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Pornhub profite-t-il du revenge porn ?

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Le revenge porn est un crime aux yeux des juridictions des pays développés, mais plusieurs articles de presse mettent en doute la volonté d’une plateforme comme Pornhub d’éradiquer le phénomène. Certains l’accusent même de directement en tirer profit. Alors, Pornhub, GAFA qui se comporte toujours comme Attila ? Eléments de réponse.

C’est la vénérable BBC qui soulève le lièvre sur la base du témoignage d’une certaine Sophie dont le nom a été modifié. Prévenue par son beau-frère, elle découvre que la vidéo d’un de ses ébats avec son ex se retrouve en première page du célèbre site Pornhub. Comptabilisant 600 000 vues, elle fait partie d’un groupe de six vidéos que cette Sophie aurait tournées à titre personnel avec son mec de l’époque et qui se retrouvent elles aussi en ligne. Evidemment, la séquence a été publiée sans son consentement et le journaliste de la BBC se retrouve donc face à un beau cas de revenge porn, le genre de fait divers qui fait les choux gras de la presse anglo-saxonne.

Dans un premier temps, lorsqu’elle intervient auprès de Pornhub pour faire retirer la vidéo, pas de lézard, la plateforme s’exécute dans la semaine suivante. Là où la triste expérience de Sophie prend une tournure nouvelle, c’est quand elle découvre que les différentes vidéos ont entre-temps fait des petits et qu’elles se retrouvent face à une centaine de copies ré-uploadées régulièrement par différents profils d’utilisateur. A partir de la découverte de cette « propagation », les interventions auprès de la plateforme restent lettre morte, tout comme celles auprès d’un prestataire qui aide Pornhub à se débarrasser des vidéos illégales. En dernier recours, elle ira voir la police, mais comme elle le rapporte au média anglais, rien ne bougera.

Pas réputé pour être particulièrement porn friendly, le site Atlantico éclaire la situation de la malheureuse Sophie avec l’interview de la journaliste américaine Laureen Ortiz, auteure en 2018 du livre Porn Valley qui bat en brèche l’idée que Pornhub lutte réellement contre le revenge porn. Selon elle, Pornhub ne coopère qu’en façade : « Il faut analyser les choses sous un angle économique (…) Le revenge porn les aide à engendrer du trafic, le nerf de la guerre des sites. Pornhub se hisse au 8ème rang mondial en termes de trafic internet. Un vrai Gafa en somme. Croire que les Gafa ont un souci de politique sur les données privées, à part les vendre et s’en servir aux dépens des usagers, c’est très naïf. Mais c’est bien sûr ce qu’ils disent ou ce qu’ils font dire à leurs hommes de paille » explique-t-elle à Atlantico. L’homme de paille en question, c’est Corey Price que Pornhub utilise comme Microsoft, le Major Nelson. Face aux médias, il répète inlassablement la position inflexible de la plateforme à l’égard du revenge porn : « le contenu qui viole notre politique d’utilisation est supprimé aussitôt que nous en prenons connaissance. Depuis 2015, nous avons adopté une position dure vis-à-vis du revenge porn qui est une forme de viol. Un formulaire simple est à remplir en ligne pour retirer les vidéos non consenties. Nous utilisons aussi un logiciel qui scanne chaque nouvelle vidéo afin de repérer le contenu non autorisé et qui empêche qu’une vidéo déjà uploadée le soit à nouveau ». Le discours est bien rodé. D’ailleurs, à la BBC, un représentant de MindGeek, la maison mère affirme qu’il « n’est pas dans leur intérêt d’héberger et de gagner de l’argent avec ce type de vidéos illégales »

Ce n’est toutefois pas l’avis de Kate Isaacs à l’origine de la campagne Not Your Porn qui affirme elle aussi à la BBC que sous couvert des mots clés populaires comme « amateur » ou « home made », Pornhub ferme les yeux sur l’origine des vidéos afin de générer toujours plus de sacro-saint trafic. Noyées dans le flux des millions de vidéos, un nombre inconnu de vidéos potentiellement criminelles circulent. Pas vu, pas pris…

Seuls le juge et le législateur sont en mesure de faire bouger les lignes, c’est en tout cas ce que déclare Ortiz à Atlantico : « Les autorités paraissent bien impuissantes et sans moyen face à MindGeek (…) Je ne suis pas sûre qu’elles connaissent grand chose sur ce sujet. Mais c’est sur ce point qu’ils risquent de faire attention, ainsi que sur les lois sur la protection des enfants. Ils n’ont aucun intérêt à attirer les autorités sur eux (…) Le revenge porn est risqué pour eux. La société peut se soucier davantage des filles qui en font les frais. Elles pourraient même être des filles d’élus ou de CSP+. Donc si des victimes civiles commencent à porter plainte et en plus à obtenir justice, ça va les faire réagir ». Mouais… On est en droit de douter de la capacité d’un Etat à faire appliquer la loi sur un Gafa, entité opaque, totalement délocalisée et transnationale. Un état de fait qu’elle confirme : « Mais Mindgeek est physiquement basé à Montréal, fiscalement au Luxembourg et a quelques bureaux à Los Angeles, à Chypre, en Roumanie etc. » En somme, une entreprise emblématique de son siècle.

« Vous élèverez des loups et vous leur apprendrez à remuer la queue devant la beauté de ce monde. Et qu’importe s’ils vous mordent. Ce sera plus tard. »

Alexandre Galitch (1918-1977)

Journaliste professionnel depuis 2003. Rédacteur du magazine Hot Video de 2007 à 2014.

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