Actu/News
Sabrina Paladino, auteure des Nuits Jaunes : « Le TDS est un domaine qui nous renvoie à notre propre corps, et à notre rapport au couple ».
Dans son roman Les Nuits Jaunes, Sabrina Paladino, 34 ans, nous raconte à travers le personnage de Chiara, son double romanesque, son enquête de quatre années dans le milieu de la prostitution en Suisse. Un travail passionnant, retranscrit dans une langue ciselée, qui l’a amenée à se réconcilier avec sa propre féminité. Rencontre.
Comment est venue l’idée de ce livre ?
J’ai un souvenir très précis du moment où j’ai découvert le livre Nana [de Zola]. C’était la première fois que je ressentais l’écriture comme quelque chose de physique. Ce fut l’élément déclencheur, qui m’a amenée à m’intéresser à l’univers de la prostitution. D’abord d’un point de vue historique. Je me suis beaucoup renseignée sur les peintres comme Toulouse Lautrec ou Modigliani, qui, par manque de moyens, se rendaient dans les bordels pour trouver des modèles. Par la suite, j’ai lu des romans, comme Septentrion de Louis Calaferte, ou La Maison d’Emma Becker. J’ai aussi beaucoup lu sur les favorites, les cocottes, ça m’a amené à consulter des vidéos, des documentaires, des films, comme celui de Bertrand Bonello, L’Apollonide : Souvenirs de la maison close. Visuellement, ce film m’a beaucoup inspirée. Un jour, je suis tombée sur une vidéo de Grisélidis Réal [célèbre prostituée et activiste suisse], et j’ai fait des recherches sur elle. J’ai découvert que tous les documents liés à son militantisme se trouvaient aux archives littéraires suisses, à Berne. J’ai rencontré Igor, son fils, et puis mon projet s’est concrétisé de plus en plus.
Qui est Chiara, le personnage principal de votre roman ? C’est vous ?
J’ai créé ce personnage, car en faisant des recherches, je me suis rendu compte de mes limites. Je voulais mener une enquête sociologique, mais je n’ai aucune formation dans ce domaine. Chiara était une alternative pour faire un travail fictionnel. Ce fut compliqué pour moi de trouver un équilibre entre les choses que je trouvais importantes dans mes recherches, les rencontres, et les interviews que je faisais avec les travailleuses du sexe. Chiara m’a permis d’avoir un fil rouge dans l’histoire, et de me rendre là où je n’aurais pas été capable d’aller. J’ai voulu montrer l’impact que pouvaient avoir ces recherches, qui ont duré quatre ans, sur une personne qui n’exerce pas ce métier. La prostitution est un domaine qui touche à l’intime, qui nous renvoie à notre propre corps, et à notre rapport au couple. Je voulais que le lecteur puisse s’identifier avec le personnage.
Pourquoi êtes-vous tellement fascinée par la prostitution ?
Je suis très curieuse de cet univers, qui évoque une liberté en contradiction avec le conditionnement dans lequel on évolue en tant que femme. Les prostituées m’inspirent beaucoup dans leurs choix et dans cette liberté corporelle sans tabou. Prendre possession de son corps, je trouve cela fascinant. C’est sans doute lié à l’éducation catholique que j’ai reçue (je suis d’origine italienne) ! Ce sujet m’a aidée à garder des choses de mon éducation, et à en jeter aussi. Quand on devient adulte, on fait le tri. Les prostituées sont pour moi comme des compagnes de vie, qui inspirent énormément la femme que j’ai envie de devenir.
Quelle femme avez-vous envie de devenir ?
Une femme libre, qui a le courage d’aller au-delà de la morale et des préjugés. Même si notre corps nous appartient, d’un point de vue sociétal et moral, nous devons quand même subir des contraintes.
Une phrase de votre roman m’a interpellé. Vous écrivez que baiser est « un compromis que nous faisons afin de faire plaisir à l’autre, en couchant sans passion, sans envie, juste parce que c’est comme ça, inscrit dans notre condition de femme ». Recevoir de l’argent en échange de ce compromis, c’est normal, selon vous ?
Quand on passe des mois et des mois à côtoyer des travailleuses du sexe, il se produit une banalisation de la sexualité. Je ne pensais pas à tout cela avant. Je suis devenue très tolérante. Je suis allée à la rencontre de ce métier avec des a priori. Je me suis rendue compte qu’elles étaient comme n’importe quelle femme, et qu’elles avaient presque un avantage sur les autres. Quand on vit en couple depuis longtemps, il arrive que l’on couche pour faire plaisir à l’autre. Ça fait partie des choses que l’on doit faire pour se rassurer, pour valider le couple, valider le désir. Cela peut arriver à n’importe qui, de coucher sans passion, sans le désir que l’on peut avoir au début d’une relation. Finalement, je trouve cela très intelligent de se faire payer pour ça.
On a l’impression que votre livre est le récit de l’élaboration d’un roman qui ne verra jamais le jour…
Oui, c’est une sorte de journal de bord. De nombreux passages ont été repris de mon journal intime, évoquant mes périodes de doute, pendant lesquelles je me suis demandé : est-ce que j’ai le droit de parler pour ces femmes ?
Votre livre célèbre le travail des prostituées, et en parallèle il y a une tentative de vous réapproprier votre corps. L’aboutissement de cette réappropriation, c’est sans doute quand vous décrivez votre masturbation à la fin du livre…
Oui, je pense qu’il y a d’abord une prise de conscience de l’effet que mon corps peut avoir sur les autres. En tant que femmes, nous avons envie de nous mettre en valeur avec une mini jupe, un décolleté… Or, on emploie souvent des mots très négatifs pour désigner une femme qui assume son corps. Les travailleuses du sexe m’ont permis de ne plus avoir honte, de déconstruire l’éducation que l’on m’a donné. Cette scène de masturbation complète le cheminement de mon personnage. Après avoir tellement parlé du plaisir des femmes, est venu le moment de me poser la question : est-ce que, moi aussi, j’ai le droit de m’octroyer ce plaisir-là ?
