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Tumblr bannit définitivement le porno

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À compter du 17 décembre, la plateforme de microblogging Tumblr bannira tous les posts à caractère pornographique qu’elle héberge, et plus aucune contribution de ce type n’y sera autorisée. Fini la demi-mesure, le consensus mou, le cul entre deux chaises. Depuis plusieurs mois, le réseau peinait à trouver la formule magique, entre sa volonté de proposer un environnement lisse et propret, adapté à la promotion sur les supports tout public (Facebook, iOS, etc.) et son désir de rester fidèle à sa communauté d’utilisateurs férus de liberté d’expression, de partage et – il faut bien l’admettre – de pornographie. Suppression massive de contenus polémiques, instauration d’un filtre « adulte » en front end, rien n’y a fait. Alors, chez Oath Inc., propriétaire de la plateforme et filiale de Verizon (AOL, Yahoo), on a décidé de trancher dans le vif, le porno sur Tumblr, c’est définitivement terminé.

C’est finalement Apple, via son App Store, qui aura mis un coup d’arrêt à l’interminable danse du ventre de Tumblr, le 16 novembre dernier. On le sait, la firme de feu Steve Jobs tolère très moyennement les contenus à caractère sexuel, et elle avait Tumblr dans le collimateur depuis un moment. Lorsque des images pédo-pornographiques sont détectées sur la plateforme, la coupe est pleine. Sans crier gare, l’Apple App Store éjecte l’appli Tumblr de son catalogue. Du côté d’Oath Inc., un vent de panique se lève. C’est que, comme on l’a vu, Oath n’est pas franchement une société indépendante qui brille par son anticonformisme et sa défiance vis-à-vis des GAFA. Elle défend les intérêts de Verizon, géant de la télécommunication américaine et partie prenante du Dow Jones Industrial Average, l’indice de mesure de la santé boursière des fiers Etats-Unis. En outre, du côté de la tech américaine, il ne fait pas bon se brouiller avec la coopérative fruitière du coin.

Pour garder la main dans le slip des copains, Tumblr baisse alors brusquement son pantalon. À l’ère du tout gratuit, il n’y a rien de pire que de se fâcher avec les agrégateurs de contenus, les pourvoyeurs de trafic, les revendeurs d’espaces publicitaires ; et tant pis pour l’utilisateur. Si Apple dit «  plus de porno sur Tumblr », Tumblr se séparera du porno ; si Apple exige un logo vert sur fond rose, on embauchera des graphistes daltoniens ; si Apple émet le souhait de voir chaque employé avec une plume dans le cul, on commandera les plumes sur Amazon, histoire de profiter des bienfaits de la concurrence libre et non faussée… Ne soyons toutefois pas dupes, Apple est aujourd’hui le bourreau, mais Google, Youtube et tous les autres nous servent le même chantage à la visibilité.

 

Evidemment, aucun contenu pédo-pornographique n’a sa place sur quelque plateforme que ce soit. Mais doit-on pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Tumblr n’est pas un réseau qui héberge du porno de façon marginale, comme le fait par exemple Twitter. Par sa dimension multimédia, son format favorisant l’expression artistique et son système communautaire basé sur le partage, la ré-appropriation et la diffusion, Tumblr est un foyer de la création érotique et pornographique. Dessins originaux, gifs porno réinterprétés, nouvelles scabreuses, le porno vivait sur Tumblr, muait, mutait, agrégeant les fétichismes et considérations esthétiques voire politiques de nombreuses communautés d’anonymes. Pornographie LGBT, délires BDSM, pamphlets machistes tendance « incels », bimboïfication, inceste, cross-dressing, et pleins d’autres ; Tumblr accueillait chaque jour des centaines d’utilisateurs qui déclinaient virtuellement l’esthétique de l’obscénité sous toutes ses formes, pour le plaisir de partager ses fantasmes transgressifs les plus profonds avec quelques inconnus à l’autre bout du monde. 

 

Cette effervescence porno, cette alternative aux grands tubes qui ont pignon sur rue, cette marge dans la marge qu’il a lui-même engendrée, Tumblr s’apprête à la tuer purement et simplement, pour circonvenir à la charte éditoriale des sociétés de la Silicon Valley à la pudibonderie confondante. Le CEO Jeff D’Onofrio, se permet même un dernier crachat au visage de tous les contributeurs classés X qui font vivre sa plateforme : « Il n’y a pas de pénurie de sites qui promeuvent les contenus adultes sur internet. Nous leur laissons cette charge et concentrons nos efforts à créer l’environnement le plus accueillant possible pour notre communauté ». En clair : « Vous ne faites pas partie de notre communauté. Vous n’êtes plus les bienvenus. Allez voir ailleurs ». On fait difficilement plus « accueillant », pas vrai ?

En ce qui concerne la pénurie, ce bon vieux Jeff se trompe pourtant lourdement. Du côté des plateformes mainstream, Patreon, Instagram et même Twitter sont toujours plus impitoyables que jamais avec les contenus cochons, stigmatisant d’autant les artistes érotiques et les travailleurs du sexe qui vivent de leur communauté. Et en ce qui concerne l’offre purement adulte sur internet, l’horizon n’est pas plus dégagé. Outre les obscurs forums des profondeurs du web, aucun réseau global adapté à la création porno n’a jamais vu le jour. Ce n’est cependant pas de cette pénurie dont devrait s’inquiéter Mr. D’Onofrio, mais plutôt de la pénurie de blogueurs sur son site. Car, sans le cul, à quoi pourra bien ressembler Tumblr ? Un resucé de MySpace ? Risible…

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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