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Big data & jeux vidéo porno : le gros loot

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On n’arrête plus de dérouler la bobine issue de la polémique dont sont nimbés Pornhub et sa maison-mère Mindgeek. La dernière en date est la découverte que le mastodonte de Montréal est aussi le plus gros producteur de jeux vidéo porno. En soit, il n’y a pas de mal à cela, sauf qu’il n’en fallait pas plus pour éveiller les soupçons de collecte des données privées à grande échelle.

Nutaku. La ressemblance avec l’expression japonaise Otaku qui désigne une personne fondue de jeux vidéo et d’anime n’est pas un hasard. En choisissant ce terme pour dénommer sa plateforme destinée aux jeux vidéo porno et hentaï (autre expression jap désignant un manga de cul), Mindgeek cible la bonne clientèle. Jay Acevedo, responsable de la com’ de Nutaku le reconnaît volontiers au média Mashable : « Nous avons constaté une demande massive des consommateurs occidentaux pour le gaming adulte. L’équipe de Nutaku a également constaté un changement culturel de la part de l’industrie du jeux vidéo qui s’est ouverte à du contenu adulte dans les jeux ».

C’est peu dire que les relations entre les industries du gaming et du porno sont glaciales depuis leurs origines. Les premiers ont toujours été soucieux de préserver leur image auprès de leur cœur de cible qui a longtemps eu une moyenne d’âge inférieure à la majorité. Et pour cette dernière raison, le porn business n’a jamais vu dans le jeu vidéo un potentiel marché à développer.

Les démarrages furent pourtant prometteurs. Le tout premier jeu vidéo explicite, Softporn Adventure, a vu le jour dès 1979 et s’est vendu à 25 000 exemplaires sur l’Apple II. À l’époque, l’ancêtre du Mac s’était écoulé à 100 000 pièces. Joli ratio… Pendant les vingt années qui suivent, il n’y aura pas grand-chose à se mettre sous la dent, hormis des pauvres strip poker ou des pseudo jeux de rôle à la réalisation minable comme la série des Leisure Larry.

Les améliorations techniques probantes à la fin des années 90 marqueront un tournant. Les représentations et les animations corporelles sont enfin de nature à faire bander. Surtout, la génération qui a grandi avec les jeux vidéo a désormais 20-30 ans. Les éditeurs se risquent à montrer des personnages qui ont une sexualité, à l’image de Kratos dans God of War et Geralt alias The Witcher.

Vingt ans encore plus tard, il y a du cul dans pas mal de jeux dits « AAA », au premier rang desquels GTA V, mais à côté, toujours un océan de merdes qui polluent les ordinateurs avec des adwares si on a le malheur de cliquer dessus. Beaucoup de ces jeux sont issus de la galaxie Mindgeek, car lorsque vous les voyez apparaître, vous êtes sur Pornhub ou un site-sœur. Une boîte de hi-tech comme celle de Montréal a tout un département pour pondre ce type de jeu à la chaîne.

À partir de là, ce n’était qu’une question de temps pour les regrouper sur une seule et même plateforme, le Steam du porn : Nutaku. Né en 2015, Nutaku offre l’inscription, mais 90% des 500 jeux disponibles à cette heure ne sont accessibles que moyennant paiement (entre un et dix dollars). Les titres les plus populaires comme King Of Kinks, Nymphs Merge ou Booty Farm sont néanmoins des free-to-play et on ne peut pas dire qu’ils soient inoubliables. Pourtant, Mindgeek a investi des millions de dollars dans Nutaku depuis six ans. « Il est de notoriété publique qu’une tonne d’argent a été englouti dans cette plateforme », confirme Geoffrey Celen du site The Porn Dude. En 2019, Nutaku a, par exemple, annoncé une enveloppe de cinq millions de dollars pour créer des jeux à destination du public LGBTQ+.

Toutefois, à l’échelle de dizaines de jeux vidéo, c’est bien trop peu pour les rendre digne d’intérêt. Alors quel est l’intérêt justement pour Mindgeek de créer des avatars de ses stars sous contrat à acheter via des micro-transactions ? Les datas of course ! « Mindgeek est avant tout une entreprise de développement web. Le porn est une stratégie de collectes de données des utilisateurs », lâche Brandon Arroyo du podcast Porn Culture. Mais tandis que dans le X, le fapeur n’est pas pas enclin à communiquer ses données personnelles, le gamer-fapeur, à travers les profils et personnages qu’il crée, en donne beaucoup plus. « Chaque choix dans un jeu est une sorte de sondage, souligne Rob Shavell de la société Abine, spécialisée dans la protection des données, et personne ne pense qu’il y a quelqu’un derrière pour analyser les réponses. Certains jeux sont créés dans la simple optique de faire une étude de marché ». 

Consciemment ou non, les 60 millions d’utilisateurs revendiqués par Nutaku n’en ont cure que leurs données personnelles soient compilées, vendues, analysées et exploitées pour des pubs et des contenus ciblées. Ceci étant dit, les risques inhérents au big data ne sont pas moins réels. « Les attaques contre les plateformes de jeux sont parmi les plus fréquentes », relève Rob Shavell. Entre 2018 et 2020, la firme de cyber sécurité Akamai estime à 10 milliards, les tentatives de hack sur les comptes des utilisateurs, avec mots de passe et coordonnées bancaires. Si on peut se remettre d’un piratage de compte sur le Playstation Store, il y a matière à être moins serein si des données personnelles fuitent publiquement depuis un site de gaming hentaï.

En outre, d’autres problèmes surgissent quand on évoque les datas et le X, comme les biais, qui sont synonymes d’une mauvaise analyse des datas et accordent une importance trop grande aux gros consommateurs de certaines niches : gros seins, matures ou belles-mères pour ne citer qu’elles. Ces biais participent ainsi à la construction des stéréotypes porno si souvent décriés par ceux qui ne portent pas l’industrie dans leur cœur. Les enjeux de l’adult gaming vont donc bien au-delà de la création d’un simple avatar libidineux.

Journaliste professionnel depuis 2003. Rédacteur du magazine Hot Video de 2007 à 2014.

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