À quoi joue Siffredi ?

L’acteur qui a fait vibrer la planète gonzo, entretient avec talent, à 50 ans passés, le culte de sa personnalité.

De l’école au porno

En France on pourra le voir à Trouville-sur-Mer (Calvados), du 16 au 19 juin 2016, pour le Festival du Film Culte, dont il sera un des jurés. Culte, Siffredi l’est certainement, d’abord par sa carrière splendide, avec autant de statuettes remportées que d’années au compteur, et par sa facilité à générer de l’argent autour de sa personne. Rocco est une marque qui s’exporte bien et l’acteur en a encore dans le slip, comme il le démontre récemment dans la septième suite de Rocco’s perfect slaves, qui exploite efficacement le style punchy de « l’italian stallion ». Mais le risque non négligeable de disparaître dans les oubliettes de l’histoire l’ont poussé d’une part à s’internationaliser au maximum, d’autre part à donner des conférences, le plus souvent dans son Italie natale, afin d’apporter son expertise sur les sujets les plus divers, et donc d’étendre ses champs de compétence. Le petit écolier qui a bien grandi se faisait surprendre par sa mère dans les toilettes de la demeure familiale. Aujourd’hui, il ouvre une université du porno, participe aux télés-réalité italiennes, fait le tour des plateaux européens et cartonne évidemment au Japon. En s’attaquant à l’image de l’éducation, au travers de son université X puis par ses interventions de plus en plus fréquentes sur des sujets très divers, Rocco s’assure ainsi une présence médiatique régulière et incontestable qui couvre des domaines bien plus large que le X, quitte à s’éloigner parfois beaucoup et à susciter des interrogations.

Du porno à l’école

Dans la télé-réalité Casa Siffredi, l’acteur renvoie une image familiale et décontractée, toute autre que celle à laquelle il nous a habitués. Il faut que rappeler qu’en Italie Rocco bénéficie d’un véritable culte. En étant le porte-drapeau du gonzo italien, dans un style plutôt athlétique, ponctué de claques, de crachats, de gorges profondes et de sodomies intenses, il a permis de  faire connaître les pratiques BDSM, et a repoussé les limites du politiquement correct, dans un pays où la religion est reine. Cette alternance entre figure hard et familiale il la réitère souvent, par exemple lorsqu’il révèle que ses parents, d’origine modeste et traditionnelle, l’ont encouragé dans la voix du X tout au long de sa carrière. Siffredi gomme les frontières très bien gardées de la famille italienne, dans laquelle la femme ne peut-être à la fois mère et salope.

Légitimité de l’acteur X

Mais ce qui fait réellement débat aujourd’hui en Italie, c’est la légitimité de ce personnage qui a pris de plus en plus de poids dans la sphère médiatique. Invité de tous les plateaux, soutenu par le groupe Mediaset, le bébé de Silvio Berlusconi, Rocco bénéficie d’appuis de poids, et on lui propose régulièrement d’intervenir sur des sujets qui n’ont pas grand-chose à voir avec les films pornos. Ainsi, invité à débattre au sein de la très sérieuse et beaucoup moins porno Université de Firenze, sur cet épineux sujet : « Maisons closes : Italie vs Europe », Rocco saute sur l’occasion. Tout semble prêt, la date, le lieu, quand l’université fait annuler l’évènement, sans en expliquer les raisons. Angela Sorice, coordinatrice de l’Action Universitaire de Firenze qui a organisé le débat est furieuse et parle de « censure. », devant un personnage sulfureux qui bouscule trop les codes de l’académie. Les étudiants à l’origine du projet parlent pourtant d’une occasion unique d’entendre la voix d’un homme peut-être plus compétent que les nombreux politiques italiens également invités. Rocco continue de bousculer son monde, de jouer avec la société italienne, et c’est tant mieux.