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Bienvenue à l’X3, le salon du X de Los Angeles

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Avec l’X3, le porno s’expose en plein cœur d’Hollywood à l’initiative du magazine XBIZ. Mais du coup, il ressemble à quoi, ce salon du X de Los Angeles ? On en parle avec les participants…

C’est au Hollywood Palladium, Sunset Blvd., Los Angeles, que se tient cette année encore l’X3expo, rencontre californienne annuelle entre le X et son public organisée par le magazine XBIZ. La veille, se concluait la convention professionnelle du journal : trois jours intensifs de séminaires pointus entrecoupés de sessions speed-networking, de cocktail parties corporate et de soirées tièdes. Mention spéciale à la Wonderland Party, dont le dress-code messieurs : peignoirs, mesdames : lingerie, avait l’ambition fantasmagorique d’un vieux Playboy écorné. Toujours est-il qu’on foule aujourd’hui le plancher d’une élégante salle de concert au cœur d’Hollywood, aménagée pour l’occasion en parc des expositions et fièrement ouverte au public, de plus de 21 ans cela va de soi.

Enfin, “on foule”, plus facile à dire qu’à faire. Pour ma part, c’est un poil plus compliqué. Ne disposant pas d’une accréditation “presse” de niveau 12, je ne peux pas couvrir officiellement l’événement malgré mon pass au colloque b-to-b des jours précédents. Tant pis pour l’entrée des artistes, les backstages exclusifs et les scoops sensationnels. Après une promenade introspective sur Hollywood Boulevard, c’est donc armé d’ambition, de courage et d’un simple micro que je me faufile dans l’amphithéâtre, au côté des pornophiles de tous horizons. Après tout, a-t-on vraiment besoin d’un quelconque sésame protocolaire pour décrire l’X3, quand il suffit de demander à ceux qui la découvrent, qui la vivent et qui l’animent de la raconter ? C’est parti pour la pêche aux impressions !

Je suis Paul Maginn, professeur de géographie à l’Université d’Australie Occidentale, à Perth. Je travaille sur la géographie et la régulation de l’industrie du sexe. Je touche à tout, des sex-shops au divertissement pour adultes en ligne.

Rock’n’roll, baby !

Pour ma première prise, je triche un peu. Paul est une sommité parmi les universitaires qui fréquentent les salons du X américain, tenant régulièrement conférence lors des conventions. Sa dégaine de rocker, son accent irlandais (il est originaire de Belfast) et sa bonhomie en font un impayable camarade de virée, tout aussi dépaysé que moi en terre américaine. Rencontré à Vegas il y a quelques années, je le croisais par hasard à la fameuse pyjama party, en blouson-ceinturon-santiags comme à son habitude. Autant dire que je connais l’animal et l’intercepte aisément au milieu de la foule. 

Paul Maginn : “Je m’intéresse beaucoup à l’étude de ces expos en tant que sites de loisir sexuel et de tourisme sexuel ; à ce que ces endroits représentent pour les fans et pour les performeurs.

Amateur d’architecture et de musique live, il ne manque pas de souligner l’élégance vintage du Hollywood Palladium. Il attribue à la salle de spectacle une certaine party vibe, ce mélange d’excitation et de communion que l’on ressent au cœur de la fosse lors d’un concert. 

P.M. : “L’ambiance entre fans et performeurs est très détendue, et il y a beaucoup d’interactions entre eux. Je pense que pour les performeurs, les studios et les différents créateurs de contenu, il s’agit avant tout de mettre en scène un spectacle pour les fans. On remarque beaucoup de performance dans les échanges entre les performeurs et les fans : des jeux, des interviews, des concours, sur la scène mais aussi sur les stands.

Cette dimension performative s’illustre parfaitement sur le stand d’Adult Empire, mastodonte de la VOD pornographique payante sur Internet, idéalement placé à l’entrée du salon. Il comprend un mur semi-circulaire de téléviseurs cathodiques diffusant la bande-annonce délicieusement rétro d’une toute nouvelle production, au centre duquel trône un siège de velours rouge sur lequel les modèles se relaient pour prendre la pose.

