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Rocco Siffredi : « Nous nous sommes trop civilisés par rapport à la sexualité ! »

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A 54 ans, l’étalon italien n’a jamais été aussi actif. Entre la préparation d’un spectacle retraçant sa carrière, ses tournages X et un projet de biopic, Rocco déborde d’énergie et semble avoir enfin trouvé la sérénité. Rencontre.

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?

Je suis en train de préparer un spectacle, un one man show, qui retrace toute ma carrière. J’ai déjà récupéré auprès de Dorcel mon premier film, Belle d’Amour. J’ai aussi contacté Denise (ex patronne du club libertin parisien Le 41, NDLR), car tout a commencé chez elle. C’est là que j’ai rencontré Gabriel Pontello.

D’où t’es venue cette idée ?

J’ai ce projet dans la tête depuis longtemps. Quand j’ai vu Mike Tyson faire son one man show filmé par Spike Lee [Mike Tyson, Undisputed truth], j’ai eu envie de faire la même chose. Je voudrais raconter la réalité de ma vie, sous tous ses aspects, mais toujours sur un ton léger. Pas comme dans le documentaire qui m’a été consacré récemment [Rocco, de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, actuellement diffusé sur Canal Plus], dont certains aspects étaient très « graves ».

Avec le recul, tu es content de ce documentaire ?

Oui, les réalisateurs ont été remarquables. J’ai été approché par plusieurs producteurs, un Américain, un Polonais, un Italien, mais je tenais vraiment à ce que ce soit des Français qui le fassent. J’ai beaucoup aimé leur approche, sans jugement. Les Français sont plus à l’aise avec le sexe ! Le tournage de ce documentaire est tombé à l’une des pires périodes de ma vie. Ce film a été pour moi une psychanalyse. J’en suis très fier.

Pourquoi ?

J’ai compris que mon grand problème, c’était de me connecter à ma nature profonde. Je m’étais promis, à un moment, de passer derrière la caméra, parce que je voyais mes fils grandir. Je ne voulais plus qu’ils voient Rocco Siffredi en action. Mais je me suis rendu compte que je ne pouvais pas arrêter. C’était infernal. Il fallait juste que je prenne conscience que je me posais trop de questions, et que je devais m’accepter tel que je suis. Maintenant, je suis beaucoup plus relax. Je me suis définitivement compris. Et à partir de ce moment, j’ai commencé à beaucoup mieux apprécier ce qui m’entoure. Mes gosses ne m’ont jamais créé de problèmes, c’est moi qui me les créais tout seul ! Maintenant, je suis sorti de cette période sombre.

C’est vrai qu’il y avait une dimension tragique…

Je me sentais mal dans ma peau. Je me disais : si je n’arrête pas d’être acteur, je vais perdre ma famille. A quarante ans, j’ai décidé d’arrêter. Mais quand j’ai envisagé reprendre les tournages, à quarante-cinq ans, mon fils, qui avait neuf ans à l’époque, m’a dit : « maintenant, le sexe c’est seulement avec maman ? » J’ai vraiment pris un coup dans la figure. Je n’avais pas envie de lui mentir. Je savais déjà que j’allais recommencer. Et je me disais : il va me haïr, un jour, de lui avoir menti. Je ne voulais pas décevoir un garçon de neuf ans ! A son âge, il avait déjà dans la tête que le sexe devait être fait avec la personne que l’on aime. Pourtant, il n’a pas été élevé comme ça ! Ça m’a tué ! Il a toujours su ce que faisait son père. Mais il a toujours été très attaché à sa mère, donc il a envie de la protéger.

Et finalement, tu as repris comme avant ?

Pas tout de suite. Jusqu’à mes cinquante ans, je me suis retrouvé à tourner avec des filles de dix-huit ans, et je me disais : ce n’est plus pour moi !

D’ailleurs, à la fin du documentaire, on te voit comme un Christ martyr, comme si tu portais une croix pour les choix que tu as fait dans ta vie…

Oui, les réalisateurs ont utilisé cette scène, tournée à San Francisco dans les studios de Kink, pour exprimer cette idée.

Cette scène devait d’ailleurs être ta dernière…

Oui, c’est pour cela que je ne dirai plus jamais que j’arrête le porno ! J’ai décidé de ne plus du tout m’inquiéter dans ma vie, par rapport à ça !

C’est une bonne décision !

C’est la seule décision possible.

Donc, tu tournes encore ?

Oui, et je fais encore mes castings. C’est un concept qui marche très bien : Rocco, seul avec une fille, en POV.

Tu as l’impression d’avoir changé dans ton approche du sexe, depuis tes débuts ?

