Bio/Milieu du X
Carnets de Root

A travers son roman Le Pornographe et le gourou, le réalisateur John B Root met à jour les raisons qui l’ont conduit à se lancer dans le X. Rencontre avec un réalisateur féru de spiritualité, et désormais délivré du personnage qu’il s’est construit à travers le porno. Inlassablement, il continue à défendre sa vision artistique, personnelle et exigeante.
Propos recueillis par Pierre Des Esseintes
La Voix du X : Mêmes fragilités, mêmes fêlures, même itinéraire dans le porno… le personnage principal de votre roman, Valentin, vous ressemble beaucoup. C’est vous ?
John B. Root : A 50 % seulement. Au début, j’avais écrit un texte totalement autobiographique. J’y parlais de ma mère, de ma psychanalyse, etc. Je me suis dit : je ne publierai jamais ça, c’est absolument indigeste, il n’y a ni recul, ni humour. J’ai détruit ce manuscrit, mais j’ai gardé une base qui m’a servi à construire le personnage de Valentin. Il est plus dingue que moi, mais aussi plus drôle et plus naïf. A la manière d’un entomologiste, je me suis amusé à le mettre dans une boîte, et à le faire souffrir pour observer ses réactions.
J’ai l’impression que tout au long du livre, vous essayez de répondre à la question : pourquoi devient-on pornographe ?
Bien sûr ! C’est la seule question intéressante, d’un point de vue littéraire et cinématographique. La question du comment, dans le porno, est sans intérêt. J’imagine que mon livre aurait plus de succès s’il était un recueil de souvenirs grivois sur mon métier. Les gens attendaient sûrement ça. Moi je m’en fous. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui se passe dans la tête d’un pornographe.
A la lecture de votre livre, on a le sentiment que, si vous n’aviez pas travaillé dans le porno, vous auriez pu devenir mystique…
Oui, je suis fasciné par le mysticisme, la spiritualité, la pleine conscience. Je trouve très plaisante la vision de l’univers qui va avec.
Existe-t-il une dualité, pour vous, entre le mysticisme et la pornographie ?
Il n’y a pas de dualité. Aujourd’hui, j’ai bien simplifié le débat. Pendant des années, je n’étais que John B Root. Je n’étais plus du tout Jean Guilloré (son vrai nom, NDLR). Comme Valentin, je baisais les actrices, j’étais totalement immergé dans l’univers de B. Root. J’en suis sorti, j’ai grandi. J’ai 57 balais maintenant. La pornographie est mon métier. Quand la caméra est posée, que les ordis sont éteints, je redeviens Jean Guilloré. Chaque matin, Jean Guilloré se réveille, médite, va promener son chien, et travaille avec des filles à poil. Mais il ne vit plus avec des actrices ! Cette époque là est révolue. Il est essentiel de faire la part des choses, sinon on ne sort pas de la gueule du volcan. À une époque de ma vie, je me suis senti malheureux, perdu. Le porno a été pour moi une aventure tellement intense que je n’avais plus une minute pour penser à moi. Je vivais pour mes films, avec mes actrices. Puis, les choses se sont calmées du fait de l’évolution du métier, et je me suis retrouvé avec beaucoup moins d’activité, et plus de temps pour penser. Je me suis aperçu que je n’étais plus personne. Avant d’être John B. Root, j’étais un écrivain pour la jeunesse, un mec qui avait de l’imagination, qui faisait des documentaires pour la télé, qui avait une vie sentimentale, etc. Quand John B. Root a commencé à prendre moins de place, à cause de la crise qui arrivait dans le métier, je me suis aperçu que je n’étais plus rien du tout. Je n’avais plus aucune créativité. J’ai entamé une psychanalyse, pour essayer de comprendre. Ensuite, j’ai fait de l’hypnothérapie. Puis, j’ai rencontré une femme extrêmement puissante, magnétiseuse, mystique, sorcière. Une femme très étrange, qui parle avec les morts… Elle m’a demandé de lire Le pouvoir du moment présent, de Eckhart Tolle, et Aimer Vivre, de Osho. J’ai tout de suite adoré. J’ai compris que la psychanalyse était déresponsabilisante. Si nous sommes malheureux, c’est que nous avons décidé de l’être. A nous de faire le ménage. Quand on fait de la méditation, on le sait. On n’est que ce que l’on veut être. Moi, maintenant, je me lève le matin, je respire, et je me dis : «si cette journée n’est pas bonne, c’est moi qui l’aurait décidé.»
Dans le roman, Valentin est devenu pornographe à cause de sa mère. C’est la même chose pour vous ?
Oui, j’ai fait du porno parce que c’était le seul domaine où je ne trompais pas ma mère.
