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Octavie Delvaux : « Le meilleur coup de toute ma vie était un homme au petit sexe ! »

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Octavie Delvaux, figure majeure de la littérature érotique, s’intéresse dans son essai Éloge des petites bites – Pour en finir avec la dictature viriliste, à une obsession toute masculine : la taille du sexe ! Nourri de son expérience, de témoignages et d’avis d’experts, ce livre aussi drôle qu’érudit aborde les dérives d’une société phallocentrée, et la nécessité de reconsidérer les codes de la virilité. 

Votre livre s’appelle Éloge des petites bites. Qu’est-ce que c’est, une petite bite ?

Selon les études, un micropénis est un sexe dont la taille est inférieure ou égale à 3,5 cm au repos et 7 cm en érection. Ce sont des chiffres que j’ai eu énormément de mal à trouver, car tous les spécialistes ne donnent pas les mêmes ! Selon les sexologues et les urologues, beaucoup d’hommes pensent avoir une petite bite, par comparaison avec ce qu’ils croient être la norme. C’est assez aberrant. Entre 13 et 15 cm en érection, la taille du sexe est parfaitement normale.

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire sur ce sujet ?

C’est un projet que j’avais en tête depuis très longtemps. Suite à des conversations avec des amis, j’ai pris conscience qu’il fallait absolument faire un travail de réhabilitation des petites bites. Je ne suis certainement pas la première à en parler. Mais il me tenait à cœur d’écrire ce livre, et qu’il porte ce titre.

Le titre du livre est très intéressant justement. Éloge des petites bites, c’est plutôt drôle, mais le sous-titre, lui, est ouvertement politique : Pour en finir avec la dictature viriliste. Selon vous, notre société est construite autour du phallus ?

Disons que l’image que nous avons de la sexualité est phallocentrée. Dire que la France est une société monstrueusement patriarcale serait très exagéré. Mais elle porte les stigmates de siècles de patriarcat. Dans mon livre, je suis très nuancée dans mes propos. Je suis consciente des avancées du féminisme, nous ne vivons pas en Iran.

Pour vous, il existe un ordre masculiniste qu’il s’agit de détruire ?

Non, quand je parle d’en finir avec la dictature viriliste, je parle essentiellement de sexualité.

Votre livre s’ouvre sur une partie historique très intéressante. Vous expliquez  que les Grecs ont été précurseurs dans le domaine des petites bites… 

Oui, l’idéal masculin grec, c’est un homme capable de se maîtriser. D’ailleurs, c’était la même chose à Rome. Pour les Romains et les Grecs, il n’était pas du tout glorieux de se rendre au bordel… Les hommes qui y allaient trop souvent étaient considérés comme des débauchés. Il était mal vu de ne pas dominer ses pulsions sexuelles. Et l’emblème de ces pulsions était le gros sexe, porté par les satyres, les esclaves, ou les étrangers, et non par le citoyen romain ou grec ! Priape, toujours représenté en érection, était un dieu ridicule. 

Pour les besoins de votre livre, vous vous êtes rendue sur des sites de rencontre, et vous avez constaté que pratiquement tous les hommes se vantant d’avoir une grosse bite sont des connards…

Je ne suis pas allée jusqu’à les rencontrer, mais oui, effectivement, ça se comprenait assez vite (rires) ! Disons que ce sont des hommes qui n’ont pas tout compris à la manière de séduire une femme, ou de l’emmener dans son lit. J’ai conscience que néanmoins, sur ce site, on peut rencontrer des femmes un peu particulières, qui peuvent être obsédées par la bite. Mais je ne pense pas qu’elles soient représentatives de la majorité des femmes.

Vous évoquez aussi les hommes qui envoient des dick pics

Oui, je trouve ça incroyable ! Ce n’est même pas que je trouve cela vulgaire ou agressif, comme le pensent certaines. Non, pour moi cela relève de l’exhibitionnisme. Je compare cela aux pervers qui ouvrent leur imper pour montrer leur bite aux dames ou aux petites filles… L’homme qui pense exciter une femme en lui montrant une photo de son pénis est complètement à côté de la plaque. Un pénis « désincarné », détaché du corps de son propriétaire, n’a aucun intérêt pour une femme !

On peut imaginer que les hommes font cela pour se rassurer sur la taille de leur sexe…

Chez ceux qui aiment la montrer, en général, elle est plutôt grosse. Et ces hommes sont persuadés d’avoir « ce qu’il faut ». De là découle un manque de délicatesse dans l’approche. Bizarrement, il s’agit d’une manière d’aborder un partenaire potentiel assez proche de la sexualité gay… 

Je me souviens que, lorsque je travaillais pour un magazine « pour adultes », j’avais reçu à la rédaction, en service de presse, le livre The big penis book [de Diane Hanson, éd. Taschen]. Une journaliste, avec qui je travaillais, était totalement fascinée par ces photos d’hommes au sexe énorme…

Oui, moi aussi j’ai rencontré une femme qui a cette même fascination pour les gros pénis. Mais dans sa sexualité, elle n’en cherche pas. Ça ne lui apporte pas vraiment de plaisir. C’est plutôt un fantasme qu’elle garde dans sa tête. C’est un plaisir de voyeuse. Mais la dick pic ne l’excite pas, elle veut voir le mec en entier.

Le fait de revendiquer une grosse bite, témoigne pour vous d’une méconnaissance de la sexualité féminine…

Oui, c’est évident que ce n’est pas la forme de drague la plus appropriée !

Même pour un plan cul ?