Non, par rapport au sexe, je suis exactement le même que celui que j’étais à vingt ans. Mentalement, il n’a aucune différence. Même physiquement, ça va encore. Aujourd’hui, je peux toujours faire une scène qui dure quatre heures sans problèmes. Ma seule difficulté aujourd’hui, c’est de trouver de bons hardeurs pour mes films. Je n’aime pas faire tourner des gens qui ne me donnent rien. J’ai besoin de mecs qui me plaisent. Des mecs comme Mike Angelo, qui baisent avec passion. C’est compliqué aujourd’hui, car presque tous les mecs prennent des produits.

Quand tu arrives sur un plateau de tournage, tu as toujours cette même flamme qui t’anime ?

Quand j’arrive sur un set, je ne pense qu’au boulot. Mais deux jours avant de tourner, je vais penser à ma scène, à la fille… Je vais m’exciter en y pensant. En tant que producteur, j’ai du mal à retrouver cet intérêt chez les autres. Je suis en train de travailler sur une nouvelle ligne, Time Master, un peu dans le style d’Harry Potter, avec des magiciens, des sorcières… C’est compliqué avec les acteurs. Ils ne donnent pas grand-chose…

Tu trouves que le milieu du porno a beaucoup changé depuis tes débuts ?

Oui, aujourd’hui le porno est devenu industriel. Un peu trop.

Comment vois-tu évoluer le X ?

Le sexe et la bouffe, ça marchera toujours. C’est le moteur de la vie. Mais on a tellement exploité le sexe. De nombreuses personnes pensent que pour faire du porno, il suffit de filmer des gens qui baisent. J’ai connu beaucoup de gens qui ont gagné beaucoup d’argent en tournant des mauvaises scènes. Ça, c’est terminé ! C’est impossible aujourd’hui.

Et l’hégémonie de Mindgeek sur l’industrie du porno, qu’en penses-tu ?

Au début, j’avais envisagé porter plainte contre ces gens. J’étais prêt à investir beaucoup d’argent pour payer des avocats. Mais des collaborateurs m’ont dit : non Rocco, ne les attaque pas, ils vont nous faire de la promo. L’idée, c’est d’utiliser les tubes comme ils nous utilisent. J’ai du mal à comprendre. Tout le monde ne réagit pas comme ça. Greg Lansky, par exemple, porte plainte systématiquement si l’on utilise ses images. Pour moi, les droits d’auteur doivent être protégés, même si l’on fait du porno. Je ne comprends pas comment on peut devenir multimillionnaire en exploitant des images qui ne vous appartiennent pas. Pour moi, ce n’est pas normal. Je me demande ce que l’on peut faire pour lutter contre ça.

Quel regard portes-tu sur le porno féministe ?

En Italie, il y a un groupe de réalisatrices appelé Le ragazze del porno. Ce sont des filles très intellos, mais leurs films ont un défaut : même les femmes les trouvent mauvais ! Pour moi, ce sont des filles qui voulaient faire du cinéma traditionnel, et qui n’y sont pas arrivé ! Alors, elles ont fini par faire du porno, en essayant de proposer une vision différente. Elles n’arrivent même pas à être distribuées !

Tu penses qu’il n’y a pas d’avenir dans le porno féministe ?

Aux États-Unis, on trouve des réalisatrices incroyables, mais elles ne sont pas du tout féministes : des filles comme Proxy Paige, par exemple. Elle a une vision féminine, mais c’est beaucoup plus hardcore que ce que font les mecs ! La pornographie féminine s’est construite en réaction au fait que la femme serait dans le porno un objet sexuel. Mais le problème, c’est que quand les féministes font du porno, c’est de la merde !

On t’a souvent reproché d’être violent, dominateur avec les femmes. On t’en parle encore ?

Les gens qui disent cela peuvent se diviser en trois : ceux qui ne connaissent pas du tout la sexualité, et qui ne savent même pas de quoi on parle. Ensuite, les gens très jaloux de moi, qui n’ont pas les armes pour lutter. Enfin, les producteurs de télé qui n’aiment pas du tout le porno. Quand ils doivent dénoncer la violence du porno, ils ressortent toujours la scène que j’ai tournée il y a trente ans, quand je mets la tête de la fille dans les toilettes ! C’est toujours la même histoire. Je suis habitué à tout ça.

