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Delfynn Delage : « On ne fait pas un fist à la première venue »

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Dans les années 2000, alors que Clara Morgane connaissait une ascension aussi fulgurante que couronnée de succès, une autre cambrioleuse s’échinait à faire reconnaître son art extrême dans les productions hexagonales. Performeuse hors-paire, ambassadrice française du fistfucking, en à peine 5 ans, elle a mis une claque à une pornographie française sclérosée, dont celle-ci ne s’est toujours pas relevée. Retraitée depuis 2005, l’ex-actrice n’est pas rangée des voitures pour autant (avec un tel nom, ce serait un comble). Elle tient aujourd’hui un site de rencontres libertin et reste attentive à l’actualité du milieu. Celle qu’on a, un moment, surnommée la Déjantée du Porn nous accorde un entretien fleuve pour revenir sur sa carrière et commenter les grands bouleversements en marche dans le X business. Passé, présent, futur…

Delfynn Delage, bonjour.

Bonjour !

Pour ceux qui ne te connaîtraient pas (des incultes, à n’en pas douter) tu as été actrice pornographique entre 1999 et 2005. Au cours de ta carrière, tu as tourné avec les plus grands réalisateurs en France, Moro, Cabanel, Pontello, Coppula, comme à l’étranger. En 2005, tu reçois le titre de meilleure actrice française au Salon de l’érotisme de Bruxelles.

C’est tout à fait ça. Un titre que j’attendais depuis tellement longtemps.

Une consécration pour toi ?

Exactement. Après avoir autant travaillé, après toutes les performances que j’ai pu amener en France, je n’avais jamais été récompensée, et c’est vrai que cet Award m’a fait vraiment plaisir. Je me suis dit : « Enfin ! On reconnaît mon travail. »

Effectivement, tu as souvent expliqué que tu as eu beaucoup de mal à te faire reconnaître à cause des pratiques plutôt extrêmes que tu as importées d’Allemagne, comme le fistfucking ou la double anale, et qui étaient très compliquées à voir en France, à l’époque.

Oui. En fait, je pense que beaucoup d’actrices auraient pu le faire, sauf que c’était vraiment mal vu. Moi, j’étais partie dans le porno dans l’idée d’apprendre des choses pour moi, sur moi aussi, de connaître ma sexualité et mes limites, et finalement d’apporter quelque chose de nouveau aux gens, visuellement et au niveau des sensations. Mon but était d’apprendre à connaître la sexualité complète et de l’amener aussi aux gens. Parce que le but d’un film pornographique, ce n’est pas de ne faire qu’écarter les jambes et dire : « Ah ! Ah ! C’est bon ! ». C’est aussi de montrer une performance, d’apporter du contenu de qualité. Et c’est vrai qu’à cette époque, c’était très compliqué de faire accepter de telles pratiques sur le territoire français. À savoir qu’en revanche, en Europe, surtout en Europe de l’Est c’était des pratiques très couramment vues dans les diverses productions.

Du coup, le trophée, la reconnaissance de la profession, pourquoi avoir mis fin à ta carrière au moment de ce qui semble être l’apogée de celle-ci ?

Justement. Le fait d’avoir reçu ce prix, ça m’a remerciée, en quelque sorte, de toutes ces choses que j’ai pu donner pendant tant d’années. J’ai donné beaucoup de temps, je me suis investie personnellement, physiquement dans le porno. Il me semblait avoir fait le tour de tout ce que j’avais à voir et à connaître. Je ne voyais plus l’intérêt de refaire une boucle sur quelque chose que j’avais déjà vu. Pour moi, c’était le moment idéal d’arrêter.

Mieux vaut s’arrêter quand on est au sommet, évidemment.

Voilà, plutôt qu’arrêter parce qu’on est l’actrice qu’on pousse dehors à coup de pied, parce qu’on l’a trop vue. Pour moi, c’était bien, c’était le bon moment. Et j’avais d’autres projets en tête, aussi. À ce moment-là, j’étais plus dans la musique, j’avais rencontré mon mari actuel, on était en pourparler pour faire un bébé. Il était temps pour moi de passer à autre chose et de vivre une vie de femme un peu plus conventionnelle, on va dire.

