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L’allergie au sperme, oui, ça existe !

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Témoignage

« C’était l’une des premières fois que je faisais l’amour avec mon copain. » Floraine, 33 ans, a accepté de nous parler de la très rare pathologie dont elle est atteinte : l’allergie au sperme. « Il utilisait toujours des préservatifs, poursuit-elle. Mais cette fois-là, le latex s’est déchiré lorsqu’il a éjaculé. C’était la première fois que j’étais en contact avec le sperme, et j’ai tout de suite ressenti des brûlures. J’avais l’impression que mon vagin était en feu, que mes muqueuses gonflaient. Je n’avais qu’une idée : faire sortir ce sperme de mon corps le plus vite possible ! » 

Comme Floraine, certaines personnes ne supportent pas le moindre contact avec le sperme, et pas seulement sur les muqueuses. Quel que soit l’endroit du corps où le sperme tombe, la réaction est immédiate : démangeaisons, brûlures, rougeurs, gonflements… : autant de symptômes qui peuvent évoquer les IST, et qui conduisent souvent – à tort – chez le gynécologue. 

En fait, cette hypersensibilité n’est pas, à proprement parler, une allergie au sperme, mais plutôt aux protéines présentes dans le composant principal du sperme : le liquide séminal. Ce dernier, produit par la prostate, les vésicules séminales et les glandes de Cowper, a pour fonction de nourrir et transporter les spermatozoïdes.

Floraine a mis du temps à comprendre qu’il s’agissait d’une allergie. Pendant des années, elle a ignoré le problème car tous ses rapports étaient protégés. Mais au moment d’aborder, avec celui qui allait devenir son mari, la question de l’abandon du préservatif, son inquiétude est revenue : « comme mon mari est très patient et à l’écoute, il a su me rassurer. Il s’est toujours retiré à temps, en faisant attention à ne pas mettre de sperme sur ma peau. Mais malheureusement, j’étais toujours exposée au liquide pré-séminal. » Et pour les autres pratiques sexuelles ? Floraine tranche : «  j’ai tellement peur du sperme que je n’ai presque jamais sucé mon mari. J’en suis arrivée à penser que j’aurais dû m’en tenir à des partenaires sexuelles féminines ! (rires) » 

Cette allergie est-elle répandue ?

Selon une étude américaine des années 2000, entre 20000 et 40000 femmes souffriraient d’hypersensibilité au liquide séminal. L’allergologue parisien Habib Chabane estime la prévalence de ce problème à « un cas pour 5000 personnes, peut-être pour 10 000. Mais comme (la maladie) est sous-diagnostiquée, il est possible que ce soit plus fréquent. » (source : AlloDocteurs).

Et c’est bien le problème : les informations sur cette allergie demeurent peu précises. Trop rares sont les femmes qui osent en parler. On ne sait pas non plus pourquoi certaines personnes sont constamment sensibles, alors que pour d’autres les symptômes fluctuent dans le temps, voire d’un partenaire à l’autre.

Certains chercheurs supposent que ces variations pourraient résulter de changements hormonaux, ou de régimes alimentaires particuliers, mais les rares études n’autorisent aucune certitude. On ne dispose pas non plus d’informations sur la possibilité pour les hommes d’être, eux aussi, allergiques au sperme. On sait que certains peuvent être allergiques à leur propre semence, mais on n’a aucune information concernant les couples homosexuels. 

Ce que l’on sait, en revanche, c’est que pour les couples hétéros, l’allergie au sperme peut avoir des conséquences sur la vie sexuelle. Comme Floraine, la plupart des femmes qui en souffrent évitent l’exposition directe au sperme – et même au liquide pré-séminal. Elles n’ont que des rapports protégés alors qu’elles préféreraient ne pas le faire, le sexe oral est exclu, ainsi que toute éjaculation sur la peau. Les symptômes sont parfois si pénibles – urticaire, troubles gastriques, vertiges, voire anaphylaxie – qu’ils peuvent créer des angoisses qui conduisent à éviter tout rapport sexuel.

