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Bio/Milieu du X

Xvideos rachète Penthouse !

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Tout comme Playboy, dont nous évoquions la lente décrépitude dans un précédent article, le magazine Penthouse, son concurrent direct, sombrait peu à peu depuis plusieurs dizaines d’années, voyant ses ventes se réduire comme peau de chagrin. Il est loin, le numéro de novembre 1972, écoulé à 7,1 millions d’exemplaires. En janvier 2016, le groupe Penthouse annonçait même la fin de son édition sur papier glacé, pour se concentrer uniquement sur sa publication en ligne. Une nouvelle mouture « plus étendue, disponible tout le temps, partout » qui devait « convertir tout ce que les lecteurs connaissent et aiment dans la version papier ». Ça n’a pas suffi. Au bord de la banqueroute depuis 2015, Penthouse a finalement été mis en vente pour éviter la disparition pure et simple.

 

Heureusement, un fier et noble acquéreur s’est porté au secours de la marque, pour la somme rondelette de 11,2 millions de dollars : un certain WGCZ Ltd S.R.O. Enfin, fier et noble, pas tout à fait… C’est que le groupe WGCZ est en réalité la maison-mère du premier site de streaming pornographique gratuit au monde, en terme de trafic, le bien-nommé Xvideos.com. Fort de 4,4 milliards de visites par mois, il est le seul à tenir la dragée haute au colossal Pornhub de MindGeek.

 

En clair, WGCZ est un titan du marché pornographique dont les revenus, ainsi que l’identité de son propriétaire, un Français, restent désespérément obscurs. Un titan, vorace et impitoyable, qui comme son rival, poursuit sa stratégie d’acquisition verticale des différents acteurs du business. Car, il est important de le rappeler, le groupe n’a pas fait fortune en capitalisant sur un savoir-faire, ou même une passion, en matière de création pornographique. Au contraire. C’est en se servant des nouvelles technologies de l’information (streaming, haut-débit, etc.) pour s’approprier illégalement cette création, en la dilapidant comme de la monnaie de singe, et en se rinçant en trafic publicitaire, que les WGCZ, les MindGeek, les ManWin et consorts aux noms proprets d’anti-virus se sont assis sur le porn-business. En outre, Xvideos s’est d’ailleurs tristement illustré à ce sujet en 2015, en proposant un choix extrêmement simple aux propriétaires de contenus qui, en désespoir de cause, avaient fini par diffuser leur travail sur la plateforme : soit ils renonçaient à leur droit de supprimer leurs vidéos selon leur gré et acceptaient que celles-ci apparaissent sur la plateforme ad vitam aeternam, soit ils voyaient leur chaîne purement et simplement supprimée. 

Avec cette nouvelle acquisition, WGCZ met non seulement la main sur une marque au nom culte et sur une antenne médiatique reconnue dans la profession, mais aussi sur un studio de production et un catalogue de films démesuré, comptant en son sein des métrages mythiques comme le Caligula pornographique de Tinto Brass, avec Helen Miren et Peter O’Toole. Bref, de la confiture à des cochons.

 

Car il est révolu le temps où les magnats du porno étaient d’authentiques faiseurs, qui, faute de moyens, photographiaient eux-même leurs modèles comme le faisait à ses débuts Robert C. Guccione, le fondateur du magazine, qui illustraient de leurs propres mains leur périodique comme Hugh Hefner. « Bob » est mort en 2010, « Hef » en 2017, et s’ils n’avaient sans doute aucun problème avec l’enrichissement personnel à outrance, ils avaient su conserver une once de conviction, un soupçon de considération de la pornographie en tant qu’œuvre avant d’être un produit. Mais peut-être que je me trompe. Peut-être que celui ou celle qui sera placé à la tête du nouveau Penthouse ne sera pas un requin prêt à brader ce qu’il reste de l’esprit du magazine contre quelques clics et un taux de rebond compétitif. Peut-être qu’il s’agira d’un rêveur, un brin rebelle, un brin artiste, un brin trash, qui perpétuera cet héritage d’anti-conformisme qui, très récemment, osait encore afficher Stormy Daniels en couverture. Peut-être que le nouveau Penthouse ne deviendra pas une jolie vitrine sans âme, porte-voix d’un empire médiatique sans propos…

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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