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Règle #34 de l’Internet : si ça existe, on en a fait du porno

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Ne serait-il pas rassurant d’imaginer que le web, cet univers virtuel chaotique, où les sommets de l’intelligence cumulative humaine côtoient les pires bassesses dont notre espèce soit capable, soit régi par des lois à même de lui donner un semblant de cohérence ? Heureusement, de telles lois existent. Baptisées Règles de l’Internet, elles furent énoncées il y a des éons (à l’échelle numérique), par de sages Anonymous dans les méandres de 4chan, la taverne numérique la plus mal-famée de la toile. Narquoises au possible, elles n’en demeurent pas moins porteuses de vérités essentielles sur le fonctionnement du net ; et un article ne suffirait sans doute pas à détailler la dimension visionnaire d’assertions telles que la règle n° 11 : « Tous vos arguments les plus précautionneusement choisis peuvent facilement être ignorés » ; la n° 18 : « Tout ce qui peut être nommé peut être détesté » ; la n° 21 : « Tout contenu original n’est original que pour quelques secondes avant de devenir vieux ». Mais à La Voix du X, il en est une qui nous intéresse tout particulièrement, c’est la fameuse règle n° 34 : « Si ça existe, on en a fait du porno (il n’y a pas d’exception). »

Si quelque chose existe, on en a fait du porno. Dit comme cela, ça semble aberrant. Comme si tout ce qui avait jamais été créé, conceptualisé ou même pensé pouvait soudainement devenir sujet à une blague salace ou à un détournement scabreux. Et pourtant, nous savons tous que c’est bien évidemment vrai, comme nous savons qu’il est possible de pervertir n’importe quel paysage fabuleux, n’importe quel discours solennel, n’importe quelle création artistique d’une allusion sexuelle grasse au raz des pâquerettes. C’est ainsi qu’il faut concevoir la règle n° 34 de l’Internet. Bien entendu, on n’a pas mis en scène un film porno pour chaque concept répertorié par Google – quoique le porn-business actuel semble s’y employer assidûment -, mais n’importe quel fait, notion, objet, personne ou personnage est susceptible d’être représenté dans un mème à caractère pornographique. Mieux, ça a vraisemblablement déjà été fait ou, au pire, ça ne saurait tardé, selon la règle n° 35 : « Si aucun porno ne peut être trouvé sur le moment, il finira par être créé ». Et rappelez-vous, there is no exception.

Cette loi ne souffre en effet d’aucun contre-exemple. C’est assez fascinant ; pour peu qu’on soit suffisamment patient, curieux ou imaginatif, on finit toujours par trouver du porno, quel que soit le sujet renseigné. Mais outre les détournements astucieux d’images dans des montages tendancieux plus moqueurs que réellement explicites, la véritable surprise vient de l’authentique création pornographique que décrit ce paradigme. Cette création est d’ailleurs significativement corrélée aux autres Règles de l’Internet, telles que :

  • la n° 36 : « Il y aura toujours un autre truc encore plus déviant que ce que vous venez de voir » ;
  • la n° 38 : « Aucune limite d’aucune sorte ne s’applique ici – pas même le ciel » ;
  • la n° 42 : « Rien n’est sacré » ;
  • la n° 43 : « Plus une chose est belle et pure, plus il est satisfaisant de la corrompre »
  • la n° 46 : « On en a forcément fait un ‘furry porn’ » (le ‘furry’ étant le fétichisme pour les animaux anthropomorphes).« 

Tendrement chocolat…

Il existe ainsi de véritables lieux communs de la règle n° 34. Les Japonais étant très friand de dessin pornographique, le hentai, il existe au sein de celui-ci, un véritable sous-genre intégralement consacré à la parodie porno de personnages de manga : le dōjinshi. Par effet d’émulation, c’est alors toute la pop culture qui est victime de la fameuse loi porno. Quel que soit votre film culte, votre livre de chevet, voire votre dessin animé d’enfance chéri (n’oublions pas les règles 36 à 43) quelqu’un à l’autre bout de la toile en a dépeint une variation digne de Sodome et Gomorrhe, probablement avec des animaux qui s’enculent…

Comme promis, des animaux qui s’enculent. Ici, Spyro le dragon et son copain…

Les personnalités publiques ne sont évidemment pas épargnées par cette loi universelle. Si les chanteuses, actrices et mannequins ont évidemment droit à leurs montages photo voire vidéo dégradants (#deepfake), les personnages historiques sont aussi les cibles de détournements obscènes, avec des résultats parfois franchement discutables.

Hitler, cible récurrente de la règle n° 34. Ici en plein « pacte germano-soviétique ».

Mais la dimension la plus remarquable, la plus absurde de la règle n° 34, c’est qu’elle s’applique aussi aux objets inanimés, voire immatériels :

« Avion de chasse », vous avez dit ?

Prête à être enfourchée…

Au diable le Bluetooth.

Internet Explorer, capricieuse.

Il serait réducteur de ne voir en ces œuvres que les délires fétichistes de quelques maniaques. Les déclinaisons de la Règle n° 34 n’ont pas toujours un but masturbatoire. Comme si le paradigme s’auto-alimentait, les créateurs de ces détournement jouent vraisemblablement à qui trouvera l’idée la plus saugrenue, la plus inappropriée à corrompre, par simple goût de la perversion et de l’humour noir.

« Je suis sur vibreur »

Défi graphique, parodie, hommage, ou au contraire moquerie, dénigrement, corruption ; l’application universelle de la Règle n°34 de l’Internet nous donne ainsi à voir la pornographie, et plus généralement notre rapport au sexe sous un jour nouveau : une source de créativité esthétique sans limite.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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