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Daniel Welzer-Lang : « aujourd’hui, les catégories sexuelles non-traditionnelles explosent »
Connaissez-vous les termes « cisgenre », « gender fluid », « hétéroqueer » ? Dans son dernier livre, Les nouvelles hétérosexualités, le sociologue Daniel Welzer-Lang fait le point sur l’incroyable diversité des identités socio-sexuelles qui ont émergé ces dernières années. La sexualité hétéronormée a-t-elle fait son temps ? Rencontre.
Dans votre livre Les nouvelles hétérosexualités, vous considérez que l’hétéronormativité qui est à déconstruire. Pourquoi ?
C’est le couple hétéro traditionnel, le « deux exclusif », le conjugal, qui sont mis en cause. Nous sommes actuellement dans une révolution. On ne sait pas encore ce qui en sortira. Les catégories « homme » et « femme » sont elles-mêmes en train de se déconstruire. Chez les 16-25 ans, on trouve de nombreuses personnes, hommes ou femmes, qui jouent avec les genres. Il se déclarent gender fluid, et vont, à certains moments, faire l’amour en s’appropriant les apparences de l’autre sexe. On ne sait pas comment ils vont marquer leur époque. Pour l’instant, ils sont contents de mettre un peu de bordel dans les anciennes catégories !
Comment abordez-vous ces nouvelles catégories ?
J’essaie toujours de prendre de la distance par rapport à la création ex nihilo des catégories. Celles-ci sont fluides, poreuses, construites socialement, mais elles ont aussi une prégnance sociale importante. On ne pourra pas, du jour au lendemain, tout envoyer balader ! Quand je vois l’ampleur que prennent ces catégories sur les sites de drague, par exemple, je me dis que cela a du sens pour les gens ! C’est très impressionnant, aujourd’hui, de voir le nombre de mecs qui se présentent comme trav ou trans.
Vous remarquez aussi que certaines sexualités, comme le polyamour, se développent très vite….
Ça correspond à une sortie de la crise des couples. On n’est plus obligé de se séparer quand on tombe amoureux de quelqu’un d’autre.
Cet aménagement de la relation amoureuse, c’est encore de l’amour ?
Ce n’est pas l’amour traditionnel, au sens d’appropriation et d’exclusivité, mais ça en a toutes les caractéristiques. C’est l’amour sans les épines ! La durée de vie des couples, surtout chez les jeunes, se réduit de plus en plus. Alors, on essaie de trouver de nouvelles formes, qui intègrent les sentiments amoureux, en tentant de résoudre les problèmes qui se posent dans la société actuelle.
Comment un sociologue aborde-t-il la question du genre ?
L’approche sociologique étudie les formes de domination que créent les genres, et la manière dont les catégories sexuelles traditionnelles explosent, notamment sous l’influence des intersexes.
Les intersexués sont plus nombreux qu’avant ?
Oui, entre 2 % et 4 ‰ des naissances, selon la manière dont on définit l’intersexualité. Les médecins ne choisissent plus le sexe de l’enfant comme avant. Ils ont trop peur des procès.
Aujourd’hui, si je veux devenir une femme, je peux le faire facilement ?
Oui, il suffit de faire une demande à la mairie, ou au tribunal de grande instance. On n’a plus besoin de passer par un psychiatre. Ce n’est plus une maladie.
On ne passe pas non plus par la chirurgie ?
Non, si vous êtes un homme et que vous voulez devenir une femme, il suffit d’une dizaine de témoignages selon lesquelles vous êtes connu comme femme, et vous devenez femme. On aura bientôt, sur nos papiers d’identité, le genre de naissance et le genre usuel, comme il existe déjà le nom d’usage et le nom de naissance.
Les militants LGBTQIA ne sont-ils dans une revendication excessive, faisant passer ceux qui ne sont pas d’accord avec eux pour des réacs ?
C’est normal, ils se considèrent comme progressistes ! Dans les groupes de parole auxquels je participe, la violence des jeunes envers leurs parents, si ceux-là ont osé émettre une critique sur leur changement de genre, est choquante ! Cette violence correspond à une volonté des jeunes générations de se distinguer radicalement des précédentes.
Que deviennent les notions de masculin et de féminin ?
Ce sont des constructions sociales. Quand on considère les différentes cultures, les qualités associées aux hommes et aux femmes sont diverses. On le sait depuis Margaret Mead, et ses travaux sur les tribus d’Océanie. Chez les Arapeshs, les valeurs associées chez nous au féminin sont partagées par les deux sexes. Chez les Chambulis, les différences de sexe sont plus marquées : le pouvoir économique est détenu par les femmes, et la principale préoccupation des hommes est de leur plaire. Il n’y a donc pas d’universalité des rôles sexuels. Avant, on pensait que ces rôles venaient de la nature.
