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Salto, la plateforme de streaming française, se fera sans porno…

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Une alliance historique : TF1, France Télévisions et M6 s’associent dans le projet Salto, dont le but avoué est de damer le pion aux énormes plateformes de streaming, et notamment Netflix, qui, avec son succès grandissant, grignote toujours plus du temps de cerveau disponible du spectateur français, aux dépens des grandes chaînes de télévision nationales. Salto, c’est la plateforme payante de streaming OTT (comprendre indépendante d’un fournisseur d’accès Internet) qui sera chargée d’enfiler les gants pour aller disputer le match de boxe contre l’ogre de la série sur Internet. Poids plume contre poids lourd.

Le communiqué est ronflant, les ambitions à peine voilées. « Les Groupes France TélévisionsM6 et TF1 entendent proposer une réponse ambitieuse aux nouvelles attentes du public […]. Cette plateforme commune a vocation à participer activement au rayonnement de la création française et européenne. » Certes… Mais comment ? Et surtout, que proposera cette plateforme payante à l’utilisateur français, qui bénéficie déjà de la possibilité de visionner gratuitement les différentes chaînes de télévision (si on omet le prix de la redevance) ? À ce sujet, les ténors de la télé restent évasifs, évoquant « une offre d’une variété sans égal : information (JT, magazines, événements spéciaux), sports, divertissements, fictions françaises, série US, documentaires et cinéma » ainsi que « des programmes inédits […], des avant-premières et des services enrichis. » Et pas de porno…

C’est acté, la direction de France Télévisions l’a confirmé à La Voix du X : Salto n’accueillera pas de porno. C’était pourtant l’occasion de se démarquer des géants américains que sont Amazon Prime et Netflix. Ces derniers ont en effet banni tout contenu X de leurs programmations, préférant se concentrer sur la diffusion de contenu exclusif et auto-financés à gros budget, déjà très largement pourvoyeurs d’abonnements. À titre d’exemple, Netflix investit chaque année 7 à 8 milliards de dollars uniquement dans la création de contenu. Avec la promesse 50 millions investis par les associés du projet Salto, la concurrence française fait déjà pâle figure. L’ouverture au contenu pour adulte aurait, à elle seule, procuré un avantage compétitif non-négligeable dans cette course aux abonnés, faisant de Salto l’unique concurrent OTT à proposer ce type d’offre. 

Par ailleurs, ouvrir la plateforme au cinéma pornographique aurait, en plus, constitué un début de solution à un autre problème : celui de la circulation incontrôlée des images pornographiques sur le Net. C’était l’opportunité d’offrir aux producteurs de films pour adultes un débouché lucratif, protégé de la concurrence déloyale imposée par Pornhub et consorts, tout en proposant aux utilisateurs un espace facilement sécurisable, aux moyens d’identifiants et de mots de passe, pour préserver les plus jeunes. Cela n’aurait évidemment pas résolu la question de l’accès des mineurs aux multitudes de terminaux connectés à Internet, mais un tel parti-pris aurait été une manière tout à fait innovante, pour les médias français, de penser leur rapport au web et à la pornographie.

Au lieu de ça, le projet Salto démontre, avant même sa naissance, l’incapacité des grands groupes médiatiques français à se projeter vers l’avenir. Croire qu’on peut rivaliser avec les rouleaux compresseurs américains de l’entertainment en offrant la possibilité de voir Joséphine Ange-Gardien en avant-première (blague qui revient le plus suite à l’annonce), à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, est risible. C’est justement méconnaître les « nouvelles attentes du public ». Le public en question ne recherche pas tant la liberté de visionner des programmes à l’heure qu’il souhaite, que la possibilité de choisir, parmi une multitude d’émissions, celles qui correspondent à ses goûts, d’être gratifié, en tant que spectateur, d’un divertissement qui l’intéresse, qu’il s’agisse de soap, de fantasy, de thriller, de dessins animés ou même, oui, de pornographie. Avec leur catalogue pléthorique, Netflix et Amazon l’ont très bien compris. La pornographie était le seul créneau qu’ils refusaient d’investir. En jouant leur jeu avec les mêmes règles, Salto se condamne alors à courir derrière, très loin derrière, une concurrence qui le surclasse en tout point : ancienneté, volumes et variété de contenu, budgets, etc.

Encore une occasion ratée…

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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