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Beurettes et rebelles : le sexe au risque de l’Islam

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Alors qu’en France et dans le monde, les filles d’origine arabe vivent difficilement leur sexualité au quotidien, les « beurettes » sont omniprésentes dans l’industrie du X. Un paradoxe ? Nous avons tenté de comprendre les raisons de leur malaise (valeurs familiales rigides, interdits liés au sexe, sacralisation de la virginité…), et les raisons pour lesquelles elles ont décidé de s’affranchir d’une culture oppressante par un choix professionnel radical.

Petit retour en arrière pour bien situer les enjeux. France, 2002. Sohane, 17 ans, meurt brûlée vive dans un local à poubelles. En 2004, Ghofrane, 23 ans, est lapidée. En 2005, Chahrazad est immolée par le feu par son ex-petit ami. Brûlée à 60 %, après six semaines passées en coma artificiel, elle est aujourd’hui présidente d’honneur de l’association Ni putes, ni soumises. En 2009, Fatima, 22 ans, décide de vivre sa vie. Elle décroche un emploi et se fiance. Son frère l’étrangle.

Cette haine envers les femmes relève-t-elle du fait divers, d’un malaise profond dans les banlieues, d’un problème avec l’Islam ? Cathy Sanchez, dans son documentaire La cité du mâle, diffusé sur Arte en 2010, a enquêté dans la cité de Vitry-sur-Seine où Sohane fut immolée. Les discours des jeunes hommes sont effrayants. Dans certaines familles où le père est absent, le fils aîné tient les rênes du foyer. Comme le jeune Rachid, qui, parlant de sa sœur, jure « sur le Coran », que s’il la surprend « avec des mecs », il la « menotte » et lui « rase la tête ». Quand on lui demande quel âge a sa sœur, il répond : « 28 ans ».

Un autre garçon confie tranquillement : « moi, si je me marie, je veux une fille propre (…), dans la religion, qui cache ses formes, porte le voile, reste chez moi… Une fille doit avoir peur de Dieu et respecter son mari. »

Cette violence devient parfois plus concrète, comme chez cet autre garçon : « si ma sœur se fait “trouer”, je sais que je vais la frapper. Je vais tellement la frapper que je ne vais même pas la reconnaître. Un soir, elle est rentrée tard et avec mon frère, on lui a mis la race, on l’a saignée. »

La « mifa » (la famille), c’est sacré. Selon ces hommes, une fille bien, c’est celle qui n’a pas de petit copain, et rase les murs. Ce que Sohane ne faisait pas, sans doute. L’identité masculine se construit dans la haine de la femme.

Les beurettes ont parfaitement intégré tous les préjugés machistes des garçons. Souvent, pour être tranquilles, elles s’habillent, selon leur expression, “à la bonhomme”. Elles évitent de se maquiller et portent des vêtements amples. Samira, 21 ans, étudiante originaire de Bondy, affirme : que « c’est dans le domaine de la sexualité que notre condition de femmes s’est le plus dégradée. Les jeunes filles manquent d’information de base, sur la contraception, ou le cycle menstruel. Ce qui est inquiétant aussi, c’est le retour de la virginité, que l’on croyait dépassée. » Propos confirmés par Leïla, jeune beurette de Villetaneuse : « C’est pas possible d’avoir une vie sexuelle dans la téci. Mon keum et moi, quand on veut niquer, on va au Formule1. » La virginité ? « Je m’en fous, mais c’est pas le cas de toutes les filles. Mes copines, elles pratiquent que la sodo. » Elle précise que ses copines les plus proches ont choisi de porter le voile, « pour se faire respecter ».

Cette situation ne cesse de se dégrader. Malika Sorel, membre du haut conseil à l’intégration, auteur du livre Le puzzle de l’intégration – les pièces qui vous manquent, affirme que « du fait de l’importance des flux migratoires, il était hautement prévisible, en raison même du fonctionnement de ces populations, qu’elles reformeraient leurs sociétés d’origine sur la base de leurs propres normes collectives (…) Il n’existe à leurs yeux que deux catégories possibles pour une femme : “pute” ou “soumise”. Ce n’est pas du tout fortuit que Fadela Amara ait choisi d’intituler son association comme elle l’a fait. » (source : Arte.com)

Selon Malika Sorel, les pouvoirs publics ont choisi de se voiler la face, et de ne pas aider ces populations à intégrer les fondamentaux de la culture française. Elle ajoute qu’une autre donnée importante du problème est « la dictature du relativisme culturel et l’idéologie de la diversité culturelle, qui ont peu à peu pris en otage notre société. Voilà ce qui a constitué un formidable terreau pour la transplantation d’une misogynie qui se traduit par une rare violence non seulement à l’égard des femmes, mais également à l’égard d’hommes qui ne sont pas reconnus comme de “vrais” hommes. »

Pourtant, il fut un temps ou l’Islam était une religion sensuelle, qui respectait les femmes et exaltait la sexualité.

