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Gail Dines et l’anti-porn

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À l’heure de la croisade anti-porno envisagée, depuis peu, par le Président Macron, le X est des plus controversés. Gail Dines, spécialiste de la question et féministe radicale anti-porno, a ému son auditoire lors d’une conférence à Boston avec sa description des problèmes causés par la pornographie. Elle a provoqué le rire avec ses observations pointues sur les pornographes eux-mêmes.

La scène a mis en évidence le charisme explosif de Dines et le fait que, depuis la mort d’Andrea Dworkin, elle est devenue le personnage public le plus difficile et le plus intéressant : le leader mondial de la lutte contre la pornographie.

Gail Dines est une universitaire hautement considérée et son nouveau livre, Pornland : How Porn Has Hijacked Our Sexuality [Comment le porno a détourné notre sexualité], vient de sortir aux États-Unis. Elle l’a écrit principalement pour éduquer les gens sur ce que le X d’aujourd’hui est vraiment et pour bannir toute notion de titillation bénigne : « Nous élevons maintenant une génération de garçons sur une base de porno cruel et violent, dit-elle, et compte tenu de ce que nous savons de la façon dont les images affectent les gens, cela va avoir une profonde influence sur leur sexualité, leur comportement et leurs attitudes envers les femmes. »

Celle par qui le scandale arrive : Gail Dines.

Le livre documente l’histoire récente du porno, y compris les changements technologiques qui l’ont rendu accessible sur les téléphones mobiles, les jeux vidéo et les ordinateurs portables. Selon les recherches de Dines, la prédominance de la pornographie signifie que les hommes sont de plus en plus désensibilisés et recherchent donc des images de plus en plus dures, violentes et dégradantes. Même l’industrie du X est choquée par la violence que les fans veulent, dit-elle. Lors de conférences auxquelles Dines assiste, les industriels du porno discutent de plus en plus de la tendance à des pratiques plus extrêmes. Le public devient plus jeune. Une étude de marché menée par des fournisseurs d’accès Internet a révélé que l’âge moyen auquel un garçon voit pour la première fois de la pornographie est, aujourd’hui, de 11 ans ; une étude de l’université d’Alberta a révélé qu’un tiers des garçons de 13 ans admettaient avoir vu du X. Enfin, un sondage publié par le magazine Psychologies, au Royaume-Uni le mois dernier, a révélé qu’un tiers des jeunes de 14 à 16 ans avaient vu des images pornos en ligne dès 10 ans ou moins. 81 % des personnes interrogées regardaient du porno en ligne à la maison, alors que 63 % pourraient facilement y accéder sur leurs téléphones mobiles.

« La pornographie est la pièce de propagande parfaite pour le patriarcat… »

 

« J’ai conclu que, plus tôt les hommes consomment de la pornographie, dit Dines, plus ils ont de chances d’avoir des difficultés à développer des relations étroites et intimes avec de vraies femmes. » Certains d’entre eux préfèrent le porno au sexe avec un être humain, voire sont égarés, parfois même en colère quand les vraies femmes n’aiment le porno : « La culture du porno n’affecte pas seulement les hommes. Cela change aussi la façon dont les femmes et les filles pensent leur corps, leur sexualité et leurs relations […] Chaque groupe qui s’est battu pour la libération comprend que les images médiatiques font partie intégrante de la déshumanisation systématique d’un groupe opprimé… Plus les images pornographiques se fondent dans la culture dominante, plus les filles et les femmes sont privées de tout statut humain. Cela a un effet terrible sur l’identité sexuelle des filles, car cela les prive de leur propre désir sexuel. »

Les images sont devenues si extrêmes que les actes qui étaient presque inexistants il y a dix ans sont devenus monnaie courante. Après avoir étudié des milliers de films et d’images pornographiques, Dines a découvert que les actes les plus populaires dans le porno sur Internet sont la pénétration vaginale, orale et anale de trois hommes ou plus en même temps ; double anale ; double vaginale ; une femme étouffée par un pénis enfoncé dans sa gorge ; l’éjaculation sur le visage, les yeux et la bouche d’une femme : « La pornographie est la pièce de propagande parfaite pour le patriarcat, et rien d’autre que leur haine envers nous n’est aussi claire. »

Née à Manchester, Dines a déménagé en Israël en 1980, à l’âge de 22 ans, et s’est très tôt impliquée dans le mouvement des femmes. Un événement organisé par le groupe féministe de sensibilisation contre la pornographie à Haïfa [dans lequel la pornographie a fait l’objet d’une étude féministe] a changé sa vie pour toujours : « J’ai été étonnée que les hommes puissent faire une telle chose ou vouloir la regarder », dit-elle. Dès lors, elle savait qu’elle devait faire campagne sur le sujet.