Pour toi, les aléas de la vie de famille sont incompatibles avec la vie d’actrice pornographique ?

Disons que c’est très compliqué, la vie d’actrice porno, ou même la vie d’actrice traditionnelle, ou tout ce qui est vraiment artistique. On est appelé à faire beaucoup de voyages, donc on ne profite pas vraiment de sa famille. Dès l’instant où on envisage de faire un bébé, de créer un cocon familial, il faut se rendre disponible. C’était vraiment le bon moment d’arrêter tout et de passer à autre chose. Mais je suis très contente de la carrière que j’ai pu faire. Ça m’a amené tellement de choses, mon Dieu ! Si je n’avais pas fait de porno, je ne serais certainement pas, culturellement, au niveau auquel je suis maintenant. J’aurais rencontré beaucoup moins de personnes. J’aurais certainement beaucoup moins voyagé. C’était vraiment un passage important dans ma vie, sur lequel je ne cracherai pas. Mais que je ne serais pas prête à recommencer. Comme je l’ai dit, je suis passée à autre chose.

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En parlant d’événementiel, l’année dernière, tu lances un site de rencontres libertines.

C’est ça, le 23 mai 2016, on a fait l’ouverture du site love-libertin.com. C’est un site, entièrement gratuit, de rencontres libertines. Je tiens à préciser « libertines », car je ne tiens pas à mélanger. On n’est pas sur une cible « porno ». On met en relation des personnes qui veulent se rencontrer, faire des choses ensemble et tout ça dans la discrétion. C’est pour ça qu’on n’a pas inclus de catégorie « vidéo X ». C’est quelque chose que, pour l’instant, on ne veut pas associer. On serait, peut-être, plus amenés à intégrer des films érotiques ou softs à l’avenir, si on trouvait un fournisseur en mesure de nous proposer ce type de contenu. On veut garder l’esprit du libertinage « de base », c’est-à-dire avant tout de la rencontre, mais sans en faire étalage à tout le monde. Il y a une offre pléthorique dans ce secteur, et parfois des sites très crus. Non pas que ce soit un mal, mais on souhaite rester sur un libertinage simple, délicat, quelque chose de très feutré.

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Je vois. Pour ne pas faire de mélange des genres, tu restes loin de l’esthétique extravertie que véhicule le porno.

Voilà. Je considère nos libertins comme des personnes comme tout le monde, qui ne vont pas spécialement tous les samedis dans le village du Cap d’Agde pour faire leurs courses à poil. Pour sortir, elles ne sont pas obligées de s’habiller en latex, elles peuvent très bien porter une paire de Louboutin avec une petite robe couture, par exemple. Ce que j’aimerais montrer du libertinage c’est que : « le libertin, ça pourrait être ton voisin, et pourtant, tu ne le sauras jamais ».

 

Pendant un moment, tu faisais des shows dans les salons. Tu continues ?

Non, j’ai arrêté toutes ces activités. Les shows, j’ai continué jusqu’à ce que je sois enceinte. Dès l’instant où j’ai arrêté les tournages, j’ai continué un peu les shows pour ne pas avoir un arrêt trop brutal. Ça aurait été très compliqué à gérer, psychologiquement. Parce que c’est dur, quand on est Delfynn Delage, et que, du jour au lendemain, on se retrouve Delphine Normale. Ça fait quand même une sacrée transition. Donc j’ai trouvé que la bonne solution c’était de s’effacer petit à petit en faisant des shows. C’était quand même moi, mais quand je rencontrais les gens, en cours de signature, je disais : « De toute façon, vous ne me verrez plus. J’ai arrêté ma carrière. Je suis sur ma dernière tournée ». Ça a duré presque un an. Après j’ai eu mon fils, et donc tout s’est arrêté.

Tu restes donc malgré tout très impliquée dans le milieu de l’érotisme grâce à ton site.

