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Hold Up 21 : haut les mots !
Holp Up 21 est le premier rendez-vous de vingt auteures venues d’horizons très différents, réunies pour célébrer le désir féminin, à travers des nouvelles érotiques qui renouvellent le genre, illustrées d’un parcours photographique de Abigaïl Audépin. Un voyage esthétique et sensuel, que nous présente l’auteure Chloé Saffy, l’une des braqueuses de ce recueil !
Chloé, pouvez-vous nous présenter le projet Hold-Up 21 ?
Il s’agit d’un recueil de nouvelles, dans un format beau-livre à l’italienne, dont la direction artistique (photographies, couverture, mise en page) a été confiée à la photographe Abigail Auperin, et publié chez Anne Carrière. Sur Hold-Up 21, la particularité tient dans ce format coffee table book, qui invite à tourner les pages d’abord distraitement, en se penchant sur la table du salon, avant de se laisser séduire, et s’enfoncer confortablement dans son fauteuil avec le livre sur les cuisses. Le format « recueil de nouvelles » permet une exploration au long cours, selon l’envie, en se laissant porter et sans la nécessité de lire du début à la fin : tout l’intérêt est de piocher, parfois au ressenti et à l’instinct, vers un texte qui nous accroche plus qu’un autre… Avant de découvrir ceux qui l’accompagnent.
Pourquoi ce titre : Hold Up 21 ?
C’est un titre pour raconter la volonté de « braquer » la littérature érotique et la sortir du ghetto dans lequel elle reste encagée aujourd’hui : celui des étagères planquées dans les librairies, voire inexistantes, ou écrasées au profit de rayons où la sexualité est présentée sous l’angle éducatif et pédagogique. Mais la fiction, la pure fiction érotique, surtout depuis le raz-de-marée de la new romance est méconnue, voire méprisée : la new romance est une littérature calibrée, qui répond à un cahier des charges dont on dévie rarement. J’ai écrit pour un magazine en ligne au début des années 2010, et j’en recevais énormément. Les schémas narratifs étaient très répétitifs, tout comme les personnages et les scènes de sexe, souvent assez peu détaillées et imaginatives… Les Trois Talents d’Emma Cavalier sorti entre 2017 et 2018 chez Hugo, est la seule trilogie new romance française qui contourne ces écueils et se permet de glisser au milieu d’une intrigue de comédie romantique, du shibari, des scènes uro, de la diversité ethnique et la question du consentement, tant du côté féminin que masculin. Comme quoi, jouer avec les codes reste possible, si on s’en donne les moyens et qu’on travaille sérieusement ! Il s’agit, avec Hold-up 21, de rendre à cette littérature la lumière et la flamboyance qu’elle mérite, en entrant avec fracas, mais tout en élégance, sur les tables des libraires… avant de rejoindre la table du salon !
Quelle est la fonction du parcours photographique qui accompagne les nouvelles ?
C’est une version théâtralisée de chaque texte, par la réinterprétation d’Abigail Auperin dont l’esthétique est très marquée par des cinéastes chantres du frame picture : ces plans si parfaitement composés qu’on désire les mettre sous cadre. On est dans l’outrance des poses, des costumes, parfois des décors et la fixation d’un instant t, souvent le moment de bascule du texte, qui n’est pas explicite, mais qui annonce l’explicite. On y cède au péché suprême en littérature, celui selon lequel les auteurs ne doivent être photographiés que dans des portraits sérieux, de la ligne claire bien peignée où rien ne doit dépasser. Là, c’est l’inverse : le curseur est poussé à fond dans la grandiloquence, la sophistication. L’auteur n’est plus un pur esprit, mais également un corps, un visage qui se prête à la vision de la photographe et joue avec les attentes du lecteur, qui ne sait plus s’il contemple l’auteur, ou le personnage créé par l’auteur.
Comment en êtes-vous venue à participer à ce projet ?
Stephen Carrière, à l’origine du projet et qui assure sa direction éditoriale, avait lu mon roman A fleur de chair publié chez La Musardine en 2021. C’est un thriller érotique qui raconte une passion BDSM très intense, où j’utilise la gradation érotique de ce type de relations comme un pur élément de suspens. Il avait beaucoup aimé le livre, non seulement pour sa structure narrative, mais parce qu’il y a trouvé une peinture du plaisir sans la culpabilisation, ni le jugement que l’on peut porter sur cette sexualité. Dans ce qui constitue son envie de réaliser ce qui est devenu Hold-Up 21, il y a notamment cette prise de conscience que la littérature érotique ne se cantonne pas à des classiques vieillissants quoiqu’importants, et qu’il existe la possibilité d’écrire un érotisme moderne, accessible, excitant, sans faire l’impasse sur l’exigence littéraire et narrative.
Comment les autrices ont-elles été sélectionnées ?
