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Mythes et divinités du sexe du monde entier

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À travers les âges et les continents, la sexualité a toujours été au cœur de l’expérience humaine. Si les religions modernes semblent souvent la dépeindre sous un jour répressif, les anciens polythéismes, eux, la célébraient à travers une pléthore de divinités. Aphrodite, Astarte, Ishtar, Rati, Freyja, Tlazolteotl ou encore Aizen Myō’ō, le panthéon des dieux sexuels, incroyablement vaste et varié, vaut le détour !

Ne tournons pas autour du pot, les religions modernes sont désespérément chastes. Pire, les trois grands monothéismes ont cette fâcheuse tendance à réduire le plaisir sexuel à l’œuvre du malin, le produit de Satan ou de Sheitan, la chute de Sodome et Gomorrhe, les complots de Babylone, la grande prostituée. C’est que dans les écrits, la tentation mène au désir, le désir à l’envie, et l’envie… au vice ! Bref, le cul, c’est plutôt le côté obscur de la Force. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Loin de là, même, puisque partout dans le monde, des peuples précolombiens aux tribus d’Afrique, des empires asiatiques aux états précurseurs de Mésopotamie, les polythéismes antiques sont peuplés de créatures spirituelles et d’entités divines vantant les bienfaits de la bagatelle sous toutes ses formes. Ces authentiques dieux et déesses du sexe méritaient donc bien un petit coup de projecteur !

Outre l’opération du Saint-Esprit, la conception est généralement une affaire de corps qui s’entremêlent, de frictions génitales et de mélanges de fluides. De la passion, de la tendresse et du plaisir ; bref des concepts fondamentaux de l’expérience humaine qui, au même titre que la justice, la nature ou la mort, relèvent de figures divines tutélaires, bien avant qu’on ne résume le bénéfice du sexe à son seul produit, la procréation. Désir, passion et fertilité, dans les croyances ancestrales, la sexualité est un tout qui s’incarne en diverses divinités de l’amour généralement féminines.

I’m your Venus…

La plus illustre de ce très charnel panthéon, c’est évidemment Aphrodite, déesse de l’amour du monde hellénique. Fille du grand Zeus et de Dioné (déesse primordiale vénérée à Dodone), elle est la beauté personnifiée, incarnation de l’amour et du plaisir sous toutes leurs formes, et en particulier les plus conquérantes. En effet, il n’existe aucune source représentant une Aphrodite victime, captive ou soumise, d’une force désirante supérieure. Elle est l’indomptable séduction, menant mortels comme immortels par le bout du nez, des vertiges de la passion aux abîmes du désespoir par l’inconstance de ses coups de cœur (et de reins). Demandez donc à Ephaïstos combien d’autrui il a trouvé dans le lit conjugal. Demandez donc à Paris si, au nom d’une pomme honnêtement décernée, l’abricot charnu et les pêches tendres de la belle Hélène valait la chute de Troie et l’anéantissement de son peuple. Assurément oui. La promesse de chaudes étreintes avec l’amante ou l’amant d’un soir ou d’une vie justifiera toujours les guerres les plus terribles et les parjures les plus immoraux. 

Bas relief d’Ishtar, précurseuse divine d’Astarte et d’Aphrodite.

Porteuse de guerre, même si pour les Grecs elle n’est pas une icône martiale, Aphrodite est une figure divine puissante, de tout premier ordre, dont le mythe transcende les cultures et les époques. C’est ainsi qu’on la retrouve sous la forme de Vénus chez les Romains ou Turan chez les Etrusques. Elle n’est toutefois pas l’incarnation originelle de la passion créatrice et mortifère. Bien avant elle, les Phéniciens vénérait Astarte, elle-même issue d’Ishtar ou Inanna, divinité centrale des croyances de Mésopotamie. Or Ishtar, c’est la conquête au sens large, celle des cœurs, des corps et des terres. Elle n’a d’ailleurs rien d’une mère, patronne matricielle du foyer et des enfants. Elle est la guerre, nouant à travers le sexe un lien inextricable entre amour et conflit, entre fertilité et destruction.

