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Quand les datas décident de vos goûts…

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Certains insiders affirment que seul un utilisateur sur 10 000 paie pour consommer du X, mais cet utilisateur est d’une importance cruciale pour le business, non seulement financièrement, mais aussi car ce sont ses choix qui définissent les contenus produits. Quand les goûts de quelques-uns s’appliquent à tous les autres, on appelle ça la créativité data drivée. Décryptage.

Les datas sont bien plus que de l’argent. Elles sont des logarithmes. À chaque donnée collectée supplémentaire, le flouze potentiellement généré est multiplié. Exemple : nous savons que vous avez 30 ans, que vous êtes célibataire et vous appréciez les comics. Nous avons donc trois données vous concernant : l’âge, la situation matrimoniale et un goût pour les super héros. Ces trois entrées sont suffisantes pour créer une sortie spécifique. Si ce contenu ne plaît qu’à vous, mais que vous payez cher pour l’avoir, il deviendra un trend, une tendance. D’autres l’achèteront, poussés par la suggestion et finalement s’installera le dilemme classique de l’œuf ou la poule : le contenu est-il produit parce qu’il est réclamé ou parce que les gens regardent ce qui est déjà proposé ? Le problème se pose pour tous les secteurs culturels : des litanies de films Marvel au rap vocodé et évidemment au porn. Les mecs qui payent le plus veulent de l’anal ? En avant toute. Il y aura de l’anal partout. Les types qui raquent sont des money slaves ? Cap sur les dominas. Il n’y aura plus que ça sur les webcams. Une poignée de gros consommateurs ont un Œdipe à soigner ? Soit. Vous allez bouffer des histoires de belles-mères et de belles-filles à la morale border. « Les jeux de rôle familiaux dominent les trends sur Pornhub ces cinq dernières années, soulignent Bree Mills qui réalise la série Pure Taboo et chapeaute la prod de Gamma Entertainment, un des leaders du X yankee. Ça a eu une énorme influence sur le nombre de scènes produites pour satisfaire la demande perçue ». Et rien ne dit que cette demande perçue soit la demande réelle. Loin de là. À ce stade, on nage même en plein biais cognitif, trompé par ses sens et ses impressions.

Customers VS Consumers

La partition entre consommateurs et clients est la clé pour comprendre ce que les chercheurs Kal Raustiala et Christopher Sprigman ont baptisé dans une étude, la créativité data drivée. « Les grosses plateformes comme Netflix, MindGeek, Spotify et Amazon créent et promeuvent des contenus à destination de leurs clients les plus rentables. Mindgeek, maison-mère de Pornhub par exemple, ne se contente pas d’utiliser les données de ses clients pour suggérer et organiser son contenu, mais pour modeler ce qu’il propose », écrivent les auteurs. Grosse poitrine, belle-mère, interracial… Si ces thématiques monopolisent la production, c’est pour se calquer sur les goûts des plus dépensiers, pas du plus grand nombre. 

Toutefois, on pourrait penser que l’essor des camgirls, des réseaux sociaux et globalement l’avènement de l’interaction directe entre les stars et leurs fans ont court-circuité le phénomène, pourtant, ce qui est à l’oeuvre dans les livecams’ est encore plus pervers. Illustration avec Jessica Starling qui témoigne dans Vox : « mon client-cible a dans les 28-35 ans, suffisamment âgé pour pouvoir dépenser de l’argent et assez jeune pour être encore célibataire ». Dans son enquête, le pure player dévoile que beaucoup de camgirls sont à la recherche du whale ou requin comme elles l’appellent, un client dépensier comme celui de la cameuse Little Red Bunny qui a allongé 21 000 $ de tips. Ces véritables money pigs qui peuvent représenter un an de revenus supplantent tous les autres viewers et sont largement responsables de la surabondance des prétendues dominas attirées par l’argent facile. Globalement, la recherche du marché-cible et du client idéal conduit à une surreprésentation de certains actes sexuels et paraphilies dans lesquels ne se retrouvent pas la majorité des spectateurs. Au passage, la cameuse américaine Aella note dans l’enquête de Vox que les trainings et les conseils distillés par les plateformes, reposant sur des études de consommateurs ont tendance à uniformiser les rooms. Et de conclure : « Tout ce que les top cameuses proposent est strictement identique ». 

Auteurs de l’étude la plus aboutie sur les datas et leur influence sur la culture, Raustiala et Sprigman relèvent que « cette standardisation renforce encore la mainmise de quelques majors sur les contenus. Cela pose des problèmes en termes d’innovation et de concurrence ». Le porno est en plein dedans depuis longtemps. Les protagonistes du cinéma mainstream vont comprendre à leur tour ce qu’est l’uberisation de la culture à travers les Prime, Netflix et autres Apple Plus. 

Journaliste professionnel depuis 2003. Rédacteur du magazine Hot Video de 2007 à 2014.

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