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Maitland Ward, Bella Thorne, le X comme nouvel Hollywood

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Maitland Ward, Bella Thorne ; ces deux noms ne vous disent pas forcément grand chose. Pourtant, ils ont puissamment résonné dans le X-business lors de l’année 2019. C’est que Bella et Maitland ne sont pas n’importe qui outre-Atlantique. Comédiennes renommées et médiatiques, elles ont toutes deux, à une génération d’écart, fait figure d’égéries de la maison de Mickey ; Maitland incarnant Rachel McGuire dans la sitcom « Boy Meets World » (1998-2000), Bella interprétant le rôle-titre du dance-show « Shake it up » (2010-2013). L’an dernier, contre toute attente, elles signaient toutes deux auprès de puissants studios de la Porn Valley. L’arrivée d’une « Disney girl » dans le grand bain du porno californien constitue déjà un événement médiatique en soi, mais que, la même année, deux d’entre elles abandonnent le monde des dessins animés pour celui des doubles pénés, c’est tout bonnement historique. Simple coïncidence ou tendance de fond ? Tâchons de démêler tout ça.

Bella Thorne, la visionnaire

Britney Spears, Demi Lovato, Miley Cyrus… Le coup de l’adolescente superstar qui, au tournant de la vingtaine, se vautre dans la débauche la plus décomplexée, on commence à connaître. Et à ce tarif-là, on peut dire que l’épineuse Bella avait la tête de la cliente idéale. Un penchant assumé pour la fumette, des photos olé-olé leakées sur la toile, on voyait venir la tonte à des kilomètres. C’était sans compter sur le caractère indomptable et l’esprit entrepreneurial de la demoiselle. Question H, plutôt que de se faire gauler par les paparazzis à couler une douille sur un bong plus gros qu’elle, Bella lance son propre business de cannabis légal. Question Q, elle coupe l’herbe sous le pied du pirate qui menace de publier ses clichés intimes, les postant elle-même sur les réseaux. Aussi, question X, la jeune femme n’allait pas se contenter d’une pauvre sextape tournée au caméscope. C’est directement à Pornhub qu’elle s’adresse, non pour s’exhiber, mais pour réaliser.

Avec Her & Him, son premier court-métrage officiel en tant que réalisatrice, Bella Thorne souhaitait explorer les circonvolutions sulfureuses d’une relation BDSM, les transitions de rapport de force entre dominant(e) et soumis(e). Inutile de préciser que dans le petit monde feutré de la production hollywoodienne post-Weinstein, l’idée de financer le délire sado-maso d’une novice avec les deniers de Mickey n’a pas émoustillé grand monde. Qu’à cela ne tienne. Faisant feu de tout bois, Bella décide de se tourner vers un partenaire un peu moins frileux, en l’occurrence, la plateforme incontournable du divertissement adulte. Une aubaine pour Pornhub, qui voit là une nouvelle occasion de s’affirmer comme l’interlocuteur privilégié entre X-business et culture mainstream. La firme met donc les petits plats dans les grands pour accueillir la nouvelle ambassadrice de sa fréquentabilité : mise à disposition totale des moyens de production, participation des superstars Abella Danger et Small Hands, création d’un label dédié -le « Visionaries Director’s Club »-, promotion incontournable sur son site… Dans un numéro d’auto-fellation à faire pâlir d’envie les contorsionnistes du monde entier, Pornhub ira même jusqu’à remettre à Bella Thorne le prix de la « Vision » lors de sa propre soirée des récompenses.

Couverte par la jurisprudence « Leave Britney alone ! », l’escapade pornographique de Bella Thorne, au demeurant fort ambitieuse et maîtrisée, reçoit un accueil plutôt bienveillant de la part de la presse généraliste, qui loue sa volonté d’abolir les stigmas et les tabous. Paradoxalement, le public pornographique se montre beaucoup plus tiède, condamnant en particulier la timidité de la représentation sexuelle (et l’absence de la belle au casting, admettons-le). Peu importe, Bella Thorne ne s’est certes pas imposée comme une pornographe de renom mais, fait extraordinaire, c’est à travers le X qu’elle a gagné ses galons de réalisatrice.