Make Love and War

Cette dualité, miroir de la psyché humaine, les déités du sexe composent nécessairement avec partout sur le globe, depuis la naissance des cultes. Tantôt protectrice et féconde comme l’égyptienne Bastet, la slave Dzydzilelya ou l’ouest-africaine Oshun, tantôt traîtresse et conquérante comme la phénicienne Astarte, la chinoise Jiutian Xuannü, la teutonne Freyja, entre l’harmonie amoureuse et le chaos passionnel, même les déesses du sexe doivent choisir leur camp. 

Sculpture de Rati, déesse hindoue de l’énergie sexuelle, à la volupté manifeste

Il est cependant quelques folklores où l’acte sexuel est célébré non pour ses implications sociales ou morales, mais pour sa seule fantaisie, le ravissement extatique qu’il produit. Dans l’hindouisme, Rati, épouse de Kama, dieu de l’amour, serait la personnification même de l’énergie sexuelle, attisant la flamme de la passion charnelle sur les braises de la tendresse installées par son divin et diligent mari. Le dieu bouddhiste chinois et tibétain Rāgarāja, aussi appelé Aizen Myō’ō au Japon, lui, convertit carrément le désir sexuel du monde matériel en éveil spirituel. Et on le sollicite autant pour des mariages heureux que pour des relations sexuelles réussies (passer un full-Nelson du premier coup, par exemple). Il compte aussi comme patron des communautés LGBT et des prostituées, en quelques sortes ses émissaires sur terre. Et il n’est pas le seul.

Dans la mythologie grecque, déjà, l’hétérosexualité est un concept très vague. Et il est naturel pour la plupart des dieux et des figures mythiques (Apollon, Aphrodite, Achille…) de fricoter avec le même sexe, qu’il s’agisse d’authentiques romances gayes, d’étreintes passagères. Le folklore chinois fait même état d’une figure spécifique à l’homosexualité masculine : Tu’er Shen, que certains courants politiques, plus conservateurs que la tradition elle-même, tente encore d’effacer.

Tlazōlteōtl, « la mangeuse d’immondices », consommatrices des péchés de l’humanité et déesse de la pipe.

Raideur olympique et gorge très profonde

Idem pour la prostitution. De Babylone à Corinth, le service sexuel n’était pas seulement toléré, mais parfois même sacralisé comme un rite au nom d’Aphrodite, d’Astarte, d’Innana, En Chine, c’est à Baimei Shen que les prostituées et les clients vouent des offrandes, lors de leur première passe dans un bordel. La fonction expiatoire du sexe se retrouve ainsi jusque dans les religions précolombiennes où Tlazolteotl, chez les Aztèques et les Toltèques, déesse-mère de la terre et des profondeurs avale les fautes des mourants par les services buccaux qu’elles prodigue au grand Quetzalcoatl, le dieu serpent, érigeant ainsi la gorge profonde en faveur divine.

Le tableau ne serait évidemment pas complet sans évoquer les représentants spirituels de la compétence la plus hasardeuse, la plus énigmatique, la plus capricieuse de la sexualité humaine : l’érection. Et ils sont aussi nombreux que divers, ces dieux turgescents gardien des fonctions érectiles. Les Grecs ont Pan, le satyre lubrique et Priape, au sexe géant et toujours dressé, dont on a dérivé le terme priapisme. Les Egyptiens ont Bès le farceur et Min, lui aussi invariablement roide, et dont on vient caresser l’entrejambe pour garantir une descendance prospère. Les Moche du Pérou font même de l’érection un caractère divin dont on affuble les statuettes pour signifier la grâce qui les touche. 

Priape et son fameux « priapisme ».

