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Tan : « Il faut faire une différence entre l’esclavage et le travail du sexe »
Sexologue, anthropologue et coach, Tan a aussi exercé le métier de dominatrice. Dans son ouvrage TDS, elle offre aux travailleuses et travailleurs du sexe un espace pour raconter leurs expériences de vie, loin des clichés sur la prostitution, sans honte ni louange, et sans manichéisme.
Votre ouvrage s’appelle TDS. Que recouvre ce terme ?
Un(e) travailleur(euse) du sexe. Est-ce que cela signifie juste prostitué(e) ? Escort ? Est-ce plus vaste ? Est-ce qu’on laisse libre cours à une auto identification ? Est-ce une définition militante, politique ? Est-ce qu’elle est dans le dictionnaire ? Je n’ai pas de définition précise. Pour moi ce travail recouvre plusieurs activités, plusieurs métiers, plusieurs profils, et c’est justement ce qui est présenté dans ce livre.
Donc, un(e) TDS peut travailler dans n’importe quel métier ayant un rapport avec le sexe ?
Oui, votre définition est juste, mais cela dépend aussi de la façon dont la personne se perçoit. Est-ce qu’elle se perçoit comme artiste, TDS, performeur(euse), tout en même temps ?
Vous avez vous-même été domina. Pourquoi avoir choisi cette activité ?
Depuis toujours, je me sens à l’aise dans les mondes alternatifs. Quand j’ai découvert le milieu SM, le milieu fetish et le milieu de la nuit, je m’y suis sentie bien. Je me suis donc approprié les codes de ce milieu. Domina, au début, c’était pour me faire de l’argent de poche…
Votre motivation était purement financière ?
Oui, il fallait bien que je travaille ! Je trouvais ça plus intéressant, plus original, plus lucratif, plus euphorisant qu’un autre job. Et j’en ai essayé d’autres : j’ai fait du porte à porte, j’ai bossé pour de grandes boutiques de fringues, et je trouvais ça complètement nul ! La domination, ça me plaisait beaucoup plus, même si les inconvénients et les problèmes de cette activité ne sont pas les mêmes que quand on bosse chez H&M ou à la FNAC !
Cette activité de dominatrice s’apprend en travaillant, ou au contact d’autres dominatrices ?
Les deux. Avec les autres dominatrices, on discute, on échange des idées, des astuces, des infos sur les précautions à prendre… Ça se fait progressivement. J’ai bossé dans des clubs SM, puis j’ai rencontré des gens qui avaient des donjons, j’ai travaillé à domicile… Peu à peu, j’ai pris en assurance. À dix-huit ans, on ne renvoie pas la même chose que vingt ans plus tard.
Pourquoi avez-vous arrêté ?
J’ai arrêté pendant le confinement. Techniquement, je ne pouvais plus faire de domination. Ensuite, j’ai déménagé, il s’est passé beaucoup de choses. La domination demande beaucoup d’investissement. Il faut un lieu, des accessoires… En plus, quand on sort du circuit, il faut se refaire un réseau. Pour l’instant je n’ai ni l’envie ni le besoin de le faire.
Ça ne vous manque pas ?
Certains aspects me manquent. L’interaction avec le client est souvent assez géniale. J’aime beaucoup travailler avec les humains sur des sujets compliqués, sulfureux, tabous. Bien sûr, dans les consultations que je donne actuellement, il n’est pas question de domination, c’est de la sexologie, de l’anthropologie, de l’accompagnement sur différents sujets. Ce sont d’autres interactions, également passionnantes. J’apporte du soutien, de l’aide, de la compréhension, du non-jugement, peut-être de l’intelligence.
Votre expérience de domina a complété vos études universitaires ?
Disons que c’est un tout. Les gens que je reçois en consultation n’ont pas tous des appétences fétichistes ou BDSM. Mais c’est vrai que cette expérience, le fait que j’ai étudié l’anthropologie, la sexo, mon intérêt pour les gens et pour ces sujets-là ont fait de moi la personne que je suis.