D’autant plus qu’avec le site, on a ouvert un blog, il y a maintenant presque trois mois, sur lequel on traite de sujets divers, que ce soit des sujets libertins, de ce qu’il se passe dans le monde. Je suis également la carrière d’autres acteurs, notamment Sébastian (Barrio, un des acteurs de sa génération dont elle est restée proche, ndlr). J’interviewe certains réals, etc. Le blog est associé au site, mais l’accès au blog est libre et sans inscriptions, donc ça peut aussi s’adresser à quelqu’un qui ne va jamais sur un site de rencontres libertines, et qui tombe sur le blog parce qu’il s’intéresse à la culture porno. Après, moi, je redirige vers les personnes desquelles je traite. Par exemple aujourd’hui, j’ai fait un article sur ce que peut apporter le porno dans un couple. Et donc après j’ai cité plusieurs grands réalisateurs, dont ceux qui travaillent pour Jacquie & Michel Elite. J’ai été y faire un tour hier soir et j’ai trouvé que ce qui y est fait est vraiment bien. Ça donne vraiment une super image, ce qui manquait en France depuis que Dorcel ne tourne plus énormément. C’est très bien. Donc quand c’est comme ça, je cite et je renvoie le trafic vers les plateformes qui développent le sujet que le lecteur est venu lire chez moi.

Pour finir sur ta carrière. Quel est ton meilleur souvenir dans le X ?

Mon meilleur souvenir, je pense que c’est un souvenir partagé par beaucoup d’actrices et d’acteurs qui liront cet article. C’était les remises de trophées où on se retrouvait, tout le X business, pour passer une soirée complètement dingue autour d’un super repas, et où on recroisait des personnes qu’on n’avait pas vues depuis deux/trois ans, parce que, comme on est tous très pris par notre activité, on n’a pas trop le temps de se croiser. Ouais, les meilleurs souvenirs, c’était ça, les réunions de la famille porno. Et même si on ne recevait pas de trophée, on était là, on passait une bonne soirée, on faisait des photos, on faisait les cons en boîte après. C’était rigolo.

Et sur les plateaux ?

Je garde un très bon souvenir de Gabriel Pontello, avec qui j’ai beaucoup travaillé, et qui travaillait lui-même pratiquement exclusivement avec les Allemands. Parce que c’est vraiment lui qui a fait le plus gros de ma formation. C’est lui qui m’a appris à être la Delfynn que je suis devenue au bout de deux ans de porno. La Delfynn performeuse, avec une grande gueule, qui, quand ça n’allait pas, n’avait pas peur de le dire. C’est lui qui m’a fait être la professionnelle que j’ai été.

Histoire de rebondir sur l’actualité, plutôt chaude en ce qui concerne le porno, j’ai vu, via ton compte Twitter, que tu avais évoqué la déclaration de Clara Morgane : « Quand Rocco débarque sur un plateau, c’est un dieu […] et une fille qui arrive sur un plateau avec une image un peu sexy, c’est une pute ». Comment as-tu réussi à t’accommoder de cette image sulfureuse d’ex-actrice pornographique ?

Alors moi, c’est toujours compliqué. Quoique, depuis qu’on a le site libertin, je contrôle beaucoup mieux mon image. Déjà, je suis beaucoup plus vieille. J’ai 41 ans maintenant, donc j’ai un peu plus de recul. J’ai beaucoup moins d’appréhension quand je vais sur un plateau pour une interview. Je sais comment diriger la conversation pour ne pas tomber dans des choses un peu bizarres. Mais c’est vrai que, quand on a une carrière d’actrice porno comme moi, ou comme Clara, quand on veut faire quelque chose d’un petit peu plus concret, on est toujours prise pour la nana qui a juste deux neurones et deux jambes à écarter. Donc on est obligé de beaucoup plus argumenter les choses pour se faire accepter. Et il y a des choses qu’on ne peut pas accepter. C’est très compliqué d’être crédible quand on a une vingtaine d’années et qu’on ne connaît pas trop la vie. Des fois, on peut se retrouver dans des sortes de pièges journalistiques pas toujours évidents. Ça peut vite partir en dérive, et je comprends pourquoi Clara a dit cette phrase. C’est vrai que l’homme a beaucoup plus de facilités de ce côté-là. Mais ce n’est même pas une question d’être actrice, finalement. C’est parfois juste la question d’être une fille qui va s’amuser, dans sa vie de tous les jours, à rencontrer beaucoup d’hommes. Elle va être très vite considérée comme quelqu’un de malsain, comme une malpropre, tandis qu’un homme, ça reste un Don Juan, un mec qui plaît. Lui va attirer l’attention, alors que la fille va être montrée du doigt. Et ça, c’est quelque chose de typiquement français. On adore mettre des gens dans des catégories et ça se prouve dans ce que Clara a pu dire.

