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Free use : le sexe en libre-service

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Free use. C’est le nouveau mot-clé qui cartonne depuis quelques mois dans cet inépuisable réservoir de fantasmes qu’est le porno . Le principe est simple : une personne se tient à l’entière disposition des désirs d’une autre, qu’elle en ait envie ou pas. Et le consentement, dans tout ça ? Pas de panique, on vous explique tout…

Baiser qui on veut, quand on veut, n’importe quand, et n’importe où : la toute nouvelle niche pornographique à la mode s’appelle free use, que l’on peut traduire littéralement par « utilisation libre ». Utiliser librement le corps de l’autre, sans restriction, cela pourrait bien définir ce qu’est la pornographie : un monde merveilleux dans lequel le désir est sitôt exprimé, sitôt exaucé, et où les femmes sont en permanence disponibles pour faire l’amour.

Dans le salon coquet d’une maison de la classe moyenne américaine, un père discute avec son fils : « tu devrais dire à ta demi-sœur qu’elle fasse autre chose de sa vie que jouer à des jeux vidéo ». Le fils approuve, et sous l’œil bienveillant du père, caresse les seins de sa demi-sœur, fait glisser sa culotte puis la lèche consciencieusement, avant de l’honorer comme il se doit. Un scénario, disons un prétexte, plutôt classique donc (le fantasme incestueux entre demi-frère et demi-sœur cartonne en ce moment, outre-Atlantique, allez savoir pourquoi…). A quelques détails près : la jeune fille, utilisée par son demi-frère comme une poupée gonflable, ne lâche pas sa console portable, et continue à jouer, comme si de rien n’était. Le beau-père, lui, reste assis juste à côté, plongé dans un livre, ne prêtant aucune attention à la péronnelle, qui, la tête calée contre son épaule, poursuit imperturbablement son jeu pendant que son demi-frère la besogne… 

Étrange ? Dérangeant ? Malsain ? C’est pourtant un scénario de porno free use comme il en existe des centaines. Au Canada, l’engouement est tel que la chaine québécoise Adultime a imaginé une série axée sur ce concept. Cette production met en scène une entreprise discrète (et fictive bien sûr), Free Use Industries, qui offre à ses clients un accès sexuel « libre » à la personne fantasmée de leur choix, où et quand ils le veulent, même en public. Pour la petite histoire, c’est l’une des plus grandes stars du porno du moment, Joanna Angel, qui a réalisé les trois épisodes pilotes. Elle apparaît même dans un rôle de comédie, en tant que PDG de Free Use Industries ! On imagine bien toutes les possibilités de scénarii qu’offre cet étrange concept. 

D’autant plus étrange d’ailleurs, qu’en 2022, après Metoo, la libération de la parole des femmes et la mise en avant du consentement dans toute forme d’interaction sexuelle, il apparaisse un nouveau fantasme dans lequel hommes et femmes « utilisent » sexuellement l’autre comme bon leur semble. Ce qui prouve une fois de plus que le porno, source intarissable de fantasmes cathartiques, accompagne les évolutions sociétales. Remarquons au passage que le free use ne met pas seulement en scène des hommes excités et des femmes soumises à leurs désirs. Non, le free use concerne tous les genres et toutes les sexualités, et on le retrouve dans des déclinaisons gay et trans. Comme dans cette scène incroyable du label Transthirst où Izzy Wilde dispute, imperturbable, une partie d’échecs avec une copine tout en se faisant copieusement perforer l’arrière train par la big black cock du laveur de carreaux qui passait par là… 

Dans la version la plus extrême du fantasme,  il arrive qu’une personne n’existe qu’en tant qu’objet de désir, entièrement soumis aux désirs des autres. Voilà qui rappelle Mirror box, la performance de Milo Moire réalisée en 2016 dans les rues de Düsseldorf, de Londres et d’Amsterdam : la belle brune déambulait en cachant ses seins ou sa chatte dans une boite faite de miroirs, et proposait aux passants d’y introduire une main pour la caresser, pendant trente secondes. Une performance inspirée, sans doute, de celle de Marina Abramović, en 1974, lorsque l’artiste serbe a livré son corps pendant six heures à des inconnus, autorisés à faire ce qu’ils voulaient des soixante-douze objets « de plaisir ou de destruction » mis à leur disposition… Le sens d’une telle démarche artistique ? Faire réfléchir sur le consentement, et dénoncer les violences faites aux femmes. « Les femmes décident elles-mêmes quand et comment elles veulent être touchées, et quand elles ne le veulent pas ! », déclamait Milo Moire pendant sa performance, dans son mégaphone !