Maitland Ward, l’élue

Actrice de second plan au début des années 2000, la fantasque Maitland avait disparu des plateaux depuis 2007, se contentant d’apparitions « généreuses » sur les salons, cérémonies et autres conventions. Bref, la vie paisible d’une starlette de la téloche vouée à l’oubli. Douze ans plus tard, la voilà qui fait un retour tonitruant sur le devant de la scène, en tête d’affiche de Drive, un porno hardcore du studio Deeper, dernier né de la galaxe Vixen Media Group. Mais que vient faire Maitland Ward Baxter dans le porno ? Pour les fâcheux, c’est sûr, elle est fauchée. Après tout, l’histoire de la pauvre comédienne ratée contrainte d’écumer les productions salaces pour assumer son train de vie déraisonnable ne manque d’un certain romantisme. C’est oublier le « Baxter » nouvellement accolé à son patronyme, du nom de son époux Terry, agent immobilier à Beverly Hills de son état. A priori, le couple a de quoi voir venir, merci pour eux. Et si, tout simplement, Miss Ward aimait le cul ?

« Big boobs », « redhead », « milf », cumulant trois attributs particulièrement avantageux dans le business, le physique affolant de l’actrice n’a rien à envier aux plus grandes icônes de la profession. Joyeusement exhibitionniste, la plantureuse Maitland ne s’est en outre jamais privée de le montrer à chaque apparition publique, alternant entre cosplay suggestif et body-painting scandaleux. Son atterrissage dans le X n’avait donc rien d’insensé, tant elle semble à l’aise avec son corps. Surtout, elle n’a pas poussé la porte d’une prod gonzo de seconde zone tout juste bonne à lui braquer une caméra sur la pastille. Non. C’est de Deeper dont on parle, à la tête de laquelle se trouve Kayden Kross, encore couronnée du titre de meilleure réalisatrice aux AVN Awards 2019. De fait, public et critique se bousculent pour entrevoir les premières performances sexuelles de la « girl next door » de Boy Meets World, au côté de la créatrice la plus en vogue du X californien. Voilà ce qui s’appelle entrer par la grande porte. Le parcours récent de Maitland Ward a ainsi plus à voir avec une opportunité professionnelle immanquable qu’avec une reconversion par défaut.

Pornollywood

Et si, outre l’évidente attractivité du porno, ces deux trajectoires traduisaient plus que de simples lubies ? Et si, en filigrane, elles dessinaient les limites de l’industrie Hollywoodienne ? Soudain, l’origine commune de nos deux talentueuses transfuges résonne avec ironie : « Disney… » LucasFilm, Marvel Studio, Fox Entertainment, ABC, National Geographic, Hulu, Pixar, etc., etc. Ces dernières années, la Walt Disney Company est devenue titanesque, au point de donner le la à l’ensemble de la production audiovisuelle mondiale. Politique du « tout public », chasteté, bienséance, neutralité, universalité et, si possible, progressisme, les scénaristes n’écrivent plus de synopsis, ils remplissent un cahier des charges. Parallèlement, les budgets toujours plus vertigineux des films de divertissement n’autorisent plus le moindre écart, l’échec d’une bobine à 500 millions de dollars signifiant à moyen terme l’effondrement de la méga-structure qui la finance. Or, ce marasme artistique n’excite plus les actrices, en quête d’aventures filmiques, de rôles hors du commun et d’heures de gloire.

Ce n’est pas pour rien si la sexy et provocante Maitland Ward s’est tournée vers le X, au risque de mettre un terme à sa carrière traditionnel. « J’étais souvent castée pour être ce genre de fille comique et pétillante. […] On me disait que les femmes de plus de trente ans ne pouvaient pas jouer de personnages sexy. », confie-t-elle sur le plateau du Tamron Hall. Sa hantise, devenir la « Disney mom », ce rôle-fonction insipide meublant les séries pour ados. Le X lui a offert ce que le rêve hollywoodien lui a refusé : devenir une superstar. Idem pour Bella Thorne. Tant qu’elle se contentait de son rôle de Dorothée nouvelle génération, tout le monde y trouvait son compte. Mais lorsqu’il s’est agit de sortir des carcans, de proposer une œuvre alternative et audacieuse, les portes d’Hollywood se sont refermées devant elle.

Face à l’aseptisation toujours plus palpable de la production culturelle mondiale, l’univers du X, par son irrépressible variété, fait aujourd’hui figure d’espace de liberté et d’expression pour ceux qui aspire encore à nous remuer jusqu’au plus profond de nos êtres. Car au fond, c’est peut-être ce qu’aurait toujours du être le porno : plus qu’un support masturbatoire, une avant-garde artistique du sensationnel. L’incursion fugitive de Bella et le triomphe de Maitland n’abolissent certes pas la rupture entre cinéma traditionnel et divertissement adulte, mais ils permettent de rêver à une reconnaissance plus juste du potentiel contre-culturel du X-business. Pourvu que ça dure…

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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