. Sur mes tournages, la joie de vivre règne ! Les problèmes se sont toujours réglés avec gentillesse et bienveillance. Je sais que dans le porno, il y a des filles qui se font exploiter, mais c’est loin d’être une généralité. Il existe des dérives, mais comme dans tous les milieux. La plupart des tournages sont basés sur des contrats précis. En tout cas, sur les miens, ça se passe comme ça. Le consentement est primordial.
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