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Uro gay : en quoi consiste la pratique de la Golden Shower ?

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Avec Internet, certaines pratiques jugées comme étant particulièrement taboues ont réussi à se démocratiser, au moins un petit peu. C’est le cas de la pratique de l’uro chez les gays. Les « water sports » (style à l’anglaise) ou l’ondinisme (version poétique) voient leur nombre d’adeptes considérablement augmenter. Il n’est plus si rare de se voir proposer ce genre de plans sur les applis ou dans les bordels. Qu’y a-t-il de si excitant dans l’urine des garçons ? Comment le porno s’approprie-t-il et contribue-t-il à développer ce fantasme ?

Les gays et la pisse : une longue histoire

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Vous l’aviez peut-être oublié mais alors que l’homosexualité était encore clandestine, l’un des points de rendez-vous les plus prisés n’était autre que le coin des pissotières. On allait sur une aire d’autoroute ou dans des bars biens identifiés, on sortait sa teub et soit on pissait et on se la touchait, soit on y allait franco. Beaucoup d’hommes ont ainsi arrosé leur première rencontre et leurs premiers émois dans l’urine. L’uro est donc sans surprise très présent, filmé de façon assez anodine, dans les productions vintage des années 1970. La majorité des productions montrent des hommes qui se font faire une gâterie après s’être vidés dans les toilettes. Et quelques-unes plus audacieuses font jaillir le fluide lors de scènes d’orgie ou de duos désinhibés dans lesquels les mâles boivent le liquide jaune sans grimacer, bien au contraire.

Dans les sexclubs, à l’époque des soirées cruising avec des foulards, la couleur jaune s’est rapidement imposée pour marquer le goût « particulier » de certains garçons en quête des jets de beaux inconnus. Un fantasme qui est loin de dater d’hier.

Le fantasme du « crade »

Être à genoux, faire une fellation puis se retrouver trempé par l’urine d’un homme un brin dominateur : un fantasme de soumission que beaucoup de garçons partagent. Ludovic a une sexualité qu’il définit lui-même « d’assez hard » et pratique depuis maintenant deux ans le trip uro en tant que « receveur ». Il explique ce qui l’attire dans la douche dorée : « Je ne pensais franchement pas faire ce genre de plans un jour. Je trouve l’odeur de l’urine particulièrement désagréable, ça a souvent provoqué chez moi des hauts-le-coeur. Quand on me parlait d’uro, j’avais en tête l’odeur sale et révulsante de sous les ponts ou des recoins les plus crades des sexclubs. Et puis un soir, alors que je me faisais soumettre par un mec, il m’a demandé si j’avais envie qu’il me pisse dessus. J’étais très excité et j’ai fini par dire oui. J’ai été surpris par le plaisir que j’en ai tiré. Cela allait complètement avec le fantasme d’être rabaissé, ça ajoutait à mon partenaire une emprise, un pouvoir de domination. J’avais vraiment l’impression de jouer à son esclave, d’être inférieur. L’uro fait kiffer car c’est sale, ça a encore un goût d’interdit (on ne parle jamais de ce genre de plans ou très rarement avec ses amis), c’est humiliant. Mais surtout, plus que tout le reste, j’ai aimé la sensation. C’était comme sentir la chaleur du mec sur moi, plus long et plus doux qu’une éjac. J’ai aimé qu’il se déverse et après je me sentais complètement à lui ».

 

Thierry aussi est un adepte « receveur ». Et lui aussi confesse aimer ce côté crade et synonyme de rapport de domination-soumission : « Clairement le mec marque son territoire. Il laisse une empreinte sur toi. L’odeur n’est pas aussi forte que ce que l’on pourrait croire. C’est minime. Je pense que si on a ce genre de trips ça renvoie à quelque chose de plus psychologique que physique. C’est aussi pas mal un truc de mec soumis. Par exemple, parfois je ne me contente pas de prendre l’urine sur moi mais aussi de la boire. Les non initiés trouveront peut-être ça choquant ou dégueulasse mais moi je kiffe. Bien sûr le goût n’est pas très bon, c’est une sensation assez bizarre, surtout les premières fois. Mais en le faisant, j’ai l’impression de repousser mes propres limites, de faire un truc délicieusement subversif. Et ça m’excite à fond ! »

Un genre de plan en soi ?

Le porno gay des années 1990 et du début des années 2000 ont érigé l’uro comme un type de plan en soi. Des films entiers y étaient consacrés, poussant parfois le délire jusqu’à des extrêmes (comme l’éjac monstrueuse, on a eu droit à des flots de pisse spectaculaires). Michael Lucas a par exemple dédié toute une série de films au Water Sports en les glorifiant sous leur jour le plus hard.