Oui, même pour un plan cul.

Pourtant, de nombreuses femmes se plaignent de ne rien ressentir, avec une petite bite… 

C’est vrai, d’ailleurs je nuance mon propos dans le livre. Je conçois très bien qu’un homme ayant un petit sexe ne correspond pas aux attentes de toutes les femmes, ou à leur morphologie. Chaque pot a son couvercle, comme disaient nos grands-mères. Et c’est vrai ! Je crois qu’il y a des vagins plus toniques, plus réceptifs que d’autres, et que tous ne sont pas prêts à prendre du plaisir avec des très petits sexes. Certaines femmes adorent l’idée d’être «comblées», mais c’est peut-être davantage une question de largeur que de longueur. Le vagin n’est pas un organe très extensible. En anal, par contre, on peut aller plus en profondeur…

Vous est-il arrivé, personnellement, de prendre beaucoup de plaisir avec un homme un petit sexe ?

Oui, le meilleur coup de toute ma vie était un homme au petit sexe. Et paradoxalement, le domaine où il excellait le plus, c’était la pénétration. D’ailleurs, j’ai peut-être écrit ce livre pour lui rendre hommage

Votre livre rappelle également que le vagin n’est pas un organe très innervé, il est donc peu sensible…

C’est vrai, c’est pour cela que le plaisir se donne par le rythme, l’insistance sur certains points. La pénétration d’un truc énorme, ça n’a pas d’intérêt particulier.

Vous n’abordez pas ce point dans votre livre, mais existe-t-il des facteurs ethniques concernant la taille des pénis ?

En gros, il y a deux écoles : d’abord, l’anthropologie nous apprend que certaines ethnies ont des pénis plus longs, parce que les membres en général sont plus longs. En moyenne, le sexe noir est plus long que celui des blancs, parce que tous leurs membres sont plus longs. C’est lié à l’origine géographique. Dans les endroits où il fait chaud, le corps a besoin de davantage de surface de sudation pour se refroidir. Le pénis a suivi cet allongement général. À l’inverse, les inuits ont des membres très courts et des petites bites. Ils ont peu de lumière et vivent dans le froid. Cela intervient surtout à partir du Néolithique. Il y a 50 000 ans, l’espèce humaine était identique à peu près partout. Lorsque des groupes humains ont commencé à se déplacer à travers les continents, certains facteurs comme la couleur de la peau, la longueur des membres, se sont affirmés. Je précise que cette théorie anthropologique ne fait pas l’unanimité. L’autre école, ce sont des personnes qui ont tendance à rejeter cette théorie car, selon elles, affirmer que les noirs ont une grosse bite, cela revient à les animaliser. Mon éditeur m’a dit : « ne rentre pas dans ce débat sans fin ! ». C’est pour cela que je n’en parle pas dans le livre.

La fascination des femmes pour les big black cocks, c’est très répandu ?

Pour moi, c’est une fascination qui est construite. Dans une société où l’on n’aurait pas été biberonné à la grosse bite, ça n’aurait pas lieu d’être. Et ça ne concerne pas seulement le porno. Même dans la littérature érotique, on retrouve cette obsession. C’est intrinsèquement lié à la violence infligée aux femmes par les hommes, lorsque le sexe déborde de son emploi. On va vers la destruction du féminin. Quoi de mieux pour détruire que d’y aller avec un truc énorme ? Si, en plus, le trou est petit, c’est génial, on s’éclate !

Votre livre est plutôt rassurant pour les hommes qui seraient complexés par la taille de leur sexe, mais quand même, à la fin on se demande si vous ne faites pas l’éloge des hommes déconstruits…

Ah non, surtout pas ! Je dis juste qu’il n’y a pas de mal à imaginer une sexualité un peu décentrée de la pénétration, mais je n’oblige personne à quoi que ce soit. Si on réfléchit bien, la sexualité axée sur la pénétration, c’est quand même un peu gonflé de la part des hommes ! La pénétration c’est cool, mais la sexualité ne se réduit pas à ça.

Vous parlez à un moment d’une redéfinition de la virilité. Rassurez-moi, vous ne pensez pas que l’avenir de l’homme, ce soit de ressembler à un chanteur de K-pop ?

Non, pas spécialement (rires) ! Mais après tout, chacun peut avoir sa propre définition de la virilité. Pour moi, être un homme, cela veut dire ne plus se poser cette question de la virilité. Les chanteurs de K-pop ne me font pas fantasmer plus que ça, mais est-ce qu’il ne faut pas passer par ces extrêmes pour tendre vers une moyenne, et se débarrasser des clichés de la virilité ?

Dans votre livre, vous citez Maïa Mazaurette, qui dit qu’il faut en finir avec la pénétration. Mais des femmes comme elle existent-elles en dehors des plateaux télé ? Est-ce que les femmes, finalement, ne seraient pas aussi conformistes que les hommes ?

C’est évident, il y a un travail à faire des deux côtés. Les clichés sur la virilité sont aussi entretenus par les femmes elles-mêmes. 

Octavie Delvaux, Éloge des petites bites – Pour en finir avec la dictature viriliste, éd. La Musardine, 152 p., 15 €. 

Pierre Des Esseintes est auteur et journaliste, spécialisé dans les questions de sexualité. De formation philosophique, il est également sexologue. Il a publié, aux éditions La Musardine, Osez la bisexualité, Osez le libertinage et Osez l’infidélité. Il est aussi l’auteur, aux éditions First, de Faire l’amour à un homme et 150 secrets pour rendre un homme fou de plaisir.

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