Loin des impostures conservatrices pudibondes, le sexe a nourri les croyances, la foi et la ferveur des hommes et des femmes depuis la nuit des temps, au point d’accoucher, partout dans le monde d’entités célestes gardiennes des plaisirs charnels et des mœurs libertines. La preuve s’il en fallait une que sexualité et spiritualité ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Et si les dogmes modernes réprouvent le fantasmes, rien n’empêche de prier Ishtar, Priape ou Rāgarāja à l’occasion, pour se garantir l’expression d’une libido épanouie…

 

 

Aphrodite, Astarte, Ishtar, Rati, Freyja, Tlazolteotl ou encore Aizen Myō’ō, le panthéon des dieux sexuels, incroyablement vaste et varié, vaut le détour !

Ne tournons pas autour du pot, les religions modernes sont désespérément chastes. Pire, les trois grands monothéismes ont cette fâcheuse tendance à réduire le plaisir sexuel à l’œuvre du malin, le produit de Satan ou de Sheitan, la chute de Sodome et Gomorrhe, les complots de Babylone, la grande prostituée. C’est que dans les écrits, la tentation mène au désir, le désir à l’envie, et l’envie… au vice ! Bref, le cul, c’est plutôt le côté obscur de la Force. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Loin de là, même, puisque partout dans le monde, des peuples précolombiens aux tribus d’Afrique, des empires asiatiques aux états précurseurs de Mésopotamie, les polythéismes antiques sont peuplés de créatures spirituelles et d’entités divines vantant les bienfaits de la bagatelle sous toutes ses formes. Ces authentiques dieux et déesses du sexe méritaient donc bien un petit coup de projecteur !

Outre l’opération du Saint-Esprit, la conception est généralement une affaire de corps qui s’entremêlent, de frictions génitales et de mélanges de fluides. De la passion, de la tendresse et du plaisir ; bref des concepts fondamentaux de l’expérience humaine qui, au même titre que la justice, la nature ou la mort, relèvent de figures divines tutélaires, bien avant qu’on ne résume le bénéfice du sexe à son seul produit, la procréation. Désir, passion et fertilité, dans les croyances ancestrales, la sexualité est un tout qui s’incarne en diverses divinités de l’amour généralement féminines.

I’m your Venus…

La plus illustre de ce très charnel panthéon, c’est évidemment Aphrodite, déesse de l’amour du monde hellénique. Fille du grand Zeus et de Dioné (déesse primordiale vénérée à Dodone), elle est la beauté personnifiée, incarnation de l’amour et du plaisir sous toutes leurs formes, et en particulier les plus conquérantes. En effet, il n’existe aucune source représentant une Aphrodite victime, captive ou soumise, d’une force désirante supérieure. Elle est l’indomptable séduction, menant mortels comme immortels par le bout du nez, des vertiges de la passion aux abîmes du désespoir par l’inconstance de ses coups de cœur (et de reins). Demandez donc à Ephaïstos combien d’autrui il a trouvé dans le lit conjugal. Demandez donc à Paris si, au nom d’une pomme honnêtement décernée, l’abricot charnu et les pêches tendres de la belle Hélène valait la chute de Troie et l’anéantissement de son peuple. Assurément oui. La promesse de chaudes étreintes avec l’amante ou l’amant d’un soir ou d’une vie justifiera toujours les guerres les plus terribles et les parjures les plus immoraux. 

Bas relief d’Ishtar, précurseuse divine d’Astarte et d’Aphrodite.

Porteuse de guerre, même si pour les Grecs elle n’est pas une icône martiale, Aphrodite est une figure divine puissante, de tout premier ordre, dont le mythe transcende les cultures et les époques. C’est ainsi qu’on la retrouve sous la forme de Vénus chez les Romains ou Turan chez les Etrusques. Elle n’est toutefois pas l’incarnation originelle de la passion créatrice et mortifère. Bien avant elle, les Phéniciens vénérait Astarte, elle-même issue d’Ishtar ou Inanna, divinité centrale des croyances de Mésopotamie. Or Ishtar, c’est la conquête au sens large, celle des cœurs, des corps et des terres. Elle n’a d’ailleurs rien d’une mère, patronne matricielle du foyer et des enfants. Elle est la guerre, nouant à travers le sexe un lien inextricable entre amour et conflit, entre fertilité et destruction.