Votre livre, TDS, c’est un travail anthropologique ?
Oui, anthropologique et militant !
Quel était votre objectif quand vous vous êtes lancée dans ce projet ?
Donner une visibilité, et une piste d’atterrissage pour des paroles et des expériences qui, en général, « flottent ». Quand les personnes TDS s’expriment, elles le font en communauté, ou alors leur parole est rejetée, moquée, ou minimisée. Je voulais proposer un endroit où les personnes sont sûres que leurs témoignages ne vont pas être déformés. Je leur ai donné la liberté de s’exprimer comme elles le veulent. Elles ne sont pas là pour étoffer l’un ou l’autre des points vue du genre : le travail du sexe c’est horrible, c’est du viol tarifé, etc., ou alors c’est fantastique, émancipateur, et la réponse féministe à tout. Bien qu’il n’y ait pas des milliers de témoignages, ce livre montre qu’évidemment, chaque expérience est très différente. L’idée n’est pas de faire une ode à la prostitution, ou un recueil sordide. Je me suis toujours intéressée aux témoignages. J’ai fondé une association qui a pour but de recueillir des témoignages sur des sujets difficiles. L’idée est de regrouper ces témoignages, de les encadrer avec des annexes, des données chiffrées, des bibliographies. Ça me paraît être une façon juste de communiquer.
Comment voyez-vous la perception de la prostitution évoluer en France ?
Je suis plutôt optimiste, j’ai l’impression que les choses évoluent dans le bon sens. La parole des travailleuses et travailleurs du sexe commence à être entendue, et à être autorisée, grâce à la solidarité qui existe entre les associations communautaires, le développement des réseaux sociaux, et le fait que tout le monde puisse s’exprimer sur ces sujets. Il est certain que les TDS ont davantage de visibilité. Évidemment, c’est à nuancer. Il y a toujours des histoires de misère, de violence, de suicide, de non-prise en considération… Il est certain qu’à force de répéter que les TDS sont de pauvres filles perdues, à qui il est arrivé des choses atroces, et qui ont été exploitées de force, les gens finissent par le croire ! D’ailleurs, ce n’est pas forcément faux, mais ça ne représente pas toutes les situations. En plus, il y a toujours cet imaginaire qui voudrait que le sexe, quand il n’est pas empreint d’amour, est forcément négatif.
Le combat des TDS aujourd’hui rejoint-il les luttes féministes ?
Oui. Certaines féministes sont contre la prostitution, comme elles sont contre le port du voile, parce qu’elles y voient une forme d’oppression, de la part d’un système patriarcal et capitaliste. Mais il existe tellement de convictions et de combats différents.
La loi de pénalisation des clients est-elle vraiment appliquée ?
Je ne sais pas. Je suppose que certains clients y échappent. Mais le plus important, c’est ce que provoque cette loi pour les TDS. Les clients se sentent davantage en tort, et ils vont avoir tendance à abuser. Les TDS vont devoir se soumettre à différents ordres de la part des clients. Ceux-là estiment qu’ils prennent des risques, et se sentent dans leur bon droit d’insister. Ils savent que les TDS ont moins le choix : s’il y a moins de clients, il y a moins d’argent. Du coup, elles sont obligées de changer de travail, mais c’est souvent très compliqué.
Cette loi sur la pénalisation a-t-elle changé le métier
Oui, toutes les personnes TDS le disent. Cette loi a vraiment eu un impact, et il est très négatif. Les TDS travaillant dans la rue sont très précarisées, les clients n’ont pas le droit de venir les voir, elles ne peuvent plus s’installer devant les portes. Celles qui travaillent dans les bois sont obligées de se cacher dans des endroits reculés. S’il y a un problème, elles sont livrées à elles-mêmes. Même l’entraide entre TDS n’est pas légale. Le simple fait de prêter son appartement ou d’aider une personne en lui disant : « je reste dans le coin, s’il y a un problème je suis là », c’est illégal. Certaines personnes m’ont contactée pour que je leur donne des conseils en tant que sexologue. Je n’ai pas le droit de le faire, et il faut que je leur dise. Ça veut dire, concrètement : « débrouille-toi, tu n’es pas à l’abri de prendre de mauvaises décisions, de te planter, de te faire agresser, mais je n’ai pas le droit de te donner des conseils… ». C’est dingue !