« J’ai interviewé des centaines de pornographes et la seule chose qui les excite est le profit. »

Deux images du magazine Hustler l’ont particulièrement choquée : une caricature d’un ouvrier du bâtiment insérant un marteau-piqueur dans le vagin d’une femme, et une autre représentant une femme nourrie par un hachoir à viande : « J’étais récemment mariée et j’ai dit à mon mari, cette nuit-là, à quel point j’étais consternée, ce qu’il a parfaitement compris. S’il avait dit que j’étais prude, je ne pense pas que j’aurais pu rester avec lui. »

Le couple a déménagé aux États-Unis en 1986. Dines a enseigné au Wheelock College de Boston depuis, où elle est professeur de sociologie et d’études des femmes, et présidente du département des études américaines. Elle est une sorte de voix solitaire dans le milieu universitaire. En dehors de ce qu’elle dit être « une poignée » de collègues à travers les États-Unis, la plupart des chercheurs contemporains sont positifs à propos de la pornographie, et Dines pense que cela est dû à la peur d’être considéré comme l’ennemi de cette industrie qui symbolise la libération sexuelle : « Nombreux, au sein de la gauche libérale, adoptent un point de vue selon lequel les pornographes ne sont pas des hommes d’affaires, mais sont simplement là pour libérer notre sexualité des contraintes imposées par l’État », dit-elle. Cette vue a été reflétée dans le film The People vs Larry Flynt, où le pornographe milliardaire du titre du film [le chef de l’empire Hustler] a été dépeint comme un homme qui se bat simplement pour la liberté d’expression. Dines conteste ces idées : « Croyez-moi, dit-elle, j’ai interviewé des centaines de pornographes et la seule chose qui les excite est le profit. »

À la suite de ses recherches, Dines croit que la pornographie pousse les hommes à commettre des actes de violence particuliers envers les femmes : « Je ne dis pas qu’un homme visionne du porno et sort pour violer, dit-elle, mais ce que je sais, c’est que le porno donne la permission à ses consommateurs de traiter les femmes comme elles sont traitées dans les films. » Dans une étude récente, 80 % des hommes ont dit que l’acte sexuel qu’ils aimeraient le plus accomplir est d’éjaculer sur le visage d’une femme. En 2007, un flux de commentaires sur le site Internet Jezebel comprenait un certain nombre de femmes qui ont dit que, lors d’un premier rendez-vous, elles avaient, à leur grande surprise, subi de leur partenaire sexuel une éjaculation sur le visage sans leur permission.

Une femme sodomisée agenouillée dans un cercueil

Des centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle dans les universités américaines ont déclaré que les femmes signalaient de plus en plus avoir été victimes de viol anal, ce que Dines attribue directement à la normalisation de telles pratiques dans la pornographie : « Plus le porno sexualise la violence contre les femmes, plus il normalise et légitime le comportement sexuel abusif. Les hommes apprennent le sexe à partir du porno, et dans le porno rien n’est trop douloureux ou dégradant pour les femmes. » Dines dit aussi que ce qu’elle appelle « pornographie juvénile » a considérablement augmenté en popularité au cours des dernières années, avec près de 14  millions de recherches Internet pour teen sex en 2006, soit une augmentation de plus de 60 % depuis 2004. Il existe des sites légaux exposant des images de femmes extrêmement jeunes qui sont pénétrées par des hommes plus âgés, avec des avertissements stipulant que tous les modèles ont 18 ans et plus. Pour Dines, il est clair que l’exposition régulière à un tel matériel a pour effet de briser le tabou sur le fait d’avoir des relations sexuelles avec des enfants.

Elle a récemment interrogé un certain nombre d’hommes en prison qui avaient commis des viols infantiles. Tous étaient des utilisateurs habituels de la pornographie juvénile : « Ils m’ont dit qu’ils s’ennuyaient avec le porno “normal” et qu’ils voulaient quelque chose de nouveau, ils étaient horrifiés à l’idée d’avoir des relations sexuelles avec un enfant prépubère, mais dans les six mois, ils avaient tous violé un enfant. »

Que pouvons-nous attendre de l’industrie ? « Personne ne le sait, y compris les pornographes, dit-elle, mais ils cherchent tous quelque chose de plus extrême, de plus choquant. » Elle a récemment interviewé un pornographe bien connu, tandis que son dernier film se jouait à l’arrière-plan. Il contenait la scène d’une femme pénétrée par l’anus tout en s’agenouillant dans un cercueil.

« Ce qui est en jeu, c’est la nature du monde dans lequel nous vivons »

De l’avis de Dines, le meilleur moyen de lutter contre la pornographie sur Internet est de sensibiliser le public à son contenu et de le qualifier de problème de santé publique en réunissant des éducateurs, des professionnels de la santé, des militants communautaires, des parents et des experts anti-violence. Créer des matériaux qui éduquent le public : « Tout comme nous avons eu des campagnes anti-tabac, nous avons besoin d’une campagne anti-porno qui alerte les gens sur les dommages individuels et culturels qu’il crée. »

« Les mythes, à propos de ceux d’entre nous qui détestent la pornographie, doivent également être dissipés afin d’obtenir plus de soutien de la part des progressistes », dit-elle.

Le contrecoup contre Dines et son travail est bien documenté. Divers militants pro-pornos l’accusent sur des sites Internet, suggérant qu’elle est motivée par l’argent, déteste le sexe, et victimise les femmes pour soutenir sa supposée idéologie anti-masculine. Salon.com a rapporté récemment que l’éditrice de livres érotiques, Violet Blue, avait lancé une campagne pro-porno pour contrer une conférence anti-porno que Dines et ses collègues ont tenue le mois dernier. Dines est régulièrement critiquée par les pornographes dans les sites et magazines pornographiques et elle dit que son collège reçoit des lettres après tout événement public au cours duquel elle intervient, attaquant son point de vue : « Ce qui est en jeu, c’est la nature du monde dans lequel nous vivons, dit Dines, Nous devons le combattre. »

Étudiante en lettres modernes et libertine assumée. Mes deux passions: la littérature et le sexe. Que je peux enfin concilier sur ce blog, où je vous raconterai mes aventures sexuelles et autres coups de cœur et coups de gueule en rapport avec la sexualité. Bisous à tous (et à toutes, j'aime bien les filles aussi !).

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