“The show must go on…”

Ryan Wayne : “Nous avons conçu ce stand avec ce mur de télévisions aux séquences vintage comme un appel à la nostalgie de nos fans, qui ont grandi avec le DVD et la VHS.

Une vieille complicité, c’est ainsi que Ryan Wayne, directeur de l’affiliation de l’entreprise, décrit le rapport de la marque avec son public. Mais bien qu’efficace sur ce plan, la raison stratégique de sa présence ici ne saurait se résumer à la promotion de sa marque auprès des visiteurs. Qui dit affiliation dit partenaires commerciaux, et l’X3 en regorge. 

R.W. : “Sur le salon, nous venons pour le côté business, pour découvrir et rencontrer tous ces créateurs de contenu qu’on voit ici et les aider à développer leur business, à développer leur audience en partageant notre audience avec eux.

Les third parties, ces plateformes de distribution tierces, qu’elles soient gratuites ou payantes, donnent en effet le la de l’industrie en agglomérant le trafic. Les salons tels que l’X3 sont donc de hauts lieux de synergie avec les modèles et créateurs, icônes de la profession, pourvoyeurs eux de renommée. S’assurer leur sympathie s’avère crucial, ce que la cam-model et porn performeuse Hime Marie confirme sur le stand de webcam adjacent.

Hime Marie

Hime Marie : “J’aime travailler sur le booth de Chaturbate. Je suis avec eux depuis que j’ai commencé et ils me traitent vraiment bien.

En plein streaming sur sa plateforme de cœur, nous abordons opportunément les règles à observer lors d’une émission en direct pendant un événement comme celui-ci. D’abord, pas de full frontal nudity. On peut porter des pasties (ces autocollants destinés à cacher les tétons, voire le reste), mais hors de questions de révéler la peau nue des parties génitales. Évidemment pas d’actes sexuels, qu’ils soient réels ou simulés. Et pas sûr qu’on puisse fellate des objets non plus. Rien de franchement cochon donc. La loi américaine est assez tatillonne concernant l’exhibition publique. Et pourtant…

H.M. : “Oui, streamer depuis le salon peut être assez rentable. Le spectateur aime voir ce qu’il s’y passe. C’est très inhabituel de voir un stream adulte comme celui-là. Il y a plein de monde, plein de choses arrivent au même moment. 

Entre l’animation permanente des filles qui flirtent avec l’interdit, les cross-overs avec les voisines de comptoir et l’identification aux autres fans qui viennent étreindre leur idole, on comprend aisément l’engouement des visiteurs réels ou virtuels de l’événement. Et Hime de rappeler l’étiquette à observer sur les lieux de l’événement : toujours s’enquérir du consentement des modèles pour les toucher ou les prendre en photo.

En effet, ça ne coûte pas plus cher de s’introduire poliment avant toute interaction. Les filles ne mordent pas. Au contraire même, aux dires de Cactus, un visiteur joyeux au look improbable, elles sont même très sympas.

Cactus : “Je suis juste venu pour m’éclater. J’étais jamais venu à l’un de ces trucs. Ça avait l’air d’être un bon plan. Je passe définitivement un super moment. J’ai rencontré toutes ces stars, elles sont toutes fantastiques. Je les avais vues sur Internet avant, mais jamais en personne. Super ! Elles sont toutes très gentilles, très positives. Tout le monde est détente.

Plus tard, Mauricio, qui se définit lui-même comme un amateur de toutes les formes artistiques du porno, abonde en son sens. Accompagné d’une amie plutôt étrangère à ce milieu, il fête justement son anniversaire ce jour-là. 

Happy birthday to you…

Mauricio  : “Je suis venu tout particulièrement pour Lily Lou. J’ai fait la queue, pris plusieurs photos. Elle était très gentille. Mais je voulais encore quelques photos, alors je suis revenu avec mon Polaroïd. J’ai attendu encore 30-40 minutes dans la file pour la rencontrer à nouveau et prendre les clichés, mais j’ai eu un petit problème technique. Elle a eu la gentillesse d’attendre avec moi, sans me presser, et de les signer après. C’est vraiment quelqu’un de bien, aimable au-delà de tout ce que je pouvais espérer.

