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Pourquoi s’embrasse-t-on sur la bouche ?

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Premier baiser inoubliable, smack furtif, baiser de conte de fée ressuscitant les princesses, baisers affamés des scènes porno… : le baiser parcourt notre culture et nos vies. Pourquoi ? Au-delà du plaisir de joindre nos lèvres et de « se goûter », le baiser nous fournit des informations précieuses sur nos partenaires, déclenche dans nos corps une cascade de messages neuronaux, et produit des substances euphorisantes… Explications. 

Si le baiser sur la bouche est une pratique très ancienne (comme en témoignent des textes vieux de quatre mille cinq cents ans, découverts en Mésopotamie) et commune à diverses cultures, il est loin d’être universel. Selon une étude de 2015, menée par l’anthropologue William Jankwiak sur 168 cultures différentes, le baiser sexuel et romantique n’existe que dans 46% d’entre elles. Selon lui, « il existe une forte corrélation entre la fréquence du baiser romantique et sexuel et la complexité sociale relative d’une société : plus la culture est socialement complexe, plus la fréquence du baiser romantique et sexuel est élevée. » Il ajoute : « plus vous portez de vêtements, plus la fréquence des baisers est importante, et le moins vous en portez, plus la fréquence des baisers est faible. Chez les groupes de chasseurs-cueilleurs, on ne trouve pas de personnes qui s’embrassent, à une seule exception près, les inuits du cercle antarctique. Ils sont le seul groupe de chasseurs-cueilleurs qui s’embrassent, ils frottent leurs lèvres sur les lèvres de l’autre ». (Source : BBC.com)

Que se passe-t-il dans notre corps lorsque nous nous embrassons ? Les lèvres constituent la couche de peau la plus fine du corps humain, et elles comptent, avec la langue et la bouche parmi les zones les plus riches en récepteurs sensitifs. Pendant le baiser, ces récepteurs envoient des messages au cerveau, provoquant des sensations agréables, des émotions intenses et des réactions physiques. Sur la douzaine de nerfs crâniens qui affectent la fonction cérébrale, cinq sont à l’œuvre lorsque nous embrassons. Ils parcourent les lèvres, la langue, les joues et le nez… Les informations sur la température, le goût, l’odeur et les mouvements du partenaire, parviennent, grâce à ces nerfs, au cortex somato-sensoriel.

Wendy Hill, professeure en neurosciences au Lafayette College (Pennsylvanie), s’est intéressée à la biochimie du baiser. Dans une étude, elle a mis en avant le rôle de deux substances : l’ocytocine, l’hormone du bonheur, du lien et de la confiance, et le cortisol, hormone du stress. Lors du baiser, le taux d’ocytocine augmente, tandis que le taux de cortisol baisse, mais pas seulement lors du baiser. Il suffit que deux personnes en couple se tiennent la main pour que le taux de cortisol décline ! Autre découverte intéressante : plus longue est la relation de couple, plus la baisse du taux de cortisol est importante. 

Mais le baiser transmet également des informations sur l’état d’une relation, et son avenir. À tel point que, selon des recherches récentes, un premier baiser qui se passe mal peut remettre en cause une relation, toute prometteuse qu’elle soit. Le baiser implique un échange complexe d’informations (olfactives, tactiles…) faisant appel à des mécanismes inconscients, permettant aux gens de déterminer leur degré de compatibilité génétique. Le baiser peut même révéler dans quelle mesure un partenaire est prêt à s’engager,  à élever des enfants, une question centrale dans les relations à long terme et cruciale pour la survie de l’espèce.

