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Anne-Laure Parmantier : « Il manquait un espace de discussion honnête et authentique sur la sexualité des hommes »
Anne Laure Parmantier, entrepreneuse, co-dirige une agence de communication. Passionnée par la sexualité masculine, elle créé en 2019 un podcast, On the Verge, sur lequel des témoins s’expriment sans tabou sur le sujet. Les témoignages le plus marquants paraissent aujourd’hui dans un livre éponyme, proposant une photographie juste et objective de la sexualité des hommes d’aujourd’hui.
Comment s’est révélé votre intérêt pour la sexualité masculine ?
La sexualité m’a toujours intéressée. Au-delà de la pratique, ce qui me fascine dans la sexualité, c’est qu’elle représente le point de convergence de notre éducation, de nos traumatismes, de notre religion, de nos rencontres. C’est l’une des rares choses gratuites sur cette terre, que nous avons à disposition, dont on peut faire ce que l’on veut, avec qui on veut. La sexualité est toujours en mouvement, fluctuante. En même temps, c’est ce qui engendre des conflits, des écrits improbables dans des livres sacrés, ça peut devenir une arme de guerre… La sexualité humaine est fascinante, c’est un sujet sans fond et en même temps c’est un grand tabou. J’ai constaté avec plaisir qu’aujourd’hui, les femmes de ma génération, celle des gens nés au milieu des années 80, avaient su s’emparer de l’espace public pour parler de leur sexualité, pour revendiquer leur plaisir, etc. Mais selon moi, il manquait un espace de discussion honnête et authentique sur la sexualité des hommes. Autour de moi, des filles aux penchants féministes me disaient qu’au contraire, les hommes prenaient bien assez de place, qu’on ne parlait que d’eux et de leur plaisir. Je n’étais pas d’accord avec ça. Pour moi, il ne s’agissait que de mythes assez toxiques autour de la virilité. Quand je parlais de sexualité avec des garçons de mon entourage, je me suis rendue compte que c’était déjà compliqué, quand ils rencontraient un problème, d’en parler entre eux, de trouver une solution… Il y a donc eu cette conjonction entre mon ressenti de terrain, le manque d’un espace de parole, et mon intérêt profond pour le sujet. En plus, je suis une enfant de la radio, je consomme des podcasts depuis très longtemps. La liberté de production du podcast, et l’anonymat que cela confère, j’ai trouvé ça très excitant. J’ai donc créé On the Verge fin 2018. Le premier épisode est sorti le 14 février 2019.
Ça a fonctionné tout de suite ?
Oui, c’est assez fascinant. Je n’ai pas fait beaucoup de com, je voulais que ce podcast reste un side project, et un loisir. Mais dès son lancement, le podcast a été relayé par de nombreux supports. Le Monde m’a fait une interview-fleuve, intitulé Les monologues du pénis, qui a engendré beaucoup d’écoutes qualitatives.Aujourd’hui il garde une très bonne audience. Et les retours des auditeurs me donnent vraiment envie de continuer.
Combien d’auditeurs avez-vous ?
On est autour de 80 000 écoutes par épisode.
C’est remarquable de réussir cela aujourd’hui. Chaque épisode dure une heure, il faut être disponible pour écouter, se concentrer…
Mon hébergeur m’a dit, au début, qu’une heure, c’était super long ! Souvent, mes auditeurs me disent qu’ils fractionnent leurs écoutes.
Mais c’était un vrai choix, dès le départ. Mes rencontres avec les hommes durent généralement deux heures, en moyenne. Par respect pour eux et pour leur histoire, et pour donner toute sa dynamique au témoignage, je ne saurais livrer trente minutes à un auditeur. C’est important de garder les silences, parfois les petites anecdotes nécessaires pour comprendre l’ensemble. Aujourd’hui, on met trop vite les gens dans des cases. Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer de restituer la complexité des personnes. Dans la sexualité, on bouge, on change, on fait des erreurs… C’est important que l’on ne se dise pas, à propos d’un homme : « tiens, ça c’est l’homo qui ne fait pas de fellation ! » Je ne veux pas qu’on réduise les gens à une pratique ou à une phrase.