Vous n’avez jamais eu envie de vous prostituer ?
Si, bien sûr, j’en ai eu envie, mais je n’en ai pas été capable. J’ai fait la démarche de m’inscrire sur un site spécialisé, mais je ne suis pas allée jusqu’au bout. Et cette expérience m’a donné encore davantage l’envie de valoriser les femmes qui font ce métier. Être contacté par un homme dans le but d’avoir un rapport sexuel en échange d’argent, c’est très déstabilisant. Ça m’a effrayée. Mais c’était important pour moi de faire cette démarche.
En écrivant ce livre, qu’avez-vous appris sur la sexualité des hommes ?
Je me suis rendue compte qu’il y a chez les hommes un besoin de sexualité que je n’ai pas retrouvé chez les femmes, en tout cas celles que j’ai rencontrées. Je pense que les femmes peuvent, plus facilement que les hommes, ne pas avoir de rapports sexuels pendant une certaine période. Chez les hommes, il y a quelque chose de l’ordre de l’égo qui entre en jeu. Ça m’a beaucoup déstabilisée, de constater à quel point les hommes ont besoin de satisfaire des fantasmes. C’est beaucoup moins fréquent chez les femmes. Les travailleuses du sexe elles-mêmes sont très tranquilles par rapport à leurs fantasmes. Elles m’en ont souvent parlé en rigolant. Sans vouloir faire de généralités, je crois que chez les femmes maitrisent davantage leurs pulsions. J’ai rencontré des clientes d’escorts masculins, et j’ai remarqué que ces femmes avaient plutôt besoin d’être en bonne compagnie, d’être séduites, sans qu’il soit absolument nécessaire pour elles d’avoir un rapport sexuel.
Qu’est-ce que vous avez appris sur vous-même en écrivant ce livre ?
Sexuellement, à être curieuse, à expérimenter, à voir à mon tour mon corps comme un objet de désir. J’ai souffert de troubles alimentaires, j’ai donc eu un rapport particulier à mon corps. Les travailleuses du sexe m’ont aidé à retrouver ma féminité. Même au niveau vestimentaire, j’ai changé. Avant, je m’habillais en large, j’aplatissais ma poitrine. Je ne pouvais pas mettre mon corps en valeur. Je suis plus proche de mes envies, également. Ça a évidemment initié des discussions dans mon couple, notamment par rapport au fait d’aller voir ailleurs. En parlant avec des maris de travailleuses du sexe, on se rend compte que la sexualité n’est pas aussi sacrée que ce que l’on imagine quand on se construit, en tant qu’adulte. Ça m’a libérée d’un carcan. J’ai rejeté beaucoup de choses de mon éducation, et je me suis affirmée dans mon discours.
Aujourd’hui, vous êtes guérie de vos troubles alimentaires ?
Je ne sais pas si l’on en guérit vraiment. Aujourd’hui, je ne risque plus l’hospitalisation. J’ai plus de formes, j’ai envie de manger, je fais du sport… Après, si j’ai des soucis, je sais que la nourriture sera toujours mon point faible.
Les Nuits jaunes : pourquoi ce titre ?
Dans mes recherches historiques, j’ai appris que la couleur emblématique des prostituées était le jaune. Elles portaient cette couleur sur un foulard, un ruban. Quand je me rendais dans les bordels, le soir, en tant qu’observatrice, je marchais dans les rues, les passages piétons étaient jaune vif, les fenêtres de maisons éclairées étaient d’un jaune chaleureux, la lumière des lampadaires était jaune, elle aussi. Ce sont des choses qui m’ont marquées.
Que pensez-vous de la loi française qui pénalise les clients des prostituées ?
On essaie par tous les moyens de montrer aux clients des travailleuses du sexe que ce qu’ils font est condamnable. Or, il n’y a absolument rien de honteux à aller voir une TDS. La prostitution existera toujours. Je vis en Suisse où la prostitution est légale, mais j’en suis arrivée à me demander pourquoi ce métier est tellement stigmatisé. J’ai rencontré des femmes ordinaires, qui emmènent leurs enfants à l’école le matin, et qui ont juste un métier qui ne correspond pas à une norme sociétale. Les lois en Suisse sont très floues, et le droit peut facilement se retourner contre les TDS. On essaie quand même de cacher la prostitution, de signifier que c’est une chose mauvaise. Je ne crois pas que la Suisse ait une longueur d’avance. Il reste un énorme travail à faire pour l’acceptation des TDS.
Sabrina Paladino, Les Nuits jaunes, éd. l’Amour des Maux, 198 p., 19 €.
-
Acteursil y a 5 ans
Les plus grandes légendes du porno black
-
Actricesil y a 3 ans
Les plus gros seins du X
-
Actricesil y a 5 ans
Les 20 Reines de l’anal
-
Actu/Newsil y a 6 jours
IAFD, l’encyclopédie du X
-
Actu/Newsil y a 7 ans
Les 20 plus belles trans du X
-
Actricesil y a 3 ans
Plus de 50 ans et rayonnantes comme jamais !
-
Acteursil y a 2 ans
Emma French Tgirl : « J’ai envie de devenir la nouvelle pornstar trans française ! »
-
Actu/Newsil y a 2 ans
L’orgasme prostatique : mode d’emploi