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Manon, auteure de Le cul mis à nu : « Aujourd’hui, il devient difficile de parler librement de sexualité sur Internet ! »
Passionnée de sexo depuis l’adolescence, la talentueuse Manon, 26 ans, a créé fin 2018 le compte Instagram @lecul_nu , avec l’ambition de libérer la parole autour de la sexualité. Forte de son succès (plus de 70 000 followers), elle sort aujourd’hui un livre totalement décomplexé, dans l’air du temps, truffé d’infos, d’anecdotes et de conseils pour envisager une sexualité ouverte, réaliste et inclusive. Rencontre.
Pourquoi ce livre ?
Je me suis installée sur les réseaux sociaux à une époque où l’on pouvait parler de tout et n’importe quoi. Mais avec l’évolution des plateformes, on se retrouve de plus en plus censuré. Aujourd’hui, il devient difficile de parler librement de sexualité sur Internet, notamment sur les réseaux. Les contenus éducatifs autour de la sexualité sont identifiés comme des contenus pornographiques. J’ai eu envie de retourner à ce qui m’a éduquée, c’est-à-dire le livre.
Qu’est-ce qu’un livre apporte de plus qu’un compte Instagram ? Davantage de crédibilité ?
L’information est traitée différemment. Elle ne se perd pas dans un flot continu, dans lequel les sujets ne sont pas approfondis. Quand on achète un livre, c’est qu’on a envie d’en savoir un peu plus. C’est une approche différente.
Comment expliquez-vous le succès de votre compte @lecul nu ?
Nous sommes plusieurs aujourd’hui à parler de sexualité sur Instagram. Je pense que cela s’explique par un manque d’informations. Même s’il existe des sites dirigés par des professionnels de santé, on sait qu’aujourd’hui les jeunes passent peu de temps à lire. Ils consomment de l’information, très rapidement, de façon superficielle : 15 à 20 secondes en moyenne sur une publication. C’est très peu ! En plus, quand on a une question sur la sexualité, on va sur Internet et on tombe souvent sur du porno. La pornographie, c’est du fantasme et pas de l’éducation. On prête souvent au porno un rôle d’éducation à la sexualité, mais le porno n’est pas là pour ça ! On trouve aussi des sites de magazines féminins, qui vont défendre des idées erronées, souvent hétéronormées, et qui répondent rarement à ce que l’on cherche. Si Instagram marche si bien, c’est que l’on crée des espaces où les gens peuvent communiquer et déculpabiliser.
Les ouvrages sur la sexualité écrits par des femmes sont souvent favorables aux études de genre et relèvent d’un féminisme militant. Vous vous situez sur cette ligne ?
Je comprends que l’on puisse avoir des réserves par rapport aux études de genre. Mais mon livre ne prétend pas détenir la vérité. Je veux juste inciter les gens à réfléchir. Si mon livre ouvre des questionnements, pour moi, c’est qu’il est réussi. De la même façon, il y est beaucoup question des travailleur(euse)s du sexe. Je suis sûre que je vais être lue par des abolitionnistes. Mais s’ils se posent des questions sur leur positionnement, ce sera très positif. Sur tous les sujets on trouve des pour et des contre, mais il y a surtout des gens qui cherchent à comprendre, qui se demandent si on les a manipulés…
Vous abordez le mythe de la virilité. A ce sujet, vous évoquez le plaisir prostatique, pour dire que les hommes ne sont pas encore prêts pour cela. Or, pour avoir écrit un livre sur le sujet, je peux vous dire que de nombreuses femmes entretiennent cet interdit, et rejettent totalement l’idée que les hommes puissent tenir un rôle « passif » !
Oui, nous sommes tellement imprégnés de cette culture de la virilité, que bien souvent on ne s’en rend même pas compte. Et il est certain que même les femmes y participent. C’est un enseignement qui commence dès l’enfance, et qui se perpétue tout au long de la vie. Si l’on n’a pas l’occasion de chercher à comprendre, pourquoi le ferait-on ? De façon un peu maladroite, on pense que c’est une norme. Aujourd’hui, on donne la parole aux personnes que cette norme dérange, et c’est une bonne nouvelle !
Vous êtes optimiste sur la façon dont la sexualité évolue ?
Je ne sais pas si j’ai assez de recul pour dire que ça évolue vraiment. Je suis baignée dans ce sujet qui me passionne, et c’est vrai que j’aurais envie de vous dire que nous sommes en pleine libération. Je vois arriver des générations d’adolescents et de pré-adolescents très bienveillants , qui en ont marre des mensonges autour de l’éducation sexuelle. Ça me donne envie d’être optimiste. On voit bien que la culture populaire évolue, avec des séries comme Sex Education… La parole des jeunes est écoutée, on parle plus volontiers de sexualité avec eux. Les ados d’aujourd’hui seront certainement des adultes plus responsables.
Vous consacrez une partie de votre livre aux TDS. Pourquoi cet éclairage sur ces métiers ?
Avant de créer Le cul nu sur Instagram, je n’avais jamais rencontré de travailleurs ou de travailleuses du sexe. Quand j’ai créé le compte, j’ai été invitée à des événements ou se trouvaient des TDS, et quand j’ai commencé à échanger avec eux, je me suis rendue compte de tous leurs problèmes. Ça m’a mis une énorme gifle. On parle tellement peu de ces métiers. Je me suis dit : quand tu produiras quelque chose d’un peu plus concret, laisse une place aux TDS. J’ai bien conscience que sur les réseaux sociaux, c’est quelque chose qui peut être problématique. Même dans le féminisme nous n’avons pas toutes une vision identique de la prostitution. Je ne voulais pas aborder cette question sur les réseaux, car ces plateformes ne se prêtent pas à un débat bienveillant.
Vous avez le sentiment que le modèle du couple classique est en perte ?
Je dirais que les personnes qui ne se sentent pas épanouies dans ce modèle se donnent plus de liberté qu’au siècle dernier de se poser des questions et d’essayer autre chose. Avec la période de la COVID, beaucoup de couples se sont rendu compte qu’ils voulaient revoir leur manière de vivre. Mais il faut toujours beaucoup de temps avant que les choses changent radicalement. On en est très loin.
Qu’a-t-on appris de cette période du COVID ?
Nous nous sommes retrouvés dans un quotidien ralenti, qui nous a permis de nous poser des questions. J’ai reçu beaucoup de questions sur la libido. Certains pensaient notamment ne plus en avoir, et ont entamé des sexothérapies. Cette période a redistribué les cartes. Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, il n’y a eu ni marathon du cul ni baby-boom pendant cette période ! La santé mentale et la santé sexuelle ont été les grandes oubliées.
La couverture de votre livre est curieuse : lorsqu’on l’ouvre, on tombe sur un pubis mal épilé, avec une ficelle de tampon qui dépasse… Pourquoi ?
J’ai choisi Juliette, de Coucou Suzette [marque d’accessoires « kitsch et féministes »], pour faire les illustrations de mon livre parce que j’avais envie de quelque chose de fun et léger. C’est ma vision de la sexualité. Juliette a ce don de rendre les choses amusantes. C’est aussi une manière de se situer en dehors de l’érotisme. Quand j’ai vu la couverture, je me suis dit : ce n’est pas sexy, et tant mieux !
Cette question est abordée dans votre livre, alors je vous la pose : sucer, c’est tromper ?
Tout le monde se pose cette question (rires) ! L’important, c’est de réussir à s’entendre avec son partenaire sur la réponse !
Manon, Le cul mis à nu, éd. Les Insolentes, 224 p., 19,95 €.
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