Votre livre n’est-il pas à contre-courant aujourd’hui, ou l’on ne parle que de sexualité féminine, de plaisir féminin, etc. ?
Peut-être, mais ce n’était pas mon intention de départ. J’ai voulu livrer une photographie de la sexualité masculine en 2022. Je trouvais intéressant que l’on parle un peu des hommes d’aujourd’hui. Ces hommes appartiennent à une génération dont les bagages bien ficelés viennent de leur père, de leur grand-père, et on leur demande d’ouvrir ces bagages pour les ranger autrement. J’ai autour de moi des hommes autour de la quarantaine qui « ne savent plus ». Ils n’ont pas d’autre explication que : « je ne sais plus faire. Je ne sais pas faire l’amour à une femme, la séduire, je ne sais pas ce qu’elle attend de moi… » Je voulais aussi leur dire qu’ils n’étaient pas tout seuls dans ce tourbillon de doutes. En plus, il n’existe que très peu de livres sur la sexualité masculine.
Chaque témoignage est suivi d’une page informative, sur un point sexo précis. Vous avez voulu insister sur certains aspects méconnus de la sexualité masculine, comme le plaisir prostatique par exemple ?
Oui, je voulais éclairer chaque témoignage d’un peu de savoir, que ce soit sur les bienfaits de la masturbation, le plaisir prostatique, les différents types d’orgasme chez les hommes…
Certains témoignages vous ont-ils particulièrement surpris ?
Oui, j’ai appris beaucoup de choses. J’ai été très surprise notamment par des témoignages d’homosexuels, qui ont cassé certains clichés que j’avais, notamment sur certaines pratiques. Dans les relations hétéro, ce qui m’a surprise, c’est à quel point l’éducation pèse sur la sexualité. Les tabous, la religion, les référents parentaux adultes vont créer des frustrations, des fétiches… J’ai un petit garçon de six ans, et tout cela m’a interrogée sur ma propre parentalité. C’est fou, le nombre d’hommes qui m’ont dit qu’ados, ils n’avaient eu aucun accompagnement. Ils sont tombés sur du porno à neuf ou dix ans, et ils n’ont pas compris ce qu’ils voyaient. Ces garçons ont une vision de la sexualité déformée par le porno. Je n’avais pas du tout pris la mesure de ça.
Comment avez-vous mis tous ces hommes en confiance pour se livrer ainsi à vous ?
Un journaliste m’a consacré un article, qu’il a titré La femme qui murmurait à l’oreille des hommes… Je n’ai aucun mérite, aucun pouvoir magique. Il n’ y a aucun rapport de séduction. C’est comme si je mettais en place un « cadre thérapeutique ». C’est ma capacité d’écoute, sans jugement, qui fait la différence. J’accueille la parole, et je considère que toutes les sexualités sont bonnes à entendre.
Certains témoignages sont loin de donner une « bonne image » des hommes…
Je pense que nous avons tous été, à un moment, le connard de quelqu’un. J’aurais trouvé trop facile et malhonnête de ne donner la parole qu’à des garçons qui ont tout compris au consentement, et qui placent le plaisir féminin au cœur de leurs préoccupations. Non, j’ai voulu donner la parole à tous les hommes. Avec des limites bien sûr, celles de la légalité. J’ai par exemple donné la parole à un homme qui vit une relation D/S sept jours sur sept, avec sa femme soumise. Ce n’est pas ma vision du couple, et c’était très perturbant pour moi d’écouter leur quotidien, mais qui suis-je pour juger ? Ce qui est intéressant, c’est que le lecteur se demande : « qu’est-ce que cela dit de moi ? » Quand je demande à des lecteurs quel chapitre les a émus, agacés, excités, personne ne donne la même réponse. Et cela veut bien dire que le challenge est réussi.