Mais tu as quand même été à l’origine de ce style un peu « brutal » dans le porno…

Si tu parles avec Spiegler ou Stagliano, ils te raconteront qu’il y a trente ans, un italien a débarqué, et a complètement bouleversé l’industrie. Tout à coup, elle est devenue rough. Que s’est-il passé ? C’est moi qui avais tout compris, ou c’est eux qui avaient besoin d’être stimulés (rires) ? Maintenant, ça fait vingt ans que la pornographie est rough sex. Il y a eu pire que moi : Max Hardcore par exemple, qui a été trop loin. Quand on fait du rough sex, il faut toujours avoir un mot à l’esprit : contrôle. Je suis sûre d’une chose : le rough sex correspond à notre nature profonde. Nous nous sommes trop civilisés par rapport à la sexualité. Les gens n’osent pas reconnaître que la vraie sexualité est sale. C’est là que l’on s’amuse, qu’on se laisse aller, qu’on abandonne ses repères. Quand on domine, ou qu’on se laisse dominer, on fait des trucs forts. Aujourd’hui, à 54 ans, des filles de 18 ans me disent : « j’adore ta manière de baiser ! » ou encore, des stars américaines très en vue m’avouent : « j’ai commencé à faire du porno grâce à toi ! ». Des fans du monde entier me disent que grâce à moi, leur sexualité s’est ouverte !

La sexualité humaine est très colorée. Mais certains n’exploitent qu’une seule couleur. Je ne veux pas parler comme celui qui aurait tout compris depuis trente ans, mais j’ai compris que les filles doivent être stimulées intellectuellement avant de faire l’amour. Le sexe, ça ne consiste pas à faire des allers-retours ! Ma passion, c’est d’emmener les filles à un étage supérieur. Je n’aime pas le sexe répétitif, je n’ai pas envie de faire la même chose avec toutes les filles ! Ce serait d’un ennui mortel ! Et si j’avais fait ça, je pense que j’aurais fini dans un asile. En tout cas, je ne regrette pas une seule chose que j’ai pu faire dans ma carrière.

 

Tu as le sentiment d’avoir fait école parmi les hardeurs d’aujourd’hui ?

Ce que je n’aime pas, c’est quand je vois certains mecs dans ce milieu qui essaient de m’imiter et qui font n’importe quoi. Au bout de trois minutes, la fille a déjà eu droit à des gifles, des crachats à la figure, des étranglements, et le mec s’est à peine présenté ! (rires) Quand je vois ça je dis au mec : « hé, qu’est-ce que tu es en train de faire ? » Souvent, le mec me répond : « bah quoi, c’est ton style, non ? » Et je me dis qu’il n’a rien compris. Du coup, je me pose des questions. Je me demande : est-ce que j’ai bien fait de montrer ce type de sexualité, si les gens n’y comprennent rien ?

Quelques hardeurs sortent quand même du lot, selon toi ?

Le seul qui m’a vraiment impressionné, c’est James Deen. Les autres sont devenus de bons acteurs, comme Manu Ferrara ou Nacho Vidal. Mais James Deen, il m’a confié un jour que j’avais toujours été son idole. Et que sa sexualité était identique à la mienne. Lui, il se connecte à la fille, et la fille a confiance en lui, de A à Z. Un autre très bon acteur, c’est Mike Angelo. Sexuellement c’est le meilleur, du moins en Europe. James Deen, lui, est un peu plus charmeur. Les filles s’ouvrent à lui facilement et ont envie qu’il leur fasse tout !

Les demandes du public évoluent-elles ?

Oui, j’ai connu quatre générations de consommateurs de porno. Aujourd’hui, on a des ados de treize ans qui regardent du porno ! Le porno est accessible partout, et gratuit. Les producteurs de porno comme moi sont devenus sans le vouloir les nouveaux éducateurs sexuels. Je ne dis pas que c’est bon ou mauvais, mais ce qui est sûr c’est que ce n’est pas notre rôle ! Moi, quand j’étais ado, je me masturbais devant des catalogues de lingerie ! Aujourd’hui, les ados ont accès à des images de trous du cul grands ouverts, avec trois bites à l’intérieur ! Quelle image se font-ils de la sexualité ? Je pense qu’ils vont avoir beaucoup de mal à démarrer. Je vois les filles de dix-huit ans arriver sur les plateaux de tournage, avec l’impression de déjà tout connaitre. Elles sont très arrogantes ! Elles débarquent en me disant  : « I love rough sex ! Spit in my face ! Fuck my ass ! » Et là, quand tu commences à y aller un peu fort, tu te rends compte que c’est du bla bla ! Le danger, c’est que ces filles se retrouvent sur des sets de réalisateurs qui n’ont réellement aucun respect. Dans le porno, je n’obéis qu’à un seul commandement : ne jamais faire ce que je n’ai pas envie qu’on me fasse ! Quand j’ai fait la scène avec la tête dans les chiottes, j’en ai parlé avec la fille avant. Mais on ne peut pas sous-titrer les films !

