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Richard Allan : « Ce que j’ai vécu à l’époque, c’était absolument sublime ! »

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Richard Allan, dont la « queue de béton » se dresse fièrement comme un pilier du patrimoine pornographique français, sort une nouvelle version de son autobiographie, totalement remaniée et enrichie de centaines de photos. Il y évoque son incroyable filmographie (532 longs métrages), la liberté sexuelle qui régnait au cours de cette « parenthèse enchantée » des années 70, et tous les protagonistes de cette époque bénie… Nous l’avons rencontré.

Votre livre s’ouvre sur une citation de Pasolini : « dès l’instant où l’humanité aura réalisé l’industrialisation totale de la planète, nous risquons de voir réapparaitre un moralisme extrêmement rigide, hyper-rationnel, (…) De plus en plus, la société nous contraindra à faire l’amour dans les normes productives ou sociales. » Cette prophétie s’est-elle réalisée, selon vous ?

Complètement. Pasolini était un visionnaire. Nous vivons dans un climat de régression totale. Le féminisme y est sans doute pour quelque chose.

 

Les mouvements féministes sont pourtant nés à cette époque que vous désignez par l’expression « parenthèse enchantée »…

Oui, mais c’était différent. Il y avait eu tellement de restrictions auparavant. D’un coup, la femme a pu copuler comme elle le voulait ! Les femmes se sentaient libérées, s’habillaient court, prenaient la pilule… Ce féminisme-là n’était pas régressif, il était évolutif. En 1968, c’était extraordinaire, tout le monde baisait allègrement. C’est comme si on avait, d’un seul coup, donné l’autorisation aux femmes de vivre leur sexualité librement. Ce n’était pas formalisé par une loi, c’était un vrai mouvement de société. La loi s’est adaptée par la suite. Ce que j’ai vécu à l’époque, c’était absolument sublime ! Cela m’a donné une vision de la vie sexuelle – et de la vie tout court – totalement différente de celle de beaucoup de gens.

L’une de vos phrases m’a beaucoup marqué : « j’ai perdu ma semence comme on perd son sang ou sa vie ». Que voulez-vous dire ?

J’explique cette phrase dans le livre, par la « théorie du sperme ». Le sperme, c’est ce qui crée la vie. Il est associé au plaisir. Or, j’ai eu un moment, dans ma vie, où j’ai haï mon sperme. Dans le rituel des films pornos, il fallait montrer son plaisir à travers l’éjaculation. Pendant l’acte, j’avais évidemment du plaisir. Mais quand je limais pendant des heures sur un tournage en retenant mon éjaculation, parfois, elle devenait impossible, et on utilisait du faux sperme. Dans ces moments-là, j’avais vraiment l’impression d’être une bête de foire. C’est pour ça que le soir, en rentrant du boulot, j’avais besoin de faire l’amour avec ma femme. Pour me retrouver en tant qu’homme. J’étais devenu une machine ! Dans ma vie privée, ça m’a posé beaucoup de problèmes. Je me souviens d’une amie très portée sur le sexe, dont je refusais les avances, parce que j’avais l’impression d’être un homme objet ! Moi, j’avais besoin de faire monter le désir, et de ressentir du plaisir.

Que prenaient les acteurs, à l’époque, pour se stimuler ?

Personnellement, je n’ai jamais rien pris. Pour tous mes copains, c’était pareil. Dans les années 80, un peu de coke trainait sur les tournages. Mais c’était plus pour le plaisir, car à fortes doses, la coke peut totalement annihiler l’érection ! Quand j’étais producteur, j’arrivais à créer une ambiance, pour que les gens soient décontractés. J’évitais les antagonismes entre les acteurs. Je n’engageais pas des gens qui ne s’entendaient pas. C’était toujours des tournages dans la bonne humeur. Il y avait des boissons, un peu de bouffe… Quand l’ambiance est bonne, ça aide beaucoup. Personne n’était là pour juger l’autre… Quand je vois les cadences auxquelles sont soumis les acteurs aujourd’hui, je trouve ça lamentable. Ce sont des performers, qui se bourrent de Viagra, de Cialis, de piquouzes… A cinquante ans, est-ce qu’ils banderont encore ? Aujourd’hui, un mec tourne une journée, pour une scène. Nous, nous avions des contrats, comme des acteurs. Nous avions un scénario, et il y avait une séance de baise, ou pas, selon les jours. On avait l’impression de tourner un film traditionnel. On essayait de donner au sexe une certaine beauté. Comme le dit Gérard Kikoïne, « j’ai tourné des films d’amour ». C’est une belle image. Tous les réalisateurs, Claude Bernard Aubert [Burd Tranbaree], Gérard Kikoïne, ont transmis, dans leurs films, leurs propres fantasmes. Aujourd’hui, cette démarche n’est plus possible. C’est devenu une industrie. On ne fait que répondre aux demandes du public. Aujourd’hui, le porno, ce sont des séquences de baise, les unes derrière les autres. Avec des performances de plus en plus extrêmes : des crachats, des baffes dans la gueule, des triples pénétrations… Je suis assez ouvert, je sais que la sexualité évolue… Mais qu’un gamin de dix ans puisse voir ça sur Internet, je trouve ça affreux. J’ai peur que cela ne devienne leur sexualité. Ils vont commencer leur vie sexuelle en prenant la tête de la fille et en lui disant : « vas-y, suce ! » C’est terrible. Il faut vraiment protéger les enfants.