C’est ce qu’affirme Malek Chebel, auteur du Dictionnaire amoureux de l’Islam. Selon lui, le prophète Mahomet « menait une vie qui pourrait sembler pécheresse aux yeux des intégristes d’aujourd’hui… Il le disait lui-même : j’ai aimé de ce monde les femmes, les parfums et la prière. Il n’hésitait pas à favoriser la découverte du plaisir chez ses partenaires. Nous le savons par les propos rapportés par les épouses du Prophète elles-mêmes ». Dès lors, difficile d’expliquer ce mépris de la chair. L’Islam n’oppose pas le bonheur terrestre au bonheur spirituel. Au contraire, il est nécessaire de s’aimer soi-même, avant d’aimer son prochain, et Dieu. Comme l’affirme Malek Chebel, « le rejet de la chair et du sexe est d’abord un rejet de soi-même. Et lorsqu’on se rejette on n’est pas sûr d’aimer qui que ce soit, même Dieu. » (Source : lepoint.fr)

Jasad, magazine _érotique_ libanais

Jasad, magazine « érotique » libanais.

Ce que confirme la poétesse Joumana Haddad, fondatrice du premier magazine érotique en langue arabe, Jasad (“corps”). Sur la couverture, la première lettre du titre évoque une paire de menottes ouvertes. Jasad aborde les thèmes de la première fois, ou de l’homosexualité. Rien de très choquant. Sauf dans le monde arabo-musulman. Joumana Haddad ne compte plus les menaces de mort qu’elle a reçues. Le magazine papier, lui, est vendu sous cellophane opaque. Joumana Haddad confiait au Figaro, au moment de la sortie de son livre J’ai tué Schéhérazade, confession d’une femme arabe en colère, que ses détracteurs « devraient se replonger dans notre passé littéraire, “Le Jardin Parfumé” ou “Les Mille et Une Nuits” […] (qui) feraient rougir le plus libéré des Occidentaux. » (source : le Figaro.fr) Et pourtant, le magazine cartonne. Trois mille exemplaires ont été vendus en onze jours, pour le premier numéro. Quatre cents personnes se sont abonnées, Saoudiennes pour les trois quarts !

Début d’évolution des mœurs, ou confirmation de l’hypocrisie de cette culture ? En tout cas, les femmes arabes libérées existent. Comme l’affirme Joumana Haddad, « (t)outes les femmes arabes ne sont pas exploitées. Toutes ne sont pas passives. (…) toutes les femmes arabes musulmanes ne portent pas le voile, la burqa ou le tchador. (…) Et plus important que tout : toutes les femmes arabes ne courbent pas l’échine. »

La beurette, niche porno ou symbole d’une révolte ?

Par curiosité, effectuez sur Google une recherche sur le mot “beurettes”. Là où vous pensiez recueillir des infos sur les jeunes filles issues de la deuxième génération de l’immigration nord-africaine, vous ne trouverez, sur des dizaines de pages, que des “beurettes salopes des cités”, “beurettes rebelles sodomisées”, etc. De catégorie sociologique, la beurette est devenue catégorie sexuelle… Certes, les sites pornos sont bien référencés sur la toile. Mais cette explication n’est pas suffisante. Si la beurette remporte un tel succès, c’est principalement à cause des clichés auxquels elle renvoie. D’abord, celui de la fille orientale, entièrement dévouée au plaisir de l’homme. La beurette a des origines lointaines, mais elle vit à côté de vous, dans la cité, jalousement protégée par la « mifa ». L’exotisme défendu est au coin de la rue : tout est réuni pour créer du fantasme.