Heureusement pour les actrices, le porno reste une industrie cadrée. Jamais un producteur ne prendrait autant de risques que ces performeuses de body art !

Dans des déclinaisons plus soft, le free use se pratique en petit comité, et ne concerne qu’un nombre limité d’activités, comme le sexe vaginal, ou les pipes au réveil ! Dernière option, sans doute la plus répandue en ligne : une personne vaque à ses occupations quotidiennes – cuisine, ménage, lecture, envoi de SMS, travail et sommeil – pendant que son partenaire fait ce qu’il veut (comme dans la vidéo décrite au début de cet article). Le plus souvent, le partenaire « utilisé » ne réagit pas vraiment. Pour répondre au fantasme du free use, on se doit de rester un objet de désir, et non un partenaire actif ! Et cela se traduit par des scènes porno totalement improbables et curieusement excitantes, dans lesquelles des garçons besognent consciencieusement des filles occupées à tout autre chose, discutant, par exemple, avec une copine, ou bien leur propre mère, dans la cuisine familiale…

Évidemment, il existe des milliers de nuances, et l’expression free use peut signifier beaucoup de choses, tant il y a de manières d’utiliser l’autre, ou d’être utilisé.

Parfois, le free use s’inscrit dans une perspective BDSM, et fait appel au bondage, à la privation sensorielle. Mais la plupart du temps, le free use reste parfaitement « vanille ». Les partenaires se branlent, se sucent et se doigtent tout en déjeunant ou en jouant aux jeux vidéo. Vixen, 27 ans, actrice porno très active sur le réseau Reddit, est devenue adepte du freeuse avec son colocataire, nommé Kinkshame. Leur sexualité fonctionne ainsi : si l’un d’entre eux est excité à un moment donné (ce qui, heureusement, arrive souvent), il peut faire des choses à l’autre sans avoir à lui demander. Plus besoin de séduction, de conversation, de préliminaires : on est dans le sexe brut et la satisfaction immédiate. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le concept rencontre un franc succès : Vixen compte plus de 700 000 membres sur son Reddit. Étonnant pour un fantasme qui ne semble, à première vue , pas si extraordinaire. Il manquait certainement un mot pour l’exprimer. Nommer, on le sait, c’est faire exister. Avec le freeuse, de plus en plus de personnes découvrent que leur vieux fantasme a un nom. Interviewée par Isabelle Kohn pour Mel Magazine, Vixen explique : « le stress croissant de la vie quotidienne joue un rôle dans ce fantasme pour beaucoup de gens. En vieillissant (…), on a malheureusement moins de vie sexuelle. (…) Vous pouvez comprendre l’envie de vouloir quelque chose qui soit simplement sans effort et physiquement gratifiant. »

Mais nul besoin de se créer un profil sur Reddit avec un(e) ami(e) pour vivre l’expérience du free use. Après tout, de nombreux couples fonctionnent ainsi, dans leur vie privée, se tenant à la disposition du désir de l’autre sans tenir compte du sien. Dans tous les couples, même si l’amour reste intact, il arrive que l’on n’ait pas « envie » en même temps, au même moment. Satisfaire les pulsions sexuelles de l’autre fait partie de l’intimité de milliers de couples. Le free use va juste un peu plus loin : on ne se sent pas obligé de faire semblant d’avoir envie !

Enfin, n’oublions pas que le freeuse n’est jamais totalement free. Et heureusement, d’ailleurs ! Dans le porno comme dans la « vraie vie », il ne concerne que ce à quoi les personnes qui le pratiquent ont consenti. Et surtout, ce consentement peut être révoqué ou renégocié à tout moment. Pour que le sexe reste un jeu. 

Pierre Des Esseintes est auteur et journaliste, spécialisé dans les questions de sexualité. De formation philosophique, il est également sexologue. Il a publié, aux éditions La Musardine, Osez la bisexualité, Osez le libertinage et Osez l’infidélité. Il est aussi l’auteur, aux éditions First, de Faire l’amour à un homme et 150 secrets pour rendre un homme fou de plaisir.

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