Que pensez-vous, justement, de l’évolution des pratiques dans le X ? Aujourd’hui, l’anal est très valorisé, ce qui n’était pas le cas dans les années 70-80.

A mon époque, très peu de filles faisaient de l’anal. Un jour, un copain gastro-entérologue m’a prescrit de la xylocaïne visqueuse. Il m’a dit : « si tu veux te faire sucer à fond, ça évite le rejet de la glotte ». Je me suis dit : si ça marche pour la gorge, ça doit marcher aussi pour le reste. Pour celles qui étaient réticentes à la sodomie, je leur en appliquais sur l’anus. Ça marchait très bien. Je maitrisais la technique pour éviter la douleur. Je laissais les filles pousser elles-mêmes sur mon gland. Un fois passé l’anneau de Vénus, on est dans la caverne d’Ali Baba !

Les poils, on en parle ?

Pour moi, une vraie femme a des poils ! Je crois que les poils ne sont pas là pour rien, ils ont une utilité. Et puis, il y a le plaisir de la découverte…

Vous parlez souvent dans votre livre, de drague, de séduction… Ça se perd, aujourd’hui ?

Complètement. Il n’y a plus de séduction. C’est là aussi qu’est le danger d’Internet pour les jeunes. La femme devient un objet à consommer. Je vais peut-être passer pour un vieux con, mais jeune, quand j’invitais une fille chez moi, je mettais de la musique, une bougie parfumée… et j’entamais une séduction. Aujourd’hui, les jeunes veulent directement baiser ! C’est important que les femmes se sentent désirées. J’ai toujours été un charmeur.

Il vous arrive encore de vous retourner sur des femmes dans la rue ?

Oui, mais rarement. Aujourd’hui trop de femmes se laissent aller. Elles ne font pas attention à leur ligne, sont mal fringuées… Je regrette tellement l’époque des bas et des porte-jarretelles !

On apprend dans votre livre que c’est grâce à une icône du X, Sylvia Bourdon, que tout a commencé pour vous…

Oui ! Avec un ami, qui deviendra le fondateur d’une des plus grandes écoles de théâtre de Paris, nous organisions des soirées, dans son appartement du 13e. C’est là que j’ai rencontré Sylvia Bourdon. Elle m’a dit : « tu baises comme un dieu, je vais te recommander à un ami qui fait des romans photos, et qui cherche des acteurs ! » C’est comme ça que j’ai eu ma première expérience dans le X. Catastrophique d’ailleurs, puisque je n’ai pas bandé !

Vous n’étiez pas encore « queue de béton » ! D’ailleurs, on vous appelle toujours comme ça ?

Oui, mais aujourd’hui, pour rigoler, je demande aux gens de m’appeler « queue de guimauve » (rires) !

Vous avez le sentiment d’être une légende vivante du porno ?

Pas du tout ! Ce qui me fait plaisir, c’est de serrer la main de gens qui me disent : merci, vous avez contribué à mon éducation… Je leur réponds que je suis un bienfaiteur de l’humanité souffrante ! Je suis devenu une légende malgré moi, parce que j’ai été l’un des premiers en France à faire du porno. J’ai tout fait dans ce milieu : du casting, de la mise en scène, de la production, de la distribution… J’ai arrêté de tourner en 1982. Même après l’arrêt des tournages, j’ai continué, et j’ai un peu perpétré la légende. J’ai créé ma collection de chocolats érotiques, ce qui m’a permis de continuer à être médiatisé.