Certaines comme moi ont été contactées directement par Stephen Carrière, d’autres ont été cooptées par les premières qui ont été associées au projet. Chacune est arrivée avec son propre bagage littéraire et artistique, journalisme, théâtre, cinéma, photographie, danse, écriture romanesque, mais surtout sa sensibilité et son histoire personnelle pour nourrir son texte. Romy Alizée a choisi la montagne pour y incarner une narratrice seule dans les hauteurs qui rencontre une redoutable cowgirl, Alice Groult l’un des plus grands fantasmes féminins, un ménage à trois entre un couple gay qui intègre une jeune femme et se découvre bi à son contact…
La photographe, Abigaïl Aupérin, affirme que la littérature érotique revêt aujourd’hui des aspects politiques. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Virginie Bégaudeau, également au sommaire du livre, disait, et à raison, que la littérature érotique n’est pas un genre frivole, dans le sens où nous avons à cœur de l’écrire avec autant de sérieux et d’ambition que n’importe quel auteur de fiction. C’est une littérature de genre, avec ses codes, comme peut l’être la science-fiction ou le polar, mais qui perd régulièrement ses titres de noblesse, qu’il lui faut sans cesse reconquérir. Dans les années 1970, de nombreux éditeurs ont voulu leur collection érotique comme le rapporte Guillaume Falourd, en citant directement Jean-Jacques Pauvert dans sa présentation de la réédition du roman Les Dix Japonais de Léone Guerre. Certains éditeurs, comme Régine Deforges, Eric Losfeld et bien sûr Jean-Jacques Pauvert ont payé cher leur audace et se faisaient régulièrement interdire des ouvrages. Ces éditeurs se sont battus pour que ces livres existent, et maintenant beaucoup sont publiés dans des maisons tout à fait respectables (Histoire d’O chez Fayard en version illustrée, Le château de Cène chez Gallimard, Le con d’Irène au Mercure de France, jusqu’à Sade en Pléiade). Aujourd’hui, à moins de tomber sous le coup de la loi, peu de livres sont interdits, mais ils subissent une autre censure, celle des libraires : ce sont eux les prescripteurs, et très souvent avant les médias. Ce sont eux qu’il faut convaincre de créer des rayons pour la mettre en avant. Et c’est également la mission des lecteurs de réclamer ce rayon aux libraires, car plus on le fera, plus cela deviendra normal. Au cours des deux dernières années, j’ai eu l’occasion de faire des signatures chez des libraires qui ont fait le pari de créer un rayon de littérature érotique, et ils ont été les premiers surpris du succès croissant et de la demande grandissante des lecteurs. Et pour ceux qui veulent un choix conséquent et constamment renouvelé, La Musardine est la librairie-référence à Paris, tout comme La Mauvaise Réputation à Bordeaux ou Le Bal des Ardents à Lyon.
Vous a-t-on donné des contraintes particulières pour l’écriture des nouvelles ?
Tout d’abord, un nombre de signes imposé, assez conséquent pour développer une histoire qui se tienne sur le temps court de la nouvelle, assez restreint pour ne pas alourdir le récit. Dans mon cas, la consigne était claire, il m’a été demandé d’écrire sur le BDSM, ou a minima sur une dynamique domination/soumission, une thématique à laquelle je suis également revenue pour le recueil Immorales publié récemment chez La Musardine. Ce qui est intéressant, c’est que chaque nouvelle est marquée par le métier de celle qui l’a écrit : Nicole Mersey Ortega est comédienne et son texte est construit pour être porté à l’oral dans sa progression, c’est d’ailleurs celui qu’Alexandra Cismondi a choisi de monter en version théâtrale aux côtés de Laure Giappiconi. Olympe de Gê, qui est cinéaste, l’a bâti comme un scénario de film imaginaire. La palette de la fantasmatique est riche, y compris pour ceux qui pourraient sembler évidents mais qui ne sont pas si fréquemment abordés : le texte de Pauline Verduzier raconte, via une héroïne qui écrit des histoires pornographiques pour un magazine qui ressemble trait pour trait à Union, et confronte ses personnages débridés à sa réalité de femme monogame, heureuse et enceinte… Chaque nouvelle a son propre univers et sa propre charge érotique, où la secousse n’est pas toujours là où on l’attend.
Pourquoi la parole des femmes sur la sexualité est-elle tellement sollicitée aujourd’hui ?
De mon point de vue de lectrice enthousiaste de littérature érotique depuis mon adolescence, je pense que cette parole littéraire féminine a toujours été présente ; mais elle était plus en retrait, avec de temps à autre un épiphénomène qui émergeait et excitait les médias. Je pense au Lien de Vanessa Duriès, Le Boucher d’Alina Reyes, Putain de Nelly Arcan, Entre ses mains de Marthe Blau qui tous ont été des succès de librairie, mais des succès marginaux et liés au scandale, dont la dimension plaisir est pour certains de ses textes teintée de honte ou d’autopunition. Peut-être y a-t-il une curiosité pour la multiplicité de la sexualité féminine, mais surtout pour un imaginaire féminin qui soit exprimé librement, y compris les fantasmes qui ne s’embarrassent pas d’intellectualisation ou de bienséance. Et je crois beaucoup à l’importance de la fiction romanesque pour en explorer les replis les plus obscurs, comme les plus joyeux.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre nouvelle, Bonnes références exigées ?
Un jeune homme proche de la trentaine drague la narratrice via Fetlife, un réseau social BDSM/fétichiste très explicite. Bien qu’elle ait dix ans de plus que lui, il affirme avec toute l’assurance de sa jeunesse qu’il est parfaitement capable de la dominer, il a par ailleurs bien assimilé le jargon et les codes de cette sexualité et s’imagine qu’avec cela, il a toutes les cartes en main pour la séduire et la convaincre. Elle accepte de le rencontrer, mais c’est avant tout pour lui raconter une histoire qui lui est arrivée dix ans plus tôt… Et pour le confronter à ce qu’il croit maîtriser, par le biais de cette longue confidence aussi précise que troublante…
Hold -Up 21, collectif, sous la direction de Stephen Carrière, éd. Anne Carrière, 368 p., 39,90 €.
Les photos d’Abigaïl Auperin illustrant l’album sont exposées à la galerie SEE, 238 Rue Saint-Martin, Paris 3e, jusqu’au 31 décembre 2023.
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