Franchement, je me suis beaucoup amusé. Honnêtement, ce matin, c’était un peu raide. Un pneu crevé, je suis arrivé ici en retard. Mais être là avec mon amie, la voir s’amuser aussi… Elle est un peu mal à l’aise avec le contenu adulte, mais c’est agréable d’être avec quelqu’un qui comprend que je suis là en tant que fan, que c’est quelque chose que j’aime. C’est un bon anniversaire, et je sais que ce n’est pas encore fini.

« J’aime venir à l’X3 pour voir les amis qui habitent loin, rencontrer mes fans et interagir avec toute la communauté. » – Lexi Lore

Lexi Lore, Lana Ryder, Chloe Wildd… De leur côté, les modèles interrogées sont unanimes. Si elles sont là, c’est certes pour voir les copains et nouer des collaborations, mais aussi pour rencontrer leur public. Rendez-vous compte. Des dizaines, voire des centaines de personnes sont venues parfois de très loin pour partager un tout petit moment avec elles, leur témoigner leur admiration et leur offrir des cadeaux. Quelle consécration ! Aussi mettent-elles un point d’honneur à assouvir l’insatiable appétit de souvenirs de leur communauté enfin incarnée. Des câlins amicaux, des photos provocantes, des posters signés, des stickers à leur effigie…

Chloé Wildd, bientôt lauréate du trophée de la meilleure cam girl : “Être nominée représente beaucoup à mes yeux. Je suis très heureuse d’être reconnue pour ce que je fais, de voir mes efforts révélés et salués. J’espère beaucoup gagner.”

Vicky Vett : “Je vends mes T-shirts, ma bouche, mon “VGG”, mon cul… Je vends mon “tout-ce-que-tu-veux”, des posters, des casquettes… 

En authentique vétérane de l’industrie – elle a débuté sa carrière il y a 21 ans, à 38 ans- , la très affable Vicky Vett m’énumère avec gourmandise l’invraisemblable catalogue de merchandising qu’elle a amené sur le salon à destination des vrais collectionneurs.

V. V. : “Ce sont des gens que je connais depuis des années et des années. Certains de mes fans ont rejoint mon site en 2003-2004. J’en ai vu un paquet hier, et je mange avec d’autres ce soir. La récompense, c’est quand les fans deviennent des amis. Nous sommes un petit groupe très soudé.

Vicky Vett, “Je gère 40 sites web, y compris le mien. Et maintenant que le monde est devenu” OnlyFans-crazy”, bien sûr, j’ai ouvert un compte et je m’occupe des comptes de quelques filles. J’ai aussi, LoyalFans, SextPanther, Clips4Sale, ManyVids… Tu sais, moi, je fais tout !”

C’est justement pour vivre sa meilleure vie que, lassée de son quotidien de comptable, Slicky Vicky s’est lancée dans le métier. Et aujourd’hui, tirée à quatre épingle dans son affolant costume de majorette, elle profite à fond du moment, complètement hermétique aux enjeux de la remise de prix à venir, les XBIZ Awards. Elle n’était nommée seulement qu’aux récompenses corporate de la convention pro et se rendra donc à la cérémonie de demain pour soutenir ses collègues. Sans la moindre rivalité ?

V.V. : “Non, pour moi non. Internet est très grand. Il y a assez d’hommes et de femmes à se partager. Il n’y aucune raison de se bagarrer. Vraiment, le monde nous déteste, nos gouvernements essaient de fermer la boutique, la droite chrétienne aussi. Nous avons beaucoup d’adversaires. Nous avons besoin de nous aimer et de prendre soin les uns des autres.

Tiger Lilly. “Je chope la grippe des XBIZ tous les ans. Je pense que c’est quelque chose qu’on finit par accepter et ceux qui ne sont pas prêts à l’attraper renoncent à venir.”

Un peu plus loin, Tiger Lilly, charmante performeuse couverte de tatouage, nuance. Face au stigmate pornographique que la société projette sur eux, ces moments de liesse et de reconnaissance parmi ses pairs sont essentiels.