Un baiser peut-il avoir un tel pouvoir ? Certaines recherches indiquent que oui. Dans une étude de 2007, portant sur plus de 1 000 étudiants, les psychologues Susan M. Hugues et Gordon Gallup ont constaté que 59 % des hommes et 66 % des femmes ont admis ne pas avoir donné suite à une relation après un premier baiser raté. Pour une raison simple : le baiser transmet tellement d’informations sur la compatibilité génétique d’un partenaire potentiel, que s’il se déroule mal, il pourrait convaincre de s’arrêter là ! « S’embrasser, explique Gordon Gallup, implique un échange d’informations très compliqué, des informations olfactives, des informations tactiles et des types d’ajustements posturaux – qui peuvent puiser dans des mécanismes évolués et inconscients sous-jacents, et qui permettent aux gens de déterminer leur degré de compatibilité génétique ».

Quelle est la place du baiser dans l’évolution de l’Homme ? À la fin des années 1960, le zoologue britannique Desmond Morris avance l’idée que l’origine du baiser serait la pratique consistant, pour les femelles primates, à mâcher la nourriture de leurs petits pour leur donner ensuite, de bouche à bouche. Les femelles chimpanzés nourrissent leurs bébés de cette manière, nos ancêtres hominidés ont probablement fait de même. Le fait de presser les lèvres les unes contre les autres serait devenu, plus tard, un moyen de réconforter les enfants affamés lorsque la nourriture se faisait rare et, avec le temps, d’exprimer l’amour et l’affection en général. 

D’ailleurs, les bonobos, génétiquement très proches de nous et qui ont la particularité – unique dans le règne animal – de pratiquer la sexualité pour le plaisir, s’embrassent sur la bouche. Le primatologue néerlandais Frans de Waal rapporte les observations suivantes : «le ou la partenaire place [sa bouche], grande ouverte, au-dessus de celle de l’autre, souvent avec de longs contacts langue à langue. Bien que typiques du bonobo, de tels baisers langués sont totalement inconnus des chimpanzés qui s’embrassent de manière assez platonique. Un nouveau gardien [de zoo] accepta une fois le baiser d’un bonobo mâle. Il fut stupéfait de sentir une langue se glisser entre ses dents !» (source : Libération). 

Mais revenons aux humains. Un facteur pourrait avoir accéléré la généralisation de cette pratique. Il s’agit de messagers chimiques discrets mais efficaces : les phéromones. Largement utilisées par les plantes et les animaux (en particulier les insectes), elles peuvent avertir d’un danger, d’une piste alimentaire, ou d’une disponibilité sexuelle. 

La question de savoir si l’homme perçoit ces phéromones est encore controversée. L’homme ne dispose pas, contrairement aux rats et aux porcs, de l’organe voméronasal pouvant les détecter. Cependant, selon la biologiste Sarah Woodley, de l’université de Duquesne (Pittsburgh, Pennsylvanie), nous pourrions être en mesure de le faire à l’aide de notre nez et de notre bouche.

Cette communication chimique pourrait expliquer la synchronisation des cycles menstruels chez les femmes travaillant régulièrement ensemble, ou l’attirance pour les hommes dont l’odeur indique une compatibilité génétique des systèmes immunitaires. Les phéromones humaines contiendraient de l’androsténol, un composant chimique de la sueur masculine stimulant l’excitation sexuelle chez les femmes, et des hormones vaginales féminines appelées copulines qui, selon certains chercheurs, augmentent les niveaux de testostérone, et donc la libido des hommes.

Si les phéromones jouent effectivement un rôle dans la sexualité humaine, le baiser serait alors un moyen extrêmement efficace de les transmettre d’une personne à l’autre. Le baiser aiderait donc les humains à trouver leur partenaire idéal. Après tout, ne dit-on pas que « l’amour est aveugle » et qu’il nous « mène par le bout du nez » ?

Pierre Des Esseintes est auteur et journaliste, spécialisé dans les questions de sexualité. De formation philosophique, il est également sexologue. Il a publié, aux éditions La Musardine, Osez la bisexualité, Osez le libertinage et Osez l’infidélité. Il est aussi l’auteur, aux éditions First, de Faire l’amour à un homme et 150 secrets pour rendre un homme fou de plaisir.

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