Il y a, dans le roman, un passage particulièrement poignant : quand Valentin emmène sa petite amie en voyage, dans un lieu sublime, en Égypte, près des Colosses de Memnon. Mais ce voyage est un fiasco parce que Valentin ne bande pas…
Oui, cette malédiction de la panne d’érection que l’adolescent ne peut comprendre, c’est aussi cela qui m’a poussé vers le porno. Je divinisais les femmes, et j’en avais peur. Dans le porno, les femmes ne sont pas des femmes. Ce sont des objets, ou, dans le meilleur des cas, des collègues de travail. Moi, avec les femmes, j’ai été un collectionneur de papillons. Je les filmais, et je les épinglais dans ma collection. Quelle étrange façon de considérer les rapports humains ! Je me réfugiais dans un monde d’apparences. Je confondais l’amour avec le sexe, et le sexe avec l’image du sexe. Cela vient du rapport cannibale que ma mère a eu avec moi. Je n’avais le droit d’aimer que ma mère. Elle a été très contente quand je suis devenu pornographe. Je baisais toutes les femmes et n’en aimais aucune. C’était très rassurant pour elle !
Dans votre premier livre, Porno Blues, vous défendiez l’idée que le porno pouvait être considéré comme de l’art. Dans Le pornographe et le gourou, on a l’impression que vous n’y croyez plus.
Si, je continue à essayer de faire des films formellement intéressants, et je crois toujours à la beauté de la pornographie. Hélas, je me trouve aujourd’hui dans un marché qui ne croit plus qu’à un porno purement masturbatoire et mercantile. Le marché a pris la direction des tubes, de la webcam, ou de l’amateur. Je me sens comme un dinosaure. Je n’ai pas encore réussi à faire le film qui apporterait la preuve que la pornographie, c’est du cinéma. Mais à chaque fois que je réalise un film, j’essaie de montrer que la pornographie peut être belle. Il s’agit quand même l’art de filmer l’une des activités humaines les plus bouleversantes.
J’ai souligné ce passage dans votre livre, page 88 : «…(Valentin) devint dur et lisse comme un os de seiche, animé par une foi est un enthousiasme de façade mais, au fond, profondément seul et malheureux. Un créateur aveugle, vaniteux, autiste et véhément, orgueilleusement arc bouté sur ce mensonge salvateur : “le sexe peut être de l’art, je suis un artiste et je vais vous le prouver.” Sa folie ne connut plus de freins. » C’est vous qui parlez ? Vous voulez dire que la pornographie est une illusion ?
Cela correspond au moment où j’étais John B. Root. Ça m’évitait de souffrir, de me poser des questions. Aujourd’hui, pour me sentir exister, j’ai besoin de continuer à faire de la pornographie, mais en essayant d’être le meilleur artisan possible. Mais c’est vrai que pour moi, le mot art ne correspond plus à grand-chose.
J’ai lu un article du Monde, qui vous définit comme un « seigneur déchu du hard ». Quand pensez-vous ?
La journaliste ne voulait dire que des choses gentilles sur moi, mais la rédaction du Monde a voulu faire une accroche percutante ! « Seigneur déchu », l’expression est un peu grandiloquente… Mais une chose est sûre : j’ai toujours du mal à payer mon loyer ! Je n’ai jamais eu le sens du commerce. Néanmoins, au contraire de mon héros Valentin, j’ai survécu à la crise. J’ai sauvé ma boîte, et je rame toujours… J’ai encore mon site Internet, mon magazine, mes films Canal+, etc.
Vous regrettez que le porno soit devenu un produit de consommation ?
Je me souviens des films de Kikoïne, de Tranbaree, de Leroi… c’était aussi du cinoche ! Ça avait de l’humour, de la classe ! Le porno a perdu cette fonction narrative, joyeuse, il est devenu un pur produit de masturbation rapide, sans aucun souci formel. Moi, quand je me branle, j’aime bien ne pas être pris pour un con. Le porno fast-food, ça me dérange.
Dans votre livre, vous évoquez une production nommée « Josiane et Maurice ». On comprend que c’est une référence à Jacquie et Michel. Qu’est-ce que vous pensez de ce type de porno ?
Je n’en pense rien. Je suis très admiratif du sens commercial de Michel, et de sa réussite. Mais ce n’est pas mon univers.
Qu’est-ce que vous aimez dans le porno actuel ?
Aux Etats-Unis, j’admire le travail de Kink. C’est un porno extrême, mais parfaitement réalisé, avec un grand souci du détail. J’aime aussi beaucoup ce que fait Roy Stuart. Il a un vrai regard artistique, qui change vraiment la donne.
Quand on dit que la pornographie est misogyne, que répondez vous ?
Soyons clairs : il n’y a rien de moins misogyne que mes tournages porno. La fille est au centre, elle est consentante, et si elle décide de ne plus l’être, le tournage est interrompu. Pour moi, la pornographie est une gynarchie. Ce sont les femmes qui ont le pouvoir. D’ailleurs, elles sont mieux payées que les hommes.
Dans la pornographie que vous défendez, l’homme est au service du plaisir de la femme ?