Ludovic et Thierry s’accordent toutefois pour dire que dans la réalité le « plan uro only » ne se pratique plus vraiment. Ludovic explique : « Pour moi la pratique de l’uro est raccrochée à un ensemble. Avec le fait d’être dominé par un actif notamment. Ca va avec le reste, les basiques type pipe et sodomie, les petits crachats et les fessées. Un mec qui se contente juste de te pisser dessus, c’est ni très fun ni très excitant ».

 

Les vidéos X d’aujourd’hui semblent avoir intégré cette donnée et désormais l’uro se faufile entre autres délires hard. C’est un peu la cerise sur le gâteau si on peut dire, une façon de rendre le jeu de rôle sexuel encore plus intense. Kink en use et en abuse dans sa section « Bound in Public », Hardkinks y a très souvent recours pour ses productions les plus « naughty ». Le kiff de l’uro peut alors être poussé plus loin avec par exemple des jeux avec des entonnoirs, des situations transgressives où un soumis boit le fluide de mâles dominants qu’ils ont éjecté dans un verre…

Jeux humides organisés ou plus spontanés

Forcément, de par son caractère « sale », l’uro demande un peu d’organisation. Thierry plaisante : « On n’invite pas chez soi un mec pour qu’il salisse notre lit ou notre moquette ! ». Chacun a ses petites habitudes ou rituels. Ludovic est pour sa part du genre à préférer l’organisation : « J’ai acheté une bâche pour faire ça de façon clean. Je n’aime pas que ce soit trop « destroy » non plus. Les mecs chez qui je vais sont aussi équipés en général. Ca permet de faire ton plan sans te prendre la tête, de te lâcher, c’est clean. Quand on me propose de faire un peu d’uro et que ça n’était pas prévu, je privilégie la douche ».

C’est souvent d’ailleurs dans une douche ou dans une baignoire que naît le délire. Thierry se souvient : « La première fois que j’ai essayé l’uro, c’était avec un ex petit copain. Il m’avait déjà parlé de ce fantasme qu’il avait et un matin, alors qu’on prenait une douche et qu’on se chauffait, il m’a un peu maladroitement demandé si j’accepterais qu’il me pisse dessus. Ca n’était pas bien méchant, c’est comme si ça ne comptait pas car avec les jets d’eau, je faisais à peine la distinction. Ça a vachement contribué à dédramatiser la chose chez moi. Encore maintenant, j’aime bien faire ça dans une douche ou mieux, une baignoire. La baignoire c’est vraiment kiffant car tu peux bien t’allonger, être au pied du « donneur » et bien sentir la force de ses jets ».

 

S’il aime faire cela dans l’intimité d’une salle de bains, Thierry est contrairement à Ludovic plutôt adepte de la spontanéité. « Moi ça me casse si c’est trop prévu. Ça peut même me bloquer. Ce que j’aime avec l’uro, c’est quand ça se fait presque par surprise, sur le feu de l’action. Le trip ultime, c’est de faire ça dans un parking ou un lieu type sous-sol « à la Citebeur ». Ça renforce bien le côté sauvage et dégradant ».

Et pour un donneur ça se passe comment ? Thierry a un peu essayé « dans l’autre sens » : « C’est pas très compliqué, tu bois juste bien avant. T’épuises ton stock d’eau ou de bière. Quand je parlais de plaisir psychologique, pour le donneur je pense que c’est encore plus vrai. Les mecs font généralement ça alors qu’ils ne bandent pas encore (parce que c’est beaucoup plus pratique techniquement parlant et agréable aussi) mais ça leur met vite la trique. Quand on y réfléchit, déjà petit, certains garçons s’amusent à se pisser dessus « pour rigoler » ou se chambrer. Ce n’est pas nouveau, c’est assez naturel dans le fond. Le donneur doit quand même bien boire avant car ça ne se commande pas tout seul et un mec qui a du mal à pisser, ça casse l’ambiance ! ».

Un tabou persistant

S’il suffit de voir le nombre de vidéos consacrées au tag uro sur Internet, le délire reste soigneusement caché. Ludovic admet que jamais il ne parlerait de ce plaisir aux gens qu’il connaît : « Même si on parle de plus en plus de sexe entre potes, c’est le genre de pratique que j’ai du mal à évoquer. On se juge encore beaucoup. C’est dommage ». Il ajoute toutefois « Ce côté non assumé, ce plaisir dans le placard, c’est aussi quelque part ce qui rend la chose excitante. C’est un peu mon petit secret ». Un secret de plus en plus partagé une fois les langues déliées ?

Michael Cock est journaliste et archiviste : il suit l'actualité et l'évolution de la communauté gay depuis plus de 20 ans. Militant de santé sexuelle, les nombreuses confidences qu'il a recueillies lui permettent de relativiser sur les sexualités. De formation scientifique et théâtrale, il décrypte avec humour et logique l'inconscient sexuel de tous les sujets trop sérieux. Il contribue régulièrement pour Garçon Magazine.

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