Make Love and War

Cette dualité, miroir de la psyché humaine, les déités du sexe composent nécessairement avec partout sur le globe, depuis la naissance des cultes. Tantôt protectrice et féconde comme l’égyptienne Bastet, la slave Dzydzilelya ou l’ouest-africaine Oshun, tantôt traîtresse et conquérante comme la phénicienne Astarte, la chinoise Jiutian Xuannü, la teutonne Freyja, entre l’harmonie amoureuse et le chaos passionnel, même les déesses du sexe doivent choisir leur camp. 

Sculpture de Rati, déesse hindoue de l’énergie sexuelle, à la volupté manifeste

Il est cependant quelques folklores où l’acte sexuel est célébré non pour ses implications sociales ou morales, mais pour sa seule fantaisie, le ravissement extatique qu’il produit. Dans l’hindouisme, Rati, épouse de Kama, dieu de l’amour, serait la personnification même de l’énergie sexuelle, attisant la flamme de la passion charnelle sur les braises de la tendresse installées par son divin et diligent mari. Le dieu bouddhiste chinois et tibétain Rāgarāja, aussi appelé Aizen Myō’ō au Japon, lui, convertit carrément le désir sexuel du monde matériel en éveil spirituel. Et on le sollicite autant pour des mariages heureux que pour des relations sexuelles réussies (passer un full-Nelson du premier coup, par exemple). Il compte aussi comme patron des communautés LGBT et des prostituées, en quelques sortes ses émissaires sur terre. Et il n’est pas le seul.

Dans la mythologie grecque, déjà, l’hétérosexualité est un concept très vague. Et il est naturel pour la plupart des dieux et des figures mythiques (Apollon, Aphrodite, Achille…) de fricoter avec le même sexe, qu’il s’agisse d’authentiques romances gayes, d’étreintes passagères. Le folklore chinois fait même état d’une figure spécifique à l’homosexualité masculine : Tu’er Shen, que certains courants politiques, plus conservateurs que la tradition elle-même, tente encore d’effacer.

Tlazōlteōtl, « la mangeuse d’immondices », consommatrices des péchés de l’humanité et déesse de la pipe.

Raideur olympique et gorge très profonde

Idem pour la prostitution. De Babylone à Corinth, le service sexuel n’était pas seulement toléré, mais parfois même sacralisé comme un rite au nom d’Aphrodite, d’Astarte, d’Innana, En Chine, c’est à Baimei Shen que les prostituées et les clients vouent des offrandes, lors de leur première passe dans un bordel. La fonction expiatoire du sexe se retrouve ainsi jusque dans les religions précolombiennes où Tlazolteotl, chez les Aztèques et les Toltèques, déesse-mère de la terre et des profondeurs avale les fautes des mourants par les services buccaux qu’elles prodigue au grand Quetzalcoatl, le dieu serpent, érigeant ainsi la gorge profonde en faveur divine.

Le tableau ne serait évidemment pas complet sans évoquer les représentants spirituels de la compétence la plus hasardeuse, la plus énigmatique, la plus capricieuse de la sexualité humaine : l’érection. Et ils sont aussi nombreux que divers, ces dieux turgescents gardien des fonctions érectiles. Les Grecs ont Pan, le satyre lubrique et Priape, au sexe géant et toujours dressé, dont on a dérivé le terme priapisme. Les Egyptiens ont Bès le farceur et Min, lui aussi invariablement roide, et dont on vient caresser l’entrejambe pour garantir une descendance prospère. Les Moche du Pérou font même de l’érection un caractère divin dont on affuble les statuettes pour signifier la grâce qui les touche. 

Priape et son fameux « priapisme ».

Loin des impostures conservatrices pudibondes, le sexe a nourri les croyances, la foi et la ferveur des hommes et des femmes depuis la nuit des temps, au point d’accoucher, partout dans le monde d’entités célestes gardiennes des plaisirs charnels et des mœurs libertines. La preuve s’il en fallait une que sexualité et spiritualité ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Et si les dogmes modernes réprouvent le fantasmes, rien n’empêche de prier Ishtar, Priape ou Rāgarāja à l’occasion, pour se garantir l’expression d’une libido épanouie…

 

 

Aphrodite, Astarte, Ishtar, Rati, Freyja, Tlazolteotl ou encore Aizen Myō’ō, le panthéon des dieux sexuels, incroyablement vaste et varié, vaut le détour !