Vous êtes aussi très investi dans la cause animale…

Oui, je fais partie d’une association de protection des lévriers galgos. Ces chiens sont utilisés pour la chasse au lapin. Ce sont d’excellents chasseurs, capables de courir extrêmement vite. Mais quand ils ne servent plus, ils sont massacrés. On leur casse les pattes, on les brûle, on les traine derrière les voitures… C’est l’horreur totale. Avec notre association, nous sommes allés faire des sauvetages au fin fond de l’Andalousie. On arrive à en sauver quelques milliers. Mais chaque année, entre 50 000 et 60 000 chiens sont massacrés. Je suis aussi président de l’association Requins en péril. Je suis plongeur depuis les années 60, j’ai assisté à la quasi disparition d’espèces de requins, qui sont normalement les plus grands prédateurs de la faune sous-marine. Là encore, ma notoriété m’a permis d’être invité par le Prince Albert, à Monaco, pour faire des conférences sur les requins. 

Quelle est l’actrice qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?

Il y en a plusieurs. J’avais une très grande osmose avec Brigitte Lahaie. C’était très physique. J’ai eu quelques partenaires comme ça : Patinette bien sûr [Marilyn Jess], Morgane…

Morgane ?

Oui, elle tournait sous ce nom-là. J’adorais cette fille, une jolie blonde, très gentille. Son mari n’était pas au courant qu’elle tournait des films porno. Elle a perdu la garde de ses enfants à cause de ça. Triste histoire… Je citerai également Helen Shirley, avec qui j’ai partagé huit ans de ma vie. J’ai vécu aussi avec Cathy Ménard, qui est décédée cette année. J’aimais beaucoup Dom Pat aussi, une fille un peu mytho mais très gentille, avec qui j’ai vécu quelques mois. Toutes ces filles étaient sincères, pas tordues. Elles faisaient du porno pour se faire un peu d’argent, mais aussi par plaisir. Et parmi celles qui ont restées mes amies, il y a Denise, qui a créé le 106, puis le 41. Elle fait encore partie de ma vie aujourd’hui.

D’où venaient les actrices à l’époque ?

Il y avait des filles qui voulaient vivre des expériences, d’autres qui voulaient faire plaisir à leur mari, d’autres encore qui pensaient se faire remarquer dans la pornographie pour faire ensuite du cinéma traditionnel. C’était une illusion, bien sûr…

Tous les acteurs tournaient sous contrat ?

Oui, et heureusement d’ailleurs. Sauf qu’une clause de ces contrats stipulait que l’on cédait ses droits à l’image « pour tous supports, connus ou inconnus à ce jour ». Nous avons donc cédé nos droits sur pellicule, mais aussi en vidéo, en DVD, et bien sûr sur Internet. Quarante ans plus tard, j’ai encore ma gueule à la vue de tout le monde ! Ça a contribué à entretenir mon image. Je suis toujours surpris quand des jeunes me disent qu’ils apprécient mes films ! Je me dis que finalement, je fais partie de la cinémathèque française. Je sais que certains de mes films sont des chefs-d’œuvre. Et après tout, nous avons tous contribué à l’aide au cinéma traditionnel, à l’époque. Comme le disait Alban [Ceray], « le cinéma traditionnel a un peu l’odeur de mon cul ! ».

D’où est venue l’idée de faire ce livre ?

Quand Guillaume le Disez a sorti le livre sur Brigitte [Lahaie], je lui ai parlé de ce projet. C’est moi qui lui ai proposé le titre, Aventures sextraordinaires. La première version de mon autobiographie s’appelait 8000 femmes, je n’aimais pas du tout. Je trouvais ça prétentieux, même si je me suis tapé des milliers de femmes, et pas qu’au cinéma (rires) !

Richard Allan, Aventures sextraordinaires, préface de Brigitte Lahaie, éd. Pulse Vidéo, 352 p., 25 €. En vente sur https://pulsestore.net.

Pierre Des Esseintes est auteur et journaliste, spécialisé dans les questions de sexualité. De formation philosophique, il est également sexologue. Il a publié, aux éditions La Musardine, Osez la bisexualité, Osez le libertinage et Osez l’infidélité. Il est aussi l’auteur, aux éditions First, de Faire l’amour à un homme et 150 secrets pour rendre un homme fou de plaisir.

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