D’où vient la culture queer ?
En partie des États-Unis. Elle s’alimente aussi de cinquante ans de lutte sur le genre en Europe.
C’est ce qu’on appelle la théorie du genre ?
Absolument.
Les détracteurs de cette théorie affirment qu’elle est enseignée aux enfants dans les écoles. Vrai ou faux ?
Disons que dans les écoles, on met les enfants en garde sur les stéréotypes de genre. Je dirige un master d’éducation à la sexualité humaine, pour des gens qui se destinent à faire de la prévention. La théorie du genre articule l’égalité homme/femme à travers la reconnaissance des identités de genre. Une grande part de la théorie du genre s’intéresse à la domination masculine.
Cette influence de la culture queer se retrouve surtout en Europe ?
Non, pas seulement. Au Brésil aussi, et même en Inde. Mais il est vrai qu’en Inde, les hommes ayant l’apparence de femmes ont toujours existé. Notre système binaire, en Europe chrétienne, est très rigide. C’est cela qui est remis en cause.
On a l’impression que ces débats sur le genre concernent de petites minorités urbaines, et que la grande majorité de la population en est exclue.
Il faut se rappeler que ce sont les populations les plus pauvres qui sont les moins ouvertes sur la question des libertés sexuelles. Ce sont aussi les populations qui ont le plus à perdre dans la crise du couple. Se retrouver seul(e) avec des enfants à mi-temps, c’est très difficile. Alors, ils résistent… Mais il faut toujours se laisser quelques années de recul, pour voir ce qui a pris, ou pas.
Les catégories « gay », et « hétéro » ont-elles encore une validité, ou sont-elles trop générales ?
Elles sont valides, tant que les gays subissent encore des agressions. La loi qui a supprimé les discriminations envers les homosexuels n’a pas encore transformé toutes les mentalités. Mais il y a aussi des gays qui deviennent réacs, en couple très traditionnel.
Peut-on être homosexuel sans être gay ?
Naturellement. Ce qu’on désigne par le terme gay, c’est l’identité homosexuelle revendiquée. On peut être homosexuel tout en refusant la culture gay.
Dans la perspective queer, la « norme » hétérosexuelle serait un dispositif de contrôle social…
C’est le cas de toutes les normes. Et il est impossible de vivre sans normes, ce serait insupportable. Nous vivons dans un système de normes qui nous paraissent naturelles, que nous avons intégrées. Ceux qui prétendent ne pas se conformer aux normes en vigueur en créent d’autres, en général. De nos jours, par exemple, on va préciser l’origine post-coloniale des gens. Pour ne pas favoriser le racisme, on va créer de nouvelles normes de langage et de comportement.
C’est ainsi que les personnes « racisées » sont intégrées aux luttes menées par les queers ?
Oui, on a rassemblé toutes les formes d’oppression. Mais c’est très déclaratif. Il faudra vérifier comment, à la longue, ces oppressions s’interconnectent.
C’est quand même étrange, ce terme de « racisé », non ?
Oui, on a supprimé le terme de « race » de la constitution, et en même temps, on assiste à un processus dynamique de racisation des gens.
La sexualité peut-elle constituer une identité ?
Oui, si c’est un groupe dominé qui le revendique. Tant que l’on fait partie des groupes dominants, on n’a pas de problèmes. Dans la mesure où l’on veut baiser autrement, on peut en faire une identité. J’ai reçu récemment une revendication d’asexuels pour que je les intègre dans les analyses. Quand on regarde leur site, on se rend compte, d’ailleurs, que leurs débats sont très érotiques ! Ce ne sont pas des cathos qui ne veulent pas baiser, ce sont des gens qui veulent se distinguer des autres en disant : « nous, on ne baise pas » !
Et ces gens-là se considèrent comme dominés ?
Oui, dominés, invisibles, sans légitimité. Derrière chaque minorité sexuelle, il y a une quête de visibilité et de reconnaissance.
Comment l’expliquez -vous ?
La question actuelle, c’est celle des mœurs. Le débat est focalisé là-dessus, surtout au sein des classes supérieures qui veulent pouvoir s’affranchir des normes traditionnelles. Mais peut-être qu’un jour, tout ça n’aura plus d’importance. Les sociologues sont obligés de suivre les débats tels qu’ils se présentent. On ne choisit pas nos objets de recherche.