Exactement. Dans mes productions vous n’entendrez jamais un homme dire à une femme : «viens par ici que je te baise !» Chez moi, la femme est toujours à l’origine de l’acte. C’est une règle que je me suis fixée quand j’ai commencé dans la pornographie. Évidemment, dans 80 % de la production pornographique, ce n’est pas le cas. C’est plutôt la femme qui est au service du plaisir de l’homme. La fille est une gourde, et plus elle est gourde, plus la scène va marcher. Ça rassure les hommes sur leur virilité. Un type qui n’oserait pas aborder une fille dans la rue va demander au porno de le venger de sa frustration. Ce qu’il aimera dans le porno, ce sera une très belle fille qui se fait enculer, en se faisant traiter de connasse.
L’avenir du porno, vous le voyez comment ?
En ce moment, la webcam me fascine. C’est le contact direct, sans mise en scène, entre deux personnes. L’une est dans son bureau, la bite à la main, l’autre est dans sa chambre à Saint-Pétersbourg. On fabrique soi-même son porno de façon instantanée. Le cam to cam propose une autre façon de consommer de l’image pornographique. Le succès est colossal. Des millions de personnes font de la webcam tous les jours, des deux côtés de la caméra. Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus novateur. J’ai d’ailleurs fait un film là-dessus, qui s’appelle Des filles libres. Quand à l’avenir de la pornographie, maintenant que les tubes ont racheté toutes les productions, je le vois plutôt mal barré. Cette industrie a définitivement mis de côté toute prétention artistique. Résultat : on a l’impression de voir toujours la même vidéo.
Selon vous, il serait impossible de relancer le porno aujourd’hui ?
Depuis les années 70, le porno a montré la voie. Il a montré que l’on pouvait filmer la sexualité. Quand on voit les films de Gaspar Noé ou d’Abdellatif Kechiche, on se rend compte de l’évolution. Il y a une banalisation de la chose sexuelle filmée. Le porno, de ce point de vue-là, a peut-être dit tout ce qu’il avait à dire. Mais pas les autres arts. Je connais des gens dans la peinture, la sculpture, la littérature, au cinéma et à la télévision, qui ont envie de parler de sexualité. Demain, il sera sans doute question de sexualité dans toute production, sans que ce soit forcément masturbatoire.
Dans votre livre, on trouve également cette idée que le porno est garant de l’ordre social…
Oui, il aurait été interdit depuis longtemps s’il n’avait pas cette fonction cathartique. Le type qui vient de se masturber ne va pas faire la révolution. A l’inverse, la frustration sexuelle fabrique des djihadistes.
Vous aavez fait tourner Electre dans sa première scène. Elle a donné une interview polémique pour La Voix du X. Vous avez été surpris quand vous avez appris ses convictions politiques ?
C’est vrai que quand j’ai vu une croix celtique tatouée sur son pubis, j’ai trouvé ça un peu étrange ! Mais ce qui m’a surtout marqué, c’est l’intensité extraordinaire de sa scène avec Titof. Electre est d’une beauté parfaite, sculpturale.
Quelle est votre dernière production ?
Mon dernier film s’appelle Equinoxe. Canal+ m’a demandé un film tendre, sentimental. Je suis content du résultat. Le film est plein d’humour. En plus, nous avons tourné dans un décor idyllique, au cœur d’un domaine viticole, entre Béziers et Faugères. J’ai fait revenir Francesco Malcolm, Titof, qui ne tournait plus. Et j’ai donné à Christophe Bier le premier rôle sexuel de sa vie ! C’est l’histoire de trois quadras qui, une nuit d’équinoxe, se disent : « à partir de maintenant les nuits vont rallonger, et les jours vont raccourcir. C’est une métaphore de nos vies. Il serait temps de tomber amoureux et de manger les fruits mûrs ! » Par chance, ils sont cernés par de très jeunes filles (Luna rival et Angela Kiss ont 19 ans, mais en paraissent 16) ! Du point de vue des pratiques, j’ai voulu sortir des codes d’une sexualité « classique ». Christophe Bier se fait éjaculer dans la bouche par Luna Rival, Nikita Bellucci encule un mec pendant qu’elle se fait enculer… Ça me rappelle un dialogue dans un film que j’ai fait il y a 15 ans, XYZ. Ovidie disait à Ksandra : «tu sais, les chattes, les bites, tant qu’il y a du plaisir, je m’en fous… » !
John B. Root, Le pornographe et le gourou, éd. Blanche, 160 p., 16 €.
Le dernier film de John B. Root, Equinoxe, sera diffusé cette année sur Canal Plus. Très prochainement, la chaîne cryptée diffusera également un documentaire intitulé : Des filles et du X, dans lequel des femmes évoquent leur rapport au porno, illustré par des extraits de tous les films de JBR. Une sorte de best-of de 20 ans de carrière !
Le site payant : explicite-art.com
Le site gratuit : explicite.com
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