Les médecins traitent généralement le problème comme n’importe quelle allergie. Mais la gêne empêche de nombreuses personnes de se faire soigner. Ceux qui cherchent de l’aide sont souvent mal diagnostiqués, faute de soignants connaissant réellement cette hypersensibilité au liquide séminal. Si une femme souffre de démangeaisons dans la zone génitale après un rapport, elle consultera un gynécologue qui diagnostiquera une candidose ou une vaginite, et prescrira des ovules antifongiques… Évidemment, ça ne servira à rien. Résultat : la maladie peut durer toute une vie, sans que les personnes concernées ne soient correctement prises en charge.

Deux formes d’allergie

Il existerait deux formes d’allergie au liquide séminal. La première, la plus fréquente, est dite « forme immédiate ». Elle produit une réaction physiologique dans l’heure qui suit le rapport. 

Les « formes non immédiates » produisent des effets retardés, et sont de ce fait difficiles à diagnostiquer. Parfois, lorsqu’une femme est allergique à un médicament, il suffit que son partenaire en ingère quelques heures avant, et éjacule en elle (ou sur elle) pour qu’elle développe des symptômes. Certains médicaments, comme la pénicilline, passent dans le sperme. Ainsi, il est arrivé que des femmes allergiques à la pénicilline développent une allergie au sperme de leurs partenaires lorsque ceux-ci étaient traités avec cet antibiotique. 

Les symptômes des « formes non immédiates » d’allergie (démangeaisons de la vulve ou du vagin) sont souvent confondues avec l’eczéma, ou la mycose.

Les allergiques au sperme… le sont aussi aux chiens mâles !

Une étude a montré que les femmes allergiques au liquide séminal réagissaient fréquemment à un allergène présent chez le chien mâle, même lorsqu’elles ne sont pas allergiques aux chiens. Le chien mâle produit une protéine semblable au PSA, la principale protéine allergène contenue dans le liquide séminal humain. Le docteur Habib Chabane évoque même le cas d’une femme de soixante ans « devenue allergique au sperme de son mari après 40 ans de mariage, parce qu’elle avait récemment adopté un chien mâle ! Morale de l’histoire ? Le meilleur ami de l’homme n’est donc pas forcément celui de la femme ! » (source : Santé Magazine)

Comment savoir si l’on est allergique ?

Les femmes qui développent des symptômes immédiatement après une exposition au sperme, et qui soupçonnent une allergie, peuvent effectuer, auprès d’un allergologue (et non d’un gynécologue), un test cutané (avec le sperme du partenaire), ou une prise de sang.

Quels sont les traitements ?

Il n’existe pour l’instant qu’une seule solution vraiment efficace : éviter toute exposition au sperme en utilisant un préservatif. Certaines méthodes thérapeutiques se sont avérées efficaces, comme celle consistant, pour la femme, à prendre un antihistaminique 30 à 60 minutes avant le rapport sexuel. La désensibilisation au liquide séminal par voie sous-cutanée ou vaginale est également possible. La technique consiste à stimuler le système immunitaire. Mais la méthode est délicate. En effet, il est nécessaire, pour que la désensibilisation fonctionne, et pour en préserver les bénéfices, que la patiente soit en contact régulier avec le sperme de son partenaire. Cela implique d’avoir deux à trois rapports sexuels non protégés par semaine. En cas de séparation momentanée d’avec son conjoint, on utilisera du sperme congelé ! (source : Revue Médicale Suisse)

Et pour avoir des enfants ?

L’allergie au liquide séminal n’est pas une cause d’infertilité. Mais les femmes allergiques désirant avoir des enfants peuvent, si la désensibilisation ne fonctionne pas, avoir recours à la procréation médicalement assistée. On peut envisager une insémination artificielle avec du sperme « purifié » (dont on a enlevé les protéines), ou bien, en cas d’échec, avoir recours à une fécondation in vitro. 

Si vous pensez souffrir de cette pathologie, vous pouvez quand même envisager une vie sexuelle sans latex, et même vous reproduire ! Assurez-vous simplement d’en parler au bon praticien. 

Pierre Des Esseintes est auteur et journaliste, spécialisé dans les questions de sexualité. De formation philosophique, il est également sexologue. Il a publié, aux éditions La Musardine, Osez la bisexualité, Osez le libertinage et Osez l’infidélité. Il est aussi l’auteur, aux éditions First, de Faire l’amour à un homme et 150 secrets pour rendre un homme fou de plaisir.

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