Les films de beurettes, dans le porno, jouent sur la surenchère et la provoc : Fatima, beurette vierge et voilée, se fait sodomiser, Leïla, la chaste marocaine se fait double pénétrer… Il est évidemment sous entendu que ces beurettes sont forcément musulmanes, selon le cliché répandu arabe = islam. Les beurettes seraient donc des filles que leur religion prive de sexe, et qui se transforment en nymphomanes dès qu’elles en ont l’occasion ! A cela vient s’ajouter un autre cliché : celui de la fille issue d’un pays anciennement colonisé, qui a choisi de s’émanciper, de braver tous les interdits. Voilà de quoi donner des arguments aux fondamentalistes religieux, qui pourront disserter sur la dépravation que fait subir la société occidentale aux chastes musulmanes !

L’exemple du Maroc.

En 2007, le magazine marocain Tel Quel révèle une nouvelle tendance chez les consommateurs de X locaux : la gauloise blonde ne fait plus fantasmer, et la mode est à la fille arabe dévergondée !

Depuis, l’usage généralisé d’Internet a remplacé le Multivision sur les paraboles. Si la demande en « vidéos de beurettes » a explosé à la fin des années 2000, elle s’est aujourd’hui stabilisée. Ce qui n’est pas significatif, puisqu’aujourd’hui les recherches sont beaucoup plus pointues. Au Maroc, aujourd’hui, les recherches des amateurs de porno s’orientent sur des termes comme 97ab, pour q’hab, expression locale que l’on peut traduire par… « putes » (source : Google trends).

Autre tendance au Maroc : le fantasme de la bent derb (voisine d’à côté). Les Marocains apprécient particulièrement que les femmes s’expriment en darija, le plus vulgairement possible. « La hchouma (sentiment de gêne, de honte, souvent lié à la sexualité, NDLR) est encore prégnante sur les mots d’amour en darija, analyse Aboubakr Harakat, sexologue à Casablanca. Leur pouvoir érotique s’en trouve décuplé. C’est pourquoi les couples, dans l’intimité, réclament souvent des expressions crues quand ils sentent monter l’orgasme ».

La bent derb se trouve sur les tubes spécialisés en porno arabe. Les clips amateurs sont particulièrement prisés. Spécificité marocaine : les amateurs de porno sont partagés entre attirance et dégoût. Certaines vidéos sont parfois commentées par un rap moralisateur et injurieux, condamnant violemment la légèreté et l’impudeur des filles !

Mais le plus étonnant, c’est que les marocains rejoignent les Français dans leur exploitation des clichés sur la fille arabe bravant les interdits religieux. Aboubakr Harakat explique: “Cet archétype du tabou religieux transgressé est tout aussi valable dans la vie réelle au Maroc. Les prostituées se mettent de plus en plus au voile… car c’est un facteur d’excitation pour les clients. Le voile symbolise le caché, le secret, c’est une métaphore du désir”.

Yasmine, rifaine  devenue star du porno.

En tout cas, l’intérêt des Arabes pour le porno reste officiellement bien dissimulé. Pour une beurette, une aventure même éphémère dans l’industrie du X signifie, une mise au ban par sa communauté d’origine. A l’instar de la Marocaine Yasmine, qui confie au magazine à Tel Quel en 2007 : «Ce sont des voisins qui ont montré des photos de moi nue à mes grands frères. D’ailleurs, tout le voisinage était déjà au courant. Depuis ce jour-là, mes parents m’ont clairement fait comprendre que je ne faisais plus partie de la famille. Aujourd’hui encore, lorsque je les appelle, ils me raccrochent au nez. »

Mia Khalifa en pleine chevauchée. La scène du scandale !

Mia Khalifa, n°1 sur Pornhub.

Aujourd’hui, l’actrice porno la plus recherchée sur le site Pornhub, avec plus d’un million et demi de vues, c’est Mia Khalifa, starlette américano-libanaise de 21 printemps. Selon les chiffres de Pornhub, les recherches sur Mia Khalifa ont été multipliées par cinq entre le 3 et le 6 janvier 2015. On ne sera guère étonné de constater que la plupart des recherches proviennent du Liban, ou des pays arabes voisins, la Syrie ou la Jordanie.