Au-delà de la question de l’actrice, c’est la question l’image de la femme en général, pour toi ?

L’image de la femme, exactement, on est toujours en train de sortir des polémiques sur la femme-ci, la femme-ça, la femme battue. Mais en attendant, la femme, elle est toujours battue, même sans se prendre un coup de poing dans la gueule par son mari. Parce que dès qu’elle sort un peu des clous, de ce qui est dans la norme du couple homme/femme, si c’est une femme un petit peu volage qui a envie de s’amuser comme l’homme le ferait, elle est finalement autant battue que si elle prenait une claque par son mari tous les jours. Mais ça s’est un système très français qu’on connaît également dans la musique où, quand on fait de la musique rock, on ne peut pas faire de la musique rap. On est automatiquement catalogué, et la femme d’autant plus.

Est-ce que tu suis le porno tel qu’il est maintenant, du coup ? Est-ce que tu en regardes ?

Je ne regarde pas vraiment de porno en ce moment, parce qu’on va dire que je n’ai pas vraiment le temps. Mais disons que je m’y intéresse, ou plutôt, je m’y ré-intéresse car, pendant une période, je n’avais pas le temps de chercher. Je commence à me ré-intéresser à ce qu’il se passe au niveau des réalisations françaises. Justement, j’en parlais dans mon article de tout à l’heure, je trouve qu’il y a une belle amélioration depuis quelques mois, au niveau des réalisations que je trouve un petit peu plus scénarisées. Il y a eu une période où il y a eu une dérive, où on n’était que sur du gonzo et c’était, limite, plus du tout excitant. Et là, je trouve qu’il y a un bel effort de fait, de la part de quelques-uns des réalisateurs français et des productions françaises. Et je pense que ça pourrait être pas mal, que ça pourrait freiner tout ce qu’il se passe actuellement sur le net, ce dont Ovidie a parlé dans Pornocratie, tous ces tubes gratuits, toutes ces choses-là. Je pense que si on retourne à du vrai film scénarisé, on peut bien redorer l’image du porno, et c’est ce qui manquait depuis quelque temps. Donc, je suis relativement fière de ce qu’il se passe actuellement en France, je trouve que c’est pas mal. Il y a encore beaucoup de n’importe quoi, attention. Quand on voit les sites gratuits, franchement, ça ne vole pas très haut, mais certains ont sorti les billets et se mettent à refaire des choses sympas. Je trouve ça très bien.

Donc en ce qui concerne le business, tu penses qu’il faut réinvestir de l’argent et se sortir de la production exclusivement gonzo ?

Oui, bien sûr. Parce que le gonzo, c’est ce que font déjà les gens, eux-mêmes, chez eux et qu’ils postent sur Youporn et toutes ces conneries. Des gens qui se font une petite sextape ou qui volent les images de ce qu’ils ont fait avec une copine pendant une soirée. Et ce qu’on fait dans le gonzo, c’est exactement la même chose, c’est les mêmes systèmes de cadrage. Donc on n’a plus vraiment les moyens de faire la différence. « Est-ce que c’était un film tourné par un vrai professionnel, ou est-ce que c’est un pur amateur qui l’a fait ? » Je ne trouve pas ça super excitant. En plus, on a régulièrement affaire à « la voisine d’à côté », qui n’est pas spécialement un canon, donc on démystifie un peu le côté chic et fantasmagorique du porno. Donc c’est vrai que remettre de l’argent dans des belles productions, ça va redonner aux gens l’envie d’aller sur des sites payants, à abonnement, parce qu’ils vont y trouver de la nouveauté, du film scénarisé, du film à fantasme.

Une plus-value de production, quoi.

