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La « réinsertion » impossible des actrices pornos ?

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Rachel Marie Oberlin est une jeune Américaine de 26 ans, sans emploi depuis un an. Aucun employeur ne souhaite l’embaucher, fut-ce pour un petit job, et nombre de ses relations se sont détournées d’elle. Sa faute ? Avoir mené une carrière d’actrice porno depuis l’âge de 19 ans, sous le pseudo de Bree Olson. Des dizaines de ses scènes X continuent de se balader sur Internet, et il lui est bien sûr impossible de les faire disparaître. Pourtant, elle souhaite aujourd’hui tourner la page et changer de vie pour revenir à des activités plus respectables, mais il semble que la société ne l’entende pas de cette oreille : pour l’individu lambda, une actrice X reste en effet estampillée « salope » à vie, même si elle n’a tourné que quelques malheureuses scènes.

Salope un jour, salope toujours !

Rachel a donc choisi d’attirer l’attention sur le problème de la « réinsertion » professionnelle et sociale des ex-actrices porno en diffusant une vidéo via le site Real Women Real Stories (voir en fin d’article). Son message est simple : « Les filles, ne vous lancez jamais dans le porno, vous ne pourrez que le regretter ! ».

Non pas que le porno soit toxique en lui-même. Le porno est un divertissement pour adultes comptant des centaines de millions de spectateurs dans le monde, et c’est quasiment devenu un genre mainstream. Tout le monde regarde du porno de nos jours, y compris les femmes. Le problème est le regard que continue de porter la société sur les professionnels du porno : on a beau apprécier de les voir « performer » dans des films, on n’a pas trop envie de les fréquenter au quotidien. Des fois que la liberté des sens serait contagieuse ? Belle et triste hypocrisie bien connue de la profession, en tout cas.

« Lorsque je rencontre des gens, ils me laissent tomber quand ils apprennent qui je suis », déclare Rachel dans sa vidéo. « Les gens me regardent comme si j’étais un être inférieur ou une pédophile, aucune association de réinsertion professionnelle ne s’intéresse à mon cas. Impossible pour moi de revenir en arrière et d’envisager, par exemple, de devenir infirmière, professeur, ou de travailler dans une quelconque entreprise ».

Mon dieu, qu'est-ce que j'ai fait ? – Du porno, chérie !

Mon dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? – Du porno, chérie !

Rachel-Bree n’est bien entendu pas la seule à expérimenter les difficultés d’une réinsertion professionnelle et sociale après quelques années passées à fréquenter les plateaux de tournages pornos. En France, pays pourtant a priori moins puritain que les USA, le problème est le même : pour une Brigitte Lahaie qui a réussi à se « respectabiliser » et à faire quasiment oublier son passé de hardeuse des années 80 en devenant sexologue, combien d’actrices pornos oubliées, ostracisées, et même tombées dans la misère faute d’avoir pu retrouver une vie sociale satisfaisante après le X ? Même Clara Morgane, aujourd’hui mère de famille et reconvertie en businesswoman BCBG, se plaint qu’on la renvoie en permanence à son passé d’icône du X des années 2000.

Quand famille, amis et collègues découvrent vos exhibs sur le net…

À plus petit niveau, le problème est le même, voire pire : Internet a permis à des milliers d’amatrices et de couples libertins de s’improviser acteurs pornos en s’exposant sur leurs sites dans des vidéos de sexe explicite. Beaucoup n’ont semble-t-il pas bien réfléchi à toutes les conséquences de leurs exhibitions intimes, et s’en mordent aujourd’hui les doigts. Quand famille, amis et collègues vous ont vu en action sur le Net dans une vidéo porno, ils ne vous regardent en effet plus de la même façon. Les ragots vont bon train, et la mort sociale – quand il ne s’agit pas de suicide – peut être au rendez-vous.