Comment voyez-vous évoluer cette révolution du genre ?
Je n’en ai aucune idée. Je ne sais pas comment cela va s’inscrire au sein des prochaines innovations technologiques. Souvenez-vous de premiers débats sur le cybersexe. On pensait que les gens s’enfermeraient dans des combinaisons bardées de capteurs, et que l’on toucherait l’autre à distance (rires) ! Mais aujourd’hui, je suis quand même étonné de l’aspect massif du gender fluid. Les jeunes de 15-18 ans sont très heureux de parler de ça, d’autant plus que leurs parents ne comprennent pas !
Ces nouvelles catégories sexuelles peuvent-elles accompagner d’autres courants de pensée ?
Oui, car cela participe de la déconstruction des catégories d’analyse. Je me souviens, en 1995, avoir édité un texte antispéciste. Ça avait fait scandale. Maintenant, on en parle couramment. Les antispécistes considèrent que la cause des animaux rejoint celle des femmes. C’est très pertinent. Antispécisme, transhumanisme, culture queer, relèvent d’un même mouvement global.
Lexique des nouvelles sexualités
Si vous êtes perdus parmi toutes ces nouvelles orientations et identités sexuelles, voici un petit lexique (non exhaustif) pour comprendre ces termes parfois étranges !
LGBTQIA : acronyme inclusif regroupant la plupart des identités de sexe et de genre : lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queer, intersex, asexuels. Mais puisque cette liste sera toujours incomplète, on utilise aussi l’acronyme LGBTQIA+.
Cisgenre : une personne se définit comme telle si le sexe assigné à la naissance correspond à l’identité de genre donnée à voir.
Transsexuel-le : personne qui considère que son sexe biologique est une erreur qu’il s’agit de réparer. Elle va donc changer de sexe en transformant son corps au sein d’un protocole médical.
Transgenre : personne considérant qu’elle peut vivre avec une présentation de soi correspondant au sexe opposé, sans passer par un protocole médical.
Intersexe : personne à qui on ne peut assigner de sexe à la naissance. Autrefois, les médecins se chargeaient de leur assigner un sexe par la chirurgie, mais aujourd’hui, les chirurgies correctives exécutées sans consentement de la famille sont passibles de poursuites judiciaires.
Gender-fluid : personne refusant toute assignation de genre.
Non-binaire : personne se réclamant des deux genres.
Altersexuel-le : personne refusant une étiquette sexuelle relative à son orientation ou à son genre.
Pansexuel-le : personne attirée par l’un ou l’autre sexe, sexuellement et sentimentalement. Les pansexuel-le-s veulent dépasser toutes les catégories mise en place par l’hétéronorme.
Asexualité : personne qui déclare ne ressentir aucun désir sexuel. Revendique l’amour sans sexualité, sur un mode romantique.
Aromantique : personne qui ne ressent aucune attirance romantique pour les autres. Privilégie les désirs sans investissement sentimental.
HSH : hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Sans être gays ou même bis, ils se disent attirés par le pénis de leur partenaire, et par la facilité des rapports sexuels entre hommes.
Hétéroqueer : mouvement regroupant diverses orientations dépassant l’hétéronorme. Une multiplicité de nouveaux termes sont apparus dans la presse et sur certains sites, témoignant, selon Daniel Welzer-Lang, d’une « queerisation » des hétérosexualités. On peut mentionner :
Les Androsexuel-le-s : personnes attirées par la masculinité, chez les hommes comme chez les femmes.
Les autosexuel-le-s : personnes attirés sexuellement par eux-mêmes.
Les gray-sexuel-le-s : personnes se situant dans la zone grise entre sexualité et asexualité.
Les skoliosexuel-le-s : personnes attirées vers les individus non-binaires.
Les androgyno-sexuels : personnes attirées par les individus possédant des traits à la fois masculins et féminins.
Les demi-sexuels : personnes ne pouvant éprouver de désir sexuel que si elles ont développé des liens affectifs très profonds avec leurs partenaires potentiels.
Les gyne-sexuel : personnes attirées par la féminité, qui peuvent donc faire l’amour avec une femme cisgenre, une trans très féminine ou un homme efféminé.
Les lith-romantique ou akoi-romantique : personnes éprouvant des sentiments amoureux, mais ne souhaitant pas qu’ils soient réciproques.
Les queer-platoniques : personnes développant des relations entre la romance et l’amitié. Elles sont souvent asexuelles ou aromantiques.
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