Le porno, par-derrière

Une BD humoristique de Nicolin, un témoignage de Céline Tran [ex-Katsuni], et une enquête de la journaliste Laureen Ortiz : trois ouvrages sortis presque en même temps, traitant à leur manière de l’envers du décor de cette industrie du porno qui continue de fasciner… Nous avons rencontré Nicolin, et lu pour vous les ouvrages de Céline Tran et de Laureen Ortiz.

Céline Tran assume Katsuni

Le porno côté coulisses, mais raconté par une femme qui l’a vécu dans sa chair. Dans son autobiographie, Céline Tran revient sur les treize années passées à travailler sous le pseudo de « Katsuni ».

Dans son livre Ne dis pas que tu aimes ça, Céline Tran raconte Katsuni, personnage qu’elle a choisi de jouer pour, selon elle, transcender sa condition, devenir une « Wonder woman ». À la sortie du livre, elle confiait à Rue89 : « Katsuni, c’était mon nom de guerrière, mon personnage, pas moi. J’y mettais certes beaucoup de ma personne, mais l’on ne pouvait pas me réduire seulement à ça. »

Le titre du livre, plutôt surprenant, est textuellement la recommandation donnée à Céline Tran par une attachée de presse, sur un plateau télé. Cette phrase, « ne dis pas que tu aimes ça », l’a profondément choquée. Selon elle, pour vendre un livre, et parler à la télévision en tant qu’actrice « rhabillée », on ne peut revendiquer le fait d’avoir pris du plaisir en exerçant ce métier. Non, il est acceptable d’avoir fait du porno si l’on a été violé, si l’on ne tourne des scènes qu’avec son copain, si l’on regrette, ou encore si l’on est féministe !

Katsuni avoue : « Moi, je venais avec “oui mais ça me plaît” et ça passait rarement. La preuve, on propose le livre avec une interdiction aux moins de 18 ans, sous blister, parce que ça peut passer pour de l’incitation à la débauche. En termes de promo, il y a aussi des médias qui se sont décommandés, parce que ce discours ne passe pas. » [source : rue89] Si une carrière dans le X peut être à ce point épanouissante, pourquoi y mettre un terme ? Pour Céline, c’est l’amour d’un homme qui lui a fait découvrir, sur le tard, « l’aspect intime du rapport sexuel ». Dès lors, elle ne supporte plus que d’autres hommes la touchent. Cette rencontre, conjuguée à treize années dans un business qu’elle a fini par ne plus reconnaître, a eu raison de sa motivation. Une nouvelle vie commence, en tant qu’actrice « traditionnelle » [on peut citer Les Lascars, en 2009, ou Jailbreak, de Jimmy Henderson, en 2017], scénariste de BD [pour la collection Doggybags, sous le label 619 chez Ankama], et performeuse artistique, notamment avec Prune Nourry.

La Porn Valley en mode gonzo

Porn Valley, c’est l’enquête passionnante, racontée sur le mode immersif en première personne [l’essence du journalisme gonzo], menée par Laureen Ortiz dans les coulisses de l’industrie du porno californien.

Dans son livre, la journaliste décrit les conséquences très concrètes de la transformation du business du X, consécutive au rachat des studios de la San Fernando Valley par les tubes détenus par la tentaculaire société Mindgeek. « Ils se sont construits sur le piratage, sur le vol de nos œuvres, déplore l’actrice X Tasha Reign, puis ils sont devenus si gros qu’on a dû apprendre à travailler avec eux. » Les actrices Phyllisha et Bobbi Starr servent de fil rouge à l’enquête. Celle-ci s’attarde souvent sur les parcours accidentés des filles de cette industrie, sur les IST qui prolifèrent depuis l’abandon du préservatif par les producteurs, et sur les suicides dont le rythme s’est accéléré. On attend d’ailleurs une enquête de terrain aussi documentée sur ceux qui, contre vents et marées, travaillent de manière professionnelle en portant une attention particulière à la santé et au bien-être des actrices. En Europe, et notamment en France, cela existe encore !