Il t’est déjà arrivé de planter un tournage parce que tu n’aimais pas ce que faisait le réalisateur ?

Jamais, même avec les pires producteurs. J’ai toujours fini mes scènes, mais je leur ai dit à la fin : je n’aime pas votre façon de travailler, vous ne me verrez plus ! J’ai toujours été pro.

 

Que dirais-tu aujourd’hui à un garçon de vingt ans qui a envie de se lancer dans le porno ?

Aujourd’hui, le porno, c’est devenu complètement industriel ! Si Rocco commençait sa carrière aujourd’hui, il ne deviendrait jamais Rocco ! Déjà, aujourd’hui, on n’a plus la possibilité d’exploiter la vraie sexualité sur les plateaux ! Quand on se pique la bite, on n’a pas le temps d’utiliser ses sens. Les odeurs, par exemple, c’est important. Je bande avec tout ça. J’ai besoin de bouffer le cul. Mais aujourd’hui les producteurs sont habitués à avoir des acteurs qui se piquent. Ils n’ont pas le temps de s’exciter, mais ça arrange les producteurs car tout est bouclé en une heure !

Tu as créé une université du sexe, ça a suscité des vocations ?

Non, et pourtant, ça fait quatre ans ! Il n’y en a pas un, sur les deux cents personnes qui ont fait la Rocco Academy, qui a continué ! Ils m’ont tous dit la même chose : le porno, c’était bien à l’époque où tu as commencé !

Tu regardes encore du porno ?

Pas beaucoup. Je n’ai jamais regardé beaucoup de porno. Sauf quand ce n’était pas encore mon métier ! En plus, je n’arrive pas à me branler devant du porno traditionnel. Je connais toutes les bites par cœur, et je sais exactement ce que les acteurs vont faire ! Si je dois regarder du porno, ce qui m’excite, c’est le vrai amateur. Par exemple, une fille qui débute et qui ne connait encore rien au sexe… Même si elle n’est pas canon !

Tu as donné une interview à un site italien gay en 2017, dans lequel tu affirmes être bisexuel. Tu confirmes ?

(Rires ) C’est la première fois que j’entends ça ! Non, c’est juste que ma façon de baiser les filles peut donner l’impression que je suis bisexuel ! En effet, j’aime beaucoup me faire lécher l’anus, et ça ne me dérange pas si on me met un doigt dans le cul ! Je n’ai aucun complexe par rapport à ça !

Quelle est l’actrice qui t’a le plus marqué dans ta carrière ?

Ma femme d’abord. Ce fut un vrai coup de foudre. Mais ce n’est pas vraiment une actrice. Sinon, Kelly Stafford.

Vous vous voyez toujours, Kelly et toi ?

Oui, nous sommes restés très amis.

 

Elle n’a tourné qu’avec toi ?

Oui, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Peut-être qu’elle était amoureuse de moi, je ne sais pas.

Elle dit dans le documentaire qu’elle est ton double féminin.

Oui, c’est sûr. Kelly c’est une fille, quand elle se trouve dans une pièce, c’est elle que la caméra va aller chercher. Elle a vraiment un truc. En plus, elle va soumettre n’importe qui. Avec un grand sourire ! Elle est extraordinaire.

Quel est ton plus grand souvenir ?

Quand mon père est venu à la soirée des Hot d’Or en 1993. Il est monté sur scène avec moi et il a été applaudi pendant dix minutes. J’ai dit que je lui dédiais mon Hot d’Or. C’était mon plus grand fan. Mon père m’a dit, après la cérémonie : je n’aurais pas voulu mourir sans avoir vu ça ! Ce soir, j’ai compris pourquoi tu voulais faire du porno !

Tu as encore des fantasmes ?

Tu sais ce qu’on me dit toujours : le problème avec toi, c’est que tu aimes tellement baiser, tu baiseras encore après ta mort !

Quelle est ton prochain projet ?

Je te donne un scoop : un biopic va être tourné sur moi, par le producteur de Gomorra. Ce sera une série sur ma vie, depuis mes débuts quand j’étais serveur à Paris, jusqu’à aujourd’hui. En 2021, ce sera prêt pour être diffusé, sans doute sur Netflix !

Pierre Des Esseintes est auteur et journaliste, spécialisé dans les questions de sexualité. De formation philosophique, il est également sexologue. Il a publié, aux éditions La Musardine, Osez la bisexualité, Osez le libertinage et Osez l’infidélité. Il est aussi l’auteur, aux éditions First, de Faire l’amour à un homme et 150 secrets pour rendre un homme fou de plaisir.

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