Comment les TDS déclarent-elles leurs revenus ?
On peut déclarer le travail sexuel comme activité principale, en tant que travailleur indépendant. L’exercice de la prostitution n’est plus illégal. Ce qui est illégal, c’est d’être client. C’est complètement bidon !
Pourquoi la France est-elle tellement en retard sur ces sujets ?
Tout dépend de ce que l’on entend par « être en retard ». Certaines personnes vont penser qu’abolir la prostitution, c’est progressiste. La France est un pays très old school, et ça se retrouve dans sa façon de gérer le sexe et l’argent.
Qu’est-ce que l’essor des sites d’escorts a changé pour les prostituées ? Sont-elles plus en sécurité ?
Est-ce que le danger est inhérent à la prostitution ? Ce qui est dangereux, c’est aussi le fait de répéter en boucle que c’est dangereux, et de cantonner la prostitution dans un lieu forcément caché, ou c’est à moitié légal, de toute façon pas bien. Si la prostitution était perçue comme quelque chose d’organisé, choisi, responsable, avec des personnes respectueuses, il n’y aurait pas de problème. Dès que l’on met des gens en situation d’avoir des rapports sexuels tarifés, on s’imagine qu’il va y avoir une catastrophe ! À force de répéter que les prostituées sont de pauvres âmes malheureuses, stupides, pas capables de réfléchir par elles-mêmes, et que les clients sont des prédateurs sexuels sans empathie, à un moment, ça finit par créer des situations problématiques. Je ne dis pas qu’être pute c’est fantastique, et que tous les clients sont des personnes adorables, mais des situations où deux personnes qui ne se connaissent pas se retrouvent seules, ne sont pas forcément des drames potentiels ! Je suis peut-être idéaliste, mais je pense qu’on peut arriver à faire comprendre aux gens qu’il faut faire une différence entre l’esclavage et le travail du sexe. Certes, le travail du sexe n’est pas un travail tout à fait comme un autre, mais les TDS devraient pouvoir déclarer sans honte leur métier, sans justification.
Quels témoignages vous ont le plus marquée ?
J’ai beaucoup d’affection pour chaque personne. J’ai reçu ces TDS pendant des heures, chaque témoignage a été très travaillé. J’aime bien mon livre. J’en suis contente.
Les témoignages sont tous différents. Certains font dix lignes, d’autres cinq pages. Ce qui en ressort, c’est que toutes ces personnes sont sensibles et sensées. Elles sont très touchantes, sans être dans le tragique. Ce travail nécessite d’élaborer une réflexion par rapport à sa vie et à son activité. La plupart des gens n’ont pas à le faire, parce que leur vie est assez simple. TDS, c’est une existence où il faut sans arrêt avoir des coups d’avance sur tout le monde, ne serait-ce que pour se protéger, physiquement ou émotionnellement. Le fait de devoir se défendre en permanence, cela peut rendre invincible. Toutes les attaques, les critiques, les dangers, à force, on les connaît par cœur. Ça peut affaiblir, mais aussi renforcer.
Avez-vous rencontré des TDS heureuses dans leur métier ?
Oui, ou plutôt je dirais que j’ai rencontré des personnes très heureuses dans leur vie, et qui faisaient ce métier, et cela leur correspond tout à fait. Mais cela tient beaucoup au regard extérieur. Ces gens-là ont la chance d’être entourées de personnes bienveillantes. On ne peut pas être heureux si on a le sentiment que le monde entier nous crache à la gueule. Mais si on se met dans un petit bocal peuplé uniquement de gens sympas avec nous, alors oui, on peut être heureux !
TDS, Tan, éd. Au Diable Vauvert, 416 p., 20 €.
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