J’aurais simplement aimé qu’ils envoient un mail pour nous faire savoir qu’on était sélectionnés. Je ne pensais pas l’être jusqu’à ce qu’hier, quelqu’un me dise que j’étais nominée. Je n’en avais aucune idée. Reste plus qu’à savoir pour quoi. Ha ha !

Zariah Aura, “L’X3, un safe space ? Oh, oui. Tout le monde est super chouette. C’est ma deuxième année, et ça s’est très bien passé.”

Pour d’autres comme Zariah Aura, ambassadrice du studio Grooby nommée dans 6 catégories et notamment en tant que Best New Performer parmi les talents cisgenres, une telle marque d’estime serait en outre la célébration de sa différence.

Zariah Aura : “Ce serait tout pour moi. Particulièrement en tant que seule femme trans nominée dans la catégorie. Ça vaudrait tout l’or du monde de recevoir le prix au nom de notre communauté. 

Benefit Monkey : “Je viens faire de la pub. Je vais parler à autant de créateurs, autant d’agences que possible. Je suis là pour me faire un nom.”

Enfin, il y a les terre-à-terre. Alex, producteur à tête de singe de Benefit Monkey, a vu son studio Lezkey nominé au titre du meilleur site lesbien. Mais il a moins songé à son discours de remerciement qu’à ses chances de voir son nom déballé demain soir d’une petite enveloppe.

Alex : “Oh, je ne vais pas gagner. Ha ha. Je suis trop nouveau. Je serais très heureux que ça arrive. Ce serait une surprise. Mais c’est la première nomination de ce site. Il est en ligne depuis décembre 2022. Ce n’est vraiment pas possible. J’ai des concurrents vraiment balèzes. C’est très difficile de l’emporter.

Jessica, BranditScan : “Mon but, c’est de faire comprendre aux modèles que beaucoup de personnes peuvent voler leur contenu et qu’une compagnie comme BranditScan existe et qu’on est là pour les protéger. Sans eux, on n’existe pas.”

Pour conclure, je retrouve Jessica, vice-présidente de BranditScan, dont le stand fait face à la scène qui, demain, portera aux nues les lauréats.

Jessica : “La cérémonie de demain, c’est vraiment la célébration de tout le travail que les modèles ont accompli en 2023. Chaque mois, chaque semaine, les modèles bossent, elles font des contenus, du marketing. Elles travaillent très dur, et c’est vraiment l’événement où l’on peut prendre le temps de se relaxer et saluer tout ce travail. Je suis très, très contente pour demain.

Son entreprise s’occupe de protéger la propriété intellectuelle de ses abonnés (en appliquant le Digital Millenium Copyright Act). Plus qu’un argument marketing, chez elle le care, c’est une vocation. Et elle a aménagé l’espace dédié à sa marque en conséquence. 

Jessica : “Il y a toujours un retour. À la fin de la journée, même pour donner aux modèles un espace confortable. Imaginons que tu es un performeur qui vient d’Europe. Tu viens en Amérique pour la première fois à LA. Ça peut être beaucoup pour ton mental. Ce que BranditScan veut donner, c’est un espace pour se détendre. On te donne de l’eau, du soda, des snacks. Le but, c’est de faire redescendre la pression. Pour nous le retour, c’est juste des modèles qui se retrouvent dans un coin confortable, ici avec nous. C’est tout ce qu’on souhaite.

Force est d’admettre que cette parenthèse décontractée a quelque chose de salvateur. Je commençais à traîner la patte. Moi qui pensais boucler ça en vitesse, voilà maintenant 6 heures que j’explore la convention d’un booth à l’autre pour collecter des témoignages. Mon objectif atteint, je m’accorde donc une pause amplement méritée et laisse le mot de la fin à ma dernière interlocutrice qui, Canadienne, a le bon goût de me répondre dans un français nappé de son accent délicieux.

Jessica : “Il n’y a pas une personne ici qui ne mesure précisément la charge de travail induite par ce genre d’événements, mais vu qu’on travaille dur, qu’on fait beaucoup de promotion, on fait en réalité de grands investissements sur nous-mêmes, dans nos combats, et ça, ça en vaut la peine.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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