Quels sont les témoignages qui vous ont le plus marquée ?
C’est difficile de vous répondre. Si je les ai choisis, avec mon éditeur, c’est que je voulais parler de toutes les sexualités et de toutes les orientations. J’aime beaucoup l’histoire de François, qui m’a parlé de son couple. Avec sa femme, ils ont plus de quarante-cinq ans de mariage, deux enfants, et aujourd’hui il la désire encore. Il m’a parlé de sa sexualité , à l’automne de sa vie, avec tout ce que cela comporte de réflexion sur soi, sur son corps… A un moment donné, l’histoire vrille. François me confie qu’il a vécu pendant trente ans une histoire d’amour platonique avec la sœur de sa femme. Il l’a accompagnée dans sa maladie, et dans sa mort. C’est une histoire extrêmement émouvante. Au-delà de la sexualité, le fil conducteur de tout cela, c’est le désir. François est obsédé par les dates. J’ai compris que lorsqu’il était venu me parler, c’était la date anniversaire du décès de cette femme. Il m’a dit qu’il n’avait raconté cette histoire à personne d’autre que moi. Ni se femme, ni ses enfants ne sont au courant de cette histoire.
Il y a aussi une histoire que je n’ai pas publiée dans le livre, celle d’un homme, Erwann, qui a subi un inceste de la part de sa mère. Ça a été compliqué, très douloureux . J’ai enregistré presque six heures. Il est dans un parcours thérapeutique. Il a besoin de tout raconter en détails. En tant qu’humain c’est déjà inaudible, alors en tant que parent, c’est carrément insoutenable… J’ai coupé ce qui est à mon sens trop violent. Au-delà de ça, j’ai des témoignages d’hommes qui vivent une sexualité épanouissante, heureuse, légère, drôle. A chaque fois, ce sont des rencontres intéressantes.
Dans les témoignages plutôt positifs, il y en a un qui sort du lot ?
Il y a celui de l’homme qui a découvert le plaisir prostatique avec sa compagne, que j’aime beaucoup, et aussi le témoignage du garçon obèse qui a vécu des relations toxiques, et qui a fini par acquérir un savoir-faire en tant qu’amant, avec des partenaires qui l’ont beaucoup valorisé. On sent à travers son histoire son épanouissement personnel, sa capacité à faire jouir… On sent aussi à travers certains témoignages, comment les hommes s’affranchissent d’idées reçues sur l’érection bien dure qui doit durer des heures… De nombreux hommes réussissent à se débarrasser de ces mythes de virilité toxiques, pour aller vers des sexualités épanouissantes.
Vous avez d’autres projets ?
Oui je suis en train de mettre en place une sorte de forum sur discord, une plateforme safe où les gens peuvent échanger sur des épisodes, des thématiques… Et puis je vais continuer ma cinquième saison. Je vais essayer de garder un panel représentatif de la société. C’est important pour moi d’avoir des gens qui viennent de tous horizons. Je suis en pourparlers avec un homme de quatre-vingt-cinq ans, qui vit en EPHAD, j’ai aussi un prêtre qui serait d’accord pour parler de son vœu de chasteté…. Il y a des profils plus ou moins difficiles. J’essaie de ne pas être redondante. Je veux que les âges, les milieux, les zones géographiques soient variés, pour qu’on entende le dénominateur qui les lient, mais aussi la complexité d’un cadre, d’un contexte, d’un entourage, d’une éducation, dans la construction d’une sexualité.
Vous envisagez de faire la même chose avec des femmes ?
D’autres podcasts le font déjà ! Je préfère me concentrer sur la parole, trop rare, des hommes.
On the Verge, Anne-Laure Parmantier, éd. Robert Laffont, 278 p., 18,90 €
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