Ne tournons pas autour du pot, les religions modernes sont désespérément chastes. Pire, les trois grands monothéismes ont cette fâcheuse tendance à réduire le plaisir sexuel à l’œuvre du malin, le produit de Satan ou de Sheitan, la chute de Sodome et Gomorrhe, les complots de Babylone, la grande prostituée. C’est que dans les écrits, la tentation mène au désir, le désir à l’envie, et l’envie… au vice ! Bref, le cul, c’est plutôt le côté obscur de la Force. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Loin de là, même, puisque partout dans le monde, des peuples précolombiens aux tribus d’Afrique, des empires asiatiques aux états précurseurs de Mésopotamie, les polythéismes antiques sont peuplés de créatures spirituelles et d’entités divines vantant les bienfaits de la bagatelle sous toutes ses formes. Ces authentiques dieux et déesses du sexe méritaient donc bien un petit coup de projecteur !

Outre l’opération du Saint-Esprit, la conception est généralement une affaire de corps qui s’entremêlent, de frictions génitales et de mélanges de fluides. De la passion, de la tendresse et du plaisir ; bref des concepts fondamentaux de l’expérience humaine qui, au même titre que la justice, la nature ou la mort, relèvent de figures divines tutélaires, bien avant qu’on ne résume le bénéfice du sexe à son seul produit, la procréation. Désir, passion et fertilité, dans les croyances ancestrales, la sexualité est un tout qui s’incarne en diverses divinités de l’amour généralement féminines.

I’m your Venus…

La plus illustre de ce très charnel panthéon, c’est évidemment Aphrodite, déesse de l’amour du monde hellénique. Fille du grand Zeus et de Dioné (déesse primordiale vénérée à Dodone), elle est la beauté personnifiée, incarnation de l’amour et du plaisir sous toutes leurs formes, et en particulier les plus conquérantes. En effet, il n’existe aucune source représentant une Aphrodite victime, captive ou soumise, d’une force désirante supérieure. Elle est l’indomptable séduction, menant mortels comme immortels par le bout du nez, des vertiges de la passion aux abîmes du désespoir par l’inconstance de ses coups de cœur (et de reins). Demandez donc à Ephaïstos combien d’autrui il a trouvé dans le lit conjugal. Demandez donc à Paris si, au nom d’une pomme honnêtement décernée, l’abricot charnu et les pêches tendres de la belle Hélène valait la chute de Troie et l’anéantissement de son peuple. Assurément oui. La promesse de chaudes étreintes avec l’amante ou l’amant d’un soir ou d’une vie justifiera toujours les guerres les plus terribles et les parjures les plus immoraux. 

Bas relief d’Ishtar, précurseuse divine d’Astarte et d’Aphrodite.

Porteuse de guerre, même si pour les Grecs elle n’est pas une icône martiale, Aphrodite est une figure divine puissante, de tout premier ordre, dont le mythe transcende les cultures et les époques. C’est ainsi qu’on la retrouve sous la forme de Vénus chez les Romains ou Turan chez les Etrusques. Elle n’est toutefois pas l’incarnation originelle de la passion créatrice et mortifère. Bien avant elle, les Phéniciens vénérait Astarte, elle-même issue d’Ishtar ou Inanna, divinité centrale des croyances de Mésopotamie. Or Ishtar, c’est la conquête au sens large, celle des cœurs, des corps et des terres. Elle n’a d’ailleurs rien d’une mère, patronne matricielle du foyer et des enfants. Elle est la guerre, nouant à travers le sexe un lien inextricable entre amour et conflit, entre fertilité et destruction.