Il y a une vraie plus-value, c’est vrai. Après, c’est vrai que tout le monde n’a pas les fonds pour le faire, mais, des fois, il faut aussi se mouiller, quoi. Se mouiller et puis se dire, ça pourrait être une des solutions qui pourrait un peu arrêter cette profusion d’amateur dégueulasse et complètement gratuit, sur laquelle tous les gosses peuvent tomber. Moi, j’ai un fils qui a maintenant a dix ans, je suis en panique à chaque fois qu’il ouvre son ordinateur, de peur qu’il tombe sur un truc à la con. Si mon fils va voir un porno un jour, j’aimerais autant qu’il voie un porno de qualité. Je ne veux pas qu’il puisse le trouver comme ça, sur le net, gratuitement. Je veux qu’il aille sur un site avec abonnement, où je sais que je vais pouvoir contrôler les choses et où ce serait quelque chose de beau, qui met en valeur. Parce que c’est vraiment très grave ce qu’il se passe. Heureusement, en France, certains commencent à avoir les couilles de le faire. C’est bien, tant mieux. Et certains qui étaient déjà là avant, qui ont beaucoup de mal à tenir, face à ces voleurs d’images que sont les tubes, ont réussi, tout de même, à rester dans des réalisations propres. Je pense que s’ils réussissent à tenir le coup financièrement, ça devrait aller mieux dans quelque temps. Mais il faut que tout le monde s’y mette, pour essayer de contrer toute cette merde.

Tu parlais d’Ovidie et de son dernier documentaire Pornocratie…

Il est extraordinaire… Extraordinaire.

1228463-delfynn-delageVous vous retrouvez d’ailleurs énormément sur la critique du nouveau business-model du porno. Elle parle aussi de la dureté grandissante des pratiques dans le X actuel. Toi qui es l’une des premières, si ce n’est la première, à avoir introduit le fist fucking ou la double anale dans les productions française, que penses-tu de la banalisation des pratiques extrêmes dans le porno ?

Je pense que les pratiques extrêmes doivent être exécutées par des filles qui sont conscientes de ce qu’elles font. Dans ce que j’ai vu dans le reportage d’Ovidie, on comprend que ce sont des nanas qui ont, quoi, la majorité, à peine un peu plus. Ce ne sont pas des nanas qui sont très vieilles, je ne pense pas qu’elles connaissent leur sexualité, et elles sont déjà en train, pardonne-moi l’expression, de se prendre jusqu’à quatre bites ! Je trouve ça un peu extrême d’en arriver à se mettre de la Xylocaïne (un anesthésique local, ndlr) au niveau de l’anus. Quand naturellement, ça ne passe pas, il ne faut pas chercher à aller plus loin. Il y avait des personnes comme moi qui avaient des facilités, mais, de là à m’en prendre quatre, j’en aurai été incapable. Ou alors, il aurait fallu que je prenne je ne sais pas quelle drogue pour que ça puisse se faire ! Donc, en effet, je pense qu’il y a un abus. Mais parce que quoi ? Parce qu’il y a un manque d’argent évident, au niveau de ces nanas. Mais elles sont également fautives de ce qu’il se passe, parce que si une accepte, les autres seront obligées d’y passer, sinon elles ne feront pas carrière. Donc, il suffit qu’une le fasse pour que toutes les autres suivent, et surenchérissent pour être la meilleure. Je trouve ça dangereux, déjà car ça montre à une clientèle de novices des pratiques qui, si elles ne sont justement pas faites par des professionnels, peuvent être extrêmement dangereuse. Ne serait-ce que le fist. Il y a une technique bien particulière. On ne fait pas un fist à la première venue parce qu’on l’a vu dans un film sur Internet, enfin dans une scène. On ne peut pas vraiment parler de film, dans ces cas-là. Je trouve qu’il faudrait, à la rigueur, limiter ces pratiques à des grandes productions reconnues.

Selon toi, il faut encadrer ces pratiques ?

Oui, canaliser, parce que ça amène à une violence corporelle incroyable. Tu imagines, une fille qui fait du porno depuis deux mois, se prendre une quadruple anale ? Elle n’est pas prête à ça. Personne n’est prêt à ça. Il faut quand même bien connaître son corps, l’avoir travaillé. Il faut avoir musclé les parties nécessaires, parce que les déchirures ne sont jamais loin. Il y a des choses graves qui peuvent se passer en ayant ce genre de pratiques. Donc oui, ça devrait être, dans une certaine mesure, contrôlé, fait par des professionnels, diffusé dans des catégories bien spécifiques, à partir d’un certain âge même, à la rigueur.