L’une de ces amatrices bien connue sur le Net dans les années 2000 explique pourquoi elle a tout arrêté, et fait en sorte de retirer toutes les vidéos et photos pornos qu’elle diffusait jusque-là pour se faire un peu d’argent de poche : « J’ai démarré mon site avec mon concubin, libertin comme moi, qui gérait la partie technique. Il n’y avait pas autant de sites d’amateurs qu’aujourd’hui, alors le nôtre a rapidement été connu – et moi avec. À l’époque on était un peu insouciants des “risques” possibles, on s’amusait et on se disait que de toute façon pas grand monde n’avait encore Internet. Mais au bout de deux ans, un voisin nous a repérés, et bien sûr tout le village a bientôt été au courant. Passons sur les blagues salaces qui fusaient à mon passage ou dans la file d’attente à la boulangerie, et tous ceux qui ne nous parlaient plus en nous considérant comme des gros pervers. À l’époque, notre fille était à l’école primaire, et la rumeur est arrivée jusqu’a la cour de récré. On a même eu droit à des remontrances outrées de la direction qui nous considérait quasiment comme des parents indignes ! Après une rupture avec mon concubin, ma fille grandissant, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête tout ça. Je recevais maintenant des coups de fil anonymes, et les gendarmes du coin me riaient au nez en me faisant des réflexions grivoises, tout juste s’ils ne me reprochaient pas de l’avoir cherché par mon comportement dépravé. Bref, j’ai fini par décider de fermer mon site et d’arrêter toutes mes exhibs pornos. Ça va faire dix ans que je ne suis plus sur la toile, j’ai déménagé très loin, j’ai aujourd’hui changé de look et trouvé un métier pas palpitant mais “normal”, donc ça va, tout est derrière moi. Mais franchement, je ne savais pas que les gens étaient encore si coincés et intolérants. Montrer son cul, c’est quand même moins grave que voler ou tuer son prochain ! »

Mais il n’y a pas que les ex-actrices (et, plus rarement, les ex-acteurs) à être victimes de cette ostracisation du fait de leur activité. Il n’est pas toujours facile de se trouver de l’autre côté de la caméra non plus. Un ex-réalisateur de porno sur le Net témoigne : « Dans les années 2000, j’ai eu droit à pas mal de médias, ce qui fait que beaucoup de gens de mon entourage ont découvert mon métier. Le lendemain d’un soir où un sujet sur mes activités est passé dans « Y a pas photo », sur TF1, j’ai pu réaliser à quel point tout ce qui touche à l’érotisme et au porno peut être vecteur de problèmes dans sa vie privée. Par exemple, j’avais l’habitude d’emmener mes enfants le matin à l’école, et mes relations avec les autres parents étaient jusque-là cordiales. Après cette émission, du jour au lendemain, de nombreux parents d’élèves ne m’ont plus adressé la parole, et mes enfants n’ont plus été invités aux anniversaires de leurs copains. Seule la directrice de la maternelle m’avait fait une réflexion rigolarde et sympa sur le mode “vous avez un beau métier, dites-donc !”. Même topo en famille : mes parents ont toujours été gênés quand il s’agissait d’expliquer mon activité professionnelle à leurs amis. Généralement, ils mentaient ou disaient que je travaillais “sur Internet”, sans plus de précision. Mes enfants eux-mêmes ont appris à savoir ce que je faisais en grandissant, mais le cachaient à leurs amis. Même aujourd’hui, alors que je suis retiré de ce petit milieu, j’ai du mal à retrouver des jobs stables en raison de ce passé que l’on me renvoie toujours à la gueule ».

À croire que montrer son cul sur le net serait plus grave que voler ou tuer !

Le porno, c’est folklo et rigolo, mais de loin, hein. Telle semble donc être la moralité non dite de ces différentes expériences personnelles. Tout le monde mate du porno et se branle en cachette dessus, mais celles et ceux qui assument leurs pratiques à découvert restent considérés comme des parias. Les ex-actrices se font insulter sur les réseaux sociaux, et il se trouve toujours une bonne âme pour poster photos ou liens vidéos de ses activités passées, même si le sujet n’a rien à voir. Cela changera-t-il un jour ?

Pas sûr du tout. Le porno est une activité transgressive qui met en scène des pulsions primitives de l’être humain, et il semble que l’immense majorité de la société des hommes ait toujours du mal avec la liberté des sens dont font preuve les professionnels du X, lesquels exposent au grand jour ce que la plupart des gens ont de plus secret et cachent d’ordinaire : leur sexualité. Ce qui peut passer pour un certain courage (assumer publiquement sa sexualité), peut en réalité tourner au cauchemar en provoquant dans l’entourage des personnes concernées des crises d’hystérie sur fond de vieille morale puritaine, où l’irrationnel prime toujours sur l’intelligence. C’est un constat, un fait que toute personne souhaitant se lancer dans le porno se doit d’avoir présent à l’esprit avant de se décider à embrasser cette carrière. Faute de quoi, plus dure sera la chute. Triste – mais tellement humaine – hypocrisie.

 

Consommateur de porno, obsédé sexuel et journaliste pigiste pour la presse respectable. Sous couverture ici car je tiens à conserver mes jobs ailleurs, merci de votre compréhension.

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