Make Love and War

Cette dualité, miroir de la psyché humaine, les déités du sexe composent nécessairement avec partout sur le globe, depuis la naissance des cultes. Tantôt protectrice et féconde comme l’égyptienne Bastet, la slave Dzydzilelya ou l’ouest-africaine Oshun, tantôt traîtresse et conquérante comme la phénicienne Astarte, la chinoise Jiutian Xuannü, la teutonne Freyja, entre l’harmonie amoureuse et le chaos passionnel, même les déesses du sexe doivent choisir leur camp. 

Sculpture de Rati, déesse hindoue de l’énergie sexuelle, à la volupté manifeste

Il est cependant quelques folklores où l’acte sexuel est célébré non pour ses implications sociales ou morales, mais pour sa seule fantaisie, le ravissement extatique qu’il produit. Dans l’hindouisme, Rati, épouse de Kama, dieu de l’amour, serait la personnification même de l’énergie sexuelle, attisant la flamme de la passion charnelle sur les braises de la tendresse installées par son divin et diligent mari. Le dieu bouddhiste chinois et tibétain Rāgarāja, aussi appelé Aizen Myō’ō au Japon, lui, convertit carrément le désir sexuel du monde matériel en éveil spirituel. Et on le sollicite autant pour des mariages heureux que pour des relations sexuelles réussies (passer un full-Nelson du premier coup, par exemple). Il compte aussi comme patron des communautés LGBT et des prostituées, en quelques sortes ses émissaires sur terre. Et il n’est pas le seul.

Dans la mythologie grecque, déjà, l’hétérosexualité est un concept très vague. Et il est naturel pour la plupart des dieux et des figures mythiques (Apollon, Aphrodite, Achille…) de fricoter avec le même sexe, qu’il s’agisse d’authentiques romances gayes, d’étreintes passagères. Le folklore chinois fait même état d’une figure spécifique à l’homosexualité masculine : Tu’er Shen, que certains courants politiques, plus conservateurs que la tradition elle-même, tente encore d’effacer.

Tlazōlteōtl, « la mangeuse d’immondices », consommatrices des péchés de l’humanité et déesse de la pipe.

Raideur olympique et gorge très profonde

Idem pour la prostitution. De Babylone à Corinth, le service sexuel n’était pas seulement toléré, mais parfois même sacralisé comme un rite au nom d’Aphrodite, d’Astarte, d’Innana, En Chine, c’est à Baimei Shen que les prostituées et les clients vouent des offrandes, lors de leur première passe dans un bordel. La fonction expiatoire du sexe se retrouve ainsi jusque dans les religions précolombiennes où Tlazolteotl, chez les Aztèques et les Toltèques, déesse-mère de la terre et des profondeurs avale les fautes des mourants par les services buccaux qu’elles prodigue au grand Quetzalcoatl, le dieu serpent, érigeant ainsi la gorge profonde en faveur divine.

Le tableau ne serait évidemment pas complet sans évoquer les représentants spirituels de la compétence la plus hasardeuse, la plus énigmatique, la plus capricieuse de la sexualité humaine : l’érection. Et ils sont aussi nombreux que divers, ces dieux turgescents gardien des fonctions érectiles. Les Grecs ont Pan, le satyre lubrique et Priape, au sexe géant et toujours dressé, dont on a dérivé le terme priapisme. Les Egyptiens ont Bès le farceur et Min, lui aussi invariablement roide, et dont on vient caresser l’entrejambe pour garantir une descendance prospère. Les Moche du Pérou font même de l’érection un caractère divin dont on affuble les statuettes pour signifier la grâce qui les touche. 

Priape et son fameux « priapisme ».

Loin des impostures conservatrices pudibondes, le sexe a nourri les croyances, la foi et la ferveur des hommes et des femmes depuis la nuit des temps, au point d’accoucher, partout dans le monde d’entités célestes gardiennes des plaisirs charnels et des mœurs libertines. La preuve s’il en fallait une que sexualité et spiritualité ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Et si les dogmes modernes réprouvent le fantasmes, rien n’empêche de prier Ishtar, Priape ou Rāgarāja à l’occasion, pour se garantir l’expression d’une libido épanouie…

 

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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