Penses-tu qu’il faudrait mettre fin à cette espèce de mépris des autorités quant à la question pornographique ?

Il y a quand même un truc incroyable. Que font le Ministère de la Santé, ou le Ministère du Travail, pour encadrer les pratiques ? Pourquoi pas une médecine du travail pour les actrices justement, même si souvent ce genre de pratique, c’est fait dans les pays de l’Est. En France, quand on bosse à l’usine, on passe une visite médicale. Bah là, c’est pareil. Les productions devraient être référencées par rapport à leurs pratiques et qu’il y ait un contrôle sanitaire, pour toutes les nanas qui devraient travailler pour ces sociétés-là, par exemple. Je pense que ça serait pas mal, parce qu’il doit y avoir des filles qui se font, mais complètement déchiré, quoi ! Quand on voit, dans le reportage, une petite nana qui n’est plus capable de s’asseoir. Moi, malgré toutes mes années de carrière, j’ai toujours pu m’asseoir après une scène. Et la fille, ça faisait 2 mois qu’elle était là, je crois. C’est incroyable, ça donne une image dégueulasse du porno. Et puis c’est une incitation à la violence sur la femme, de faire croire qu’une fille qui s’en prend quatre, elle est contente de s’en prendre quatre. Ce n’est pas vrai, c’est uniquement de la performance et une question de budget derrière. Elle sait qu’elle va toucher. C’est tout. Il faut serrer un petit peu la vis de ce côté-là. Si d’un côté, certains essaient de refaire des choses propres et que derrière, on laisse faire des trucs pareils, on ne sauvera pas le porno de la crise dans laquelle il est. Quand on voit que plus de 80 % des productions ont disparu. Et le reste à été bouffé par des sociétés, qui à la base, n’avaient rien à voir avec le milieu, qui n’y connaissent rien et font faire n’importe quoi comme ça se passe aux Etats-Unis… Personnellement, j’ai halluciné, quand j’ai vu que les Red Light (Red Light District Videos, un célèbre studio californien, ndlr), les Digital Playground avaient été avalés. Moi, c’était mon rêve d’être « Digital Girl » et, quelques années après, tout a été annexé, alors que c’était prestigieux. Tout ça est devenu une entité énorme auprès de laquelle même les plus grands ne veulent plus bosser. Tous les rêves américains que j’avais pu avoir, en une heure et demie, tout est retombé. C’est devenu n’importe quoi, avec des pratiques hors norme, qu’on n’aurait jamais pu imaginer de mon temps.

Y a-t-il malgré tout des productions porno à l’étranger que tu reconnais, qui trouvent grâce à tes yeux ?

Sincèrement, après ce que je viens de voir, non. C’est pour ça que je vais rester sur mon territoire et essayer de faire confiance aux productions françaises. C’est déjà pas mal.

L’avenir du porno est donc en France ?

À mon avis, oui. Je pense qu’il y a quelques bonnes productions en France qui peuvent se battre contre ces grosses « machines de guerre » américaines qui empiètent sur notre terrain. Il faut essayer de protéger nos actrices pour qu’elles ne tombent pas, elle-mêmes, dans ce type de pièges. Essayer de les garder en France, de les mettre en valeur, de les payer correctement, et de bien les sélectionner pour avoir des filles toujours jolies, qui font attention à elles, pour que le porno français reste une marque de fabrique.

Ta carrière flamboyante a laissé une marque indélébile dans le cœur de tous ceux qui étaient en âge de voir tes films dans les années 2000, et nous serions damnés si nous ne te posions pas la question : envisages-tu un come-back ?

(rires) Non, je pense qu’il y a des petites nanas en France qui sont très jolies, qui travaillent bien et qui m’ont certainement déjà remplacée. Place à la jeunesse ! Des filles comme Anna Polina, Claire Castel, que sont très gracieuses et qui assurent la relève. On a tous notre moment dans une vie, après il faut laisser la place aux autres. Donc non, pas de come-back, mais je garderai un œil sur le milieu, sans aucun doute

Tu as sans doute raison. Laissons la légende intacte. Merci, Delfynn Delage, pour cette interview.

 Merci à vous, c’était un plaisir.

love-libertin-le-blog-1Retrouvez Delfynn sur son blog et sur Love Libertin.

 

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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