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Marc Dannam : « s’il y a un domaine où il faut nous lâcher la grappe, c’est bien la sexualité ! »

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Nous avons rencontré le très prolifique Marc Dannam, auteur de dizaines de guides sexo, et fondateur de la mythique collection « Osez ». Dans son dernier livre, Slow Kama Sutra, illustré avec style par Inès Allahverdian, il envisage une sexualité débarrassée de toute injonction à la performance.

Quand j’ai reçu votre livre, je me suis dit : « encore un autre Kama Sutra » ! Quelle est la spécificité de celui-ci ? 

D’abord, ce n’en est pas vraiment un. C’est une réflexion sur notre manière de considérer la sexualité. C’est aussi une manière de constater à quel point les idées de compétition, de performance, d’excellence, qui se sont immiscées de façon très insidieuse dans nos sexualités, peuvent nous nuire. Or, nous pouvons réagir, en choisissant la voie simple du plaisir, et de la communication dans le couple. Nous sommes passés de la découverte de certains plaisirs à un discours qui relève de la compétition.

Pour faire référence à la collection Osez, nous sommes passés d’Osez la fellation il y a vingt, à « Osez la bonne fellation ! » J’ai vu récemment le spectacle de Rosa Bursztein, dans un de ses sketches, ou elle se met dans la peau d’une fille qui râle parce que son copain lui a fait un cunni qui ne durait que trente secondes ! Même quand la presse féminine consacre des sujets à la fellation ou à la sodomie, on retrouve toujours l’idée d’excellence ! Le « slow » dans le titre de mon livre, est l’antonyme de cette idée de performance, qui n’a rien à faire sous la couette ! 

Vous remettez en cause toutes les injonctions de performance liées à la sexualité…

Oui, s’il y a un domaine où il faut nous lâcher la grappe, c’est bien la sexualité ! Aujourd’hui, la sexualité est sortie de la sphère privée. Avec les réseaux sociaux, les gens se sont exposés, et on a perdu peu à peu cette notion d’intimité. La multiplication des partenaires et le bavardage, ont fait que la sexualité a cessé d’être quelque chose de strictement privé. Et en s’exposant, on s’expose aux injonctions : tu fais mieux, tu fais moins bien, tu fais ceci, cela… Mon livre n’est pas une thèse ou un manifeste, c’est juste une injonction à refuser toutes les injonctions ! Quand je vois les ouvrages sur la sexualité qui sortent aujourd’hui, je me rends compte que même ceux qui se veulent les plus bienveillants, les plus ouverts à toutes les différences, tombent dans ce piège…  

Marc Dannam

Comment voyez-vous évoluer la sexualité aujourd’hui ? 

Je trouve très inquiétant le nombre croissant de gens qui se disent asexuels ou aromantiques. C’est vraiment quelque chose qu’il va falloir analyser sérieusement. Les causes sont plus profondes et plus dramatiques qu’on le pense. C’est un vrai problème de société.

Votre livre, c’est une sorte de Kama Sutra paresseux ? 

Pas uniquement, sauf si c’est une paresse créative. C’est plutôt un Kama Sutra de la reprise en compte de ses propres rythmes. Je me souviens d’une chronique de Maïa Mazaurette, qui raconte qu’elle a cherché des vidéos montrant des « sodomies slow »… Et elle n’a jamais trouvé ! « Sodomie » et « slow » apparaissent selon elle comme antagonistes dans l’univers du porno ! 

On retrouve dans votre livre des termes à la mode : inclusion, bienveillance, consentement…

Alors là, je m’inscris en faux ! Ces mots constituaient l’ADN de la collection « Osez », dès le début ! Sa devise était : « libertaire, libertine et féministe ». Une grande partie de ce qui est dans l’air du temps correspond à ce que l’on faisait déjà à l’époque, il y a vingt ans. 

Le Slow Kama Sutra, c’est une réhabilitation des plaisirs simples ? 

Oui, je veux redonner leurs lettres de noblesse à des pratiques qui peuvent paraitre ennuyeuses, mais qui ne le sont, en fait, que si on les réalise sans imagination. Peut-être que mon âge y est pour quelque chose… 

Oui, mais pourtant, l’illustratrice de votre livre est très jeune ! 

Oui, elle a vingt-cinq ans ! 

Pouvez-vous nous la présenter ?

Elle s’appelle Inès Allahverdian, et elle a une caractéristique qui me va droit au cœur : elle est à la fois dessinatrice et modèle nue ! Son compagnon fait des bandes dessinées historiques, et elle en est le modèle principal. 

Inès Allahverdian

Pourquoi l’avoir choisie ? 

Mon livre n’est pas, contrairement à ce que pourrait suggérer son titre, un livre de positions, mais un livre de propositions. Je souhaitais quelqu’un qui sache dessiner la proposition, et qui y apporte un climat. Je voulais qu’elle montre l’indolence, le relâchement, l’affection, qu’elle sache dessiner ce petit moment suspendu. 

Vous mettez à l’honneur, dans votre livre, la sexualité sans pénétration. C’est une façon d’en finir avec le mythe de l’orgasme vaginal ? 

Ce n’est pas seulement un mythe, c’est un énorme mensonge ! Vous et moi avons vécu l’apparition de la connaissance réelle du clitoris. Ce fut quand même une révolution. Et puis, enlever la primauté de la pénétration, c’est aussi insister sur le fait qu’il y a mille autres possibilités. Notre descendance, si nous en avons une, vous découvrir des choses dont nous n’avons même pas idée ! 

Laisser de côté la pénétration, c’est aussi une façon de libérer l’homme… 

Oui, absolument ! Dire à un homme qu’avoir une panne d’érection, ce n’est pas dramatique, ce sera d’ailleurs un chapitre d’un prochain livre : un Kama Sutra pour les seniors ! En plus, à soixante-huit ans, j’ai l’âge du rôle ! ! 

Vous êtes toujours aussi prolifique ! Avez-vous un autre livre à paraître, prochainement ? 

Oui, dans quelques semaines : il s’appellera Le dictionnaire des nouveaux mots du sexe, aux éditions Artémis. C’est une compilation de tous les mots liés à la sexualité, apparus depuis le début des années 2000. On y retrouve le vocabulaire du genre, de la pornographie, de la drague sur Internet, et aussi des mots anciens dont la signification a changé… Je vais aussi essayer de relancer la collection Osez, sur d’autres bases. Je suis en pleine réflexion à ce sujet…

Est-ce qu’il vous reste encore des choses à apprendre sur la sexualité ? 

Bien sûr, heureusement ! Je compte me servir de mon prochain livre sur la sexualité des seniors pour rencontrer des gens qui vont m’apprendre de choses sur moi-même, aussi ! De même que j’ai appris beaucoup de choses en écrivant mon dictionnaire : sur l’étymologie, sur l’apparition de certains concepts, sur le fait que de nombreuses considérations anglo-saxonnes sur la sexualité peuvent être très différentes des nôtres. L’évolution du vocabulaire recoupe aujourd’hui des réalités inconcevables il y a vingt ans : les applis de rencontre, la pornographie sur les tubes, la diversification des pratiques sexuelles… En tout cas, j’ai toujours envie d’apprendre, et d’expérimenter.

Marc Dannam, Slow Kama Sutra, éd. La Musardine, 120 p., 18 €. 

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