Dans une scène tournée chez Bangbros, l’un des sites leaders du porn US en ligne, Mia Khalifa porte un hijab :

Cette scène lui a valu de nombreuses menaces de mort. D’autres, sur Instagram, saluent « son audace » et défendent « son droit d’user de son corps ». Interviewée par le Washington Post en janvier 2015, Mia Khalifa soutient que la scène est avant tout satirique, et que les films d’Hollywood présentent les musulmans de manière bien plus négative. L’affaire prend une tournure plus politique lorsqu’elle déclare : « les droits des femmes au Liban sont loin d’être pris au sérieux puisqu’une actrice pornographique américano-libanaise ne peut plus vivre dans ce pays à cause de son activité » (…) « ce que j’ai longtemps perçu comme le peuple le plus occidentalisé du Moyen-Orient, je le vois maintenant comme archaïque et oppressé » (source : Wikipédia). Comme les printemps arabes semblent loin !

Samia Christal, beurette assumée

Samia Christal, beurette assumée.

Samia Christal : «Je me suis souvent fait insulter par des musulmans !»

De mère française et de père kabyle, Samia Christal naît en France en 1983, puis est élevée en Algérie jusqu’à l’âge de 10 ans. Lancée par Pascal Galbrun, elle débute le porno en 2012. Elle travaille toujours dans le X.

La Voix du X : Tu es de culture musulmane ?

Samia Christal : Je ne suis pas du tout religieuse ! Mon père est musulman, il a choisi de rester en Algérie. Ma mère a préféré fuir ce pays, car il la battait, et moi aussi. Là-bas, si l’on est une femme, on est battu. C’est comme ça que ça se passe. Mon petit frère, lui, n’a jamais eu de problèmes.

Le choix de faire du X a un lien avec le rejet de cette culture ?

Non, mais en étant qu’actrice X avec des origines algériennes, je me suis souvent fait insulter par des musulmans. Ça m’a mise très en colère. Comment peut-on juger une femme parce qu’elle fait du X, quand on est capable de frapper une petite fille ? Aujourd’hui je fais du X et je l’assume. Pour mon père c’est la honte totale. Quand il l’a appris, le ciel lui est tombé sur la tête ! Il ne me parle plus.

Les beurettes représentent une niche dans le porno. C’est le côté inaccessible, lié à la religion, qui fait qu’on fantasme davantage sur les beurettes ?

Oui, bien sûr, ça joue. Dans la religion musulmane, les filles ne sont pas libres, elles sont « promises », à un cousin par exemple. Si une beurette est particulièrement délurée, c’est sûr que ça brise des tabous. On se dit qu’elle est forcément très cochonne ! Par exemple, la sodomie est totalement taboue là-bas. Déjà, faire du porno est extrêmement mal vu, alors la sodomie relève carrément du diabolique !

Ce n’est pas une façon de rester vierge ?

Si, j’ai connu beaucoup de filles qui n’avaient que cette solution pour rester vierges. Les autres choisissaient de caler leur nuit de noces au moment de leurs règles, pour être sûres de saigner.

Qu’est-ce que tu penses de l’exploitation par le porno de la fille orientale ?

Les productions jouent sur le fantasme de la beurette abusée, forcée. J’aimerais que cette image soit cassée. Nous, arabes ou berbères, sommes totalement d’accord pour tourner une scène, nos corps nous appartiennent, et nous en faisons ce que nous voulons. Nous ne sommes pas plus coquines que les autres filles. La différence, c’est que nous assumons. Ce côté-là n’est pas assez mis en valeur.

Tu as choisi de garder pour ton pseudo un prénom arabe. Qu’est-ce que tu penses des beurettes qui portent un pseudo français pour cacher leurs origines ?

C’est un choix. Certaines filles ont certainement eu des soucis dans leur vie privée par rapport à ça. Je le respecte. Moi, j’ai choisi d’assumer mon côté beurette.

Tu as déjà reçu des menaces ?

Non, juste quelques avertissements. Par exemple, dans mon entourage, je connais des Algériennes qui m’ont dit que je devais être possédée par le diable. Elles m’ont conseillé de faire des prières plusieurs fois par jour, si je veux espérer aller au paradis (rires) !

Pierre Des Esseintes est auteur et journaliste, spécialisé dans les questions de sexualité. De formation philosophique, il est également sexologue. Il a publié, aux éditions La Musardine, Osez la bisexualité, Osez le libertinage et Osez l’infidélité. Il est aussi l’auteur, aux éditions First, de Faire l’amour à un homme et 150 secrets pour rendre un homme fou de plaisir.

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