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Bio/Milieu du X

Ejac faciale : jouissez sans entrave !

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Le porno, par sa diversité actuelle aujourd’hui mondiale, nous émerveille chaque jour de nouvelles pratiques absurdes, de fétichismes obscurs et de paraphilies inédites dans lesquels il est fascinant de se plonger, pour entrevoir l’étendue quasi-infinie des fantasmes humains. Toutefois, il est parfois pertinent de se pencher sur certains de ses fondamentaux, ses lieux communs, surtout lorsque ceux-ci se révèlent aussi saugrenus que ses pratiques marginales. C’est le cas de l’éjaculation faciale, l’un des poncifs les plus courants de la dialectique porno. Pourquoi diable dans l’immense majorité des séquences pornographiques modernes, que l’on traite de porno hétéro ou gay, a-t-on pris l’étrange habitude de cracher la purée au visage des performeuses et des performeurs ?

Au fond, à la fin d’un rapport sexuel classique, est-ce qu’on se doit de quitter l’orifice chaud et enveloppant de son partenaire pour lui signifier notre plaisir en l’éclaboussant de sa semence ? Non. Le fameux cumshot n’a donc rien de naturel, ni même de traditionnel. D’ailleurs, même dans le X, il n’a pas toujours été. Durant l’Âge d’Or du porno, dans les années 70 à 80, la pornographie « softcore » avait pignon sur rue. Aussi, les orgasmes y étaient signifiés par des inserts sur les visages extatiques des protagonistes, les actes sexuels étant de toutes les manières simulés une fois sur deux. Le porno d’alors était déjà suffisamment scandaleux aux yeux du public pour ne pas avoir à donner dans la surenchère visqueuse.

Orgasme vintage

Il faut attendre l’arrivée du gonzo et plus particulièrement la réduction de l’unité narrative du X du film à la scène pour voir la pratique se démocratiser. Et c’est d’ailleurs l’un des tout premiers intérêts de l’éjac faciale en matière de mise en scène, un intérêt narratif ; ou plutôt méta-narratif. En effet, si le gonzo a réduit la pornographie à la monstration de l’acte sexuel, il reste malgré tout prisonnier de l’un des ressorts les plus immuables de l’art poétique, la narration en trois actes : introduction/situation initiale, développement/péripéties, conclusion/épilogue. De fait, la bite se révèle être un sujet particulièrement adéquat sur lequel plaquer ce schéma, en ce qu’elle dispose elle aussi de trois états analogues, le triptyque demi-molle/préliminaires, érection/limage, débande/éjaculation. Outre le débat sur le patriarcat, qui infuse chaque représentation sexuée dans notre société, il pourrait en l’occurrence s’agir d’une des principales raisons pratiques expliquant le phallocentrisme du porno. Le chibre est un support narratif bien plus visuel et bien moins subtil que le con. Toujours est-il que l’éjaculation constitue ainsi une conclusion formelle qui se passe de tout commentaire. Circulez, il n’y a plus rien à voir…

Vient alors la question : « Sur quoi donc éjaculer ? » John ‘Buttman’ Stagliano, inventeur du gonzo, apporte une réponse limpide. « Si vous faites un cumshot, vous devriez le faire sur la belle plus partie du corps féminin. Si une fille à un beau visage, y éjaculer souligne ce trait. Le visage est la partie la plus évocatrice que nous ayons. C’est en général la portion du corps féminin la plus intéressante à regarder – sauf si elle n’a pas un joli visage. » Ce qui nous amène au second point : l’esthétique.

 

Comme l’a justement souligné le légendaire Buttman, le visage est le centre des émotions humaines. Aussi, l’éjaculation faciale confine au spectaculaire ; l’explosion de l’orgasme formalisé par les jets opalins se déversant à grands flots sur les lèvres pulpeuses, le nez mutin, les cils délicats d’une actrice gémissante, ravie par le plaisir (généralement simulé). La faciale est en quelque sorte le pay-off ultime du X, c’est pourquoi elle aussi appelée money shot, du nom de cette séquence où, dans le cinéma traditionnel, le réalisateur fait péter la production-value dans une démonstration d’effets pyrotechniques. La pratique est, de plus, chargée du symbolisme pornographique le plus pur : la beauté souillée par le vice dans la jouissance.

 

Enfin, l’éjaculation faciale revêt une certaine praticité du point de vue de la production. D’abord, et on l’a suggéré précédemment, elle facilite la conclusion d’une scène. D’un même plan, on clôt les ébats, puis on assiste au salut de l’actrice par le biais de clins d’œil, sourires et baisers jetés à son public, commentaires du cadreur et baisser de rideau. Emballé, c’est pesé ; et c’est tout de même plus élégant qu’un fondu au noir sur un trou de balle en fleur. Deuxièmement, que l’on tourne avec ou sans capote, selon des chartes de production et des législations locales variables, elle offre un final digne de ce nom. Car d’une part, elle élude la question existentielle du « creampie or not creampie » ; d’autre part, personne n’a envie de voir un préservatif se remplir comme apogée suprême d’une séquence à but masturbatoire.

Cependant, le money shot n’est pas exempt d’inconvénients. Déjà, sa commodité se doit d’être quelque peu relativisée. Ça n’a rien de particulièrement marrant pour un acteur de quitter l’antre chaude de sa partenaire pour s’astiquer comme un con devant 5 ou 6 personnes, actrice comprise, qui n’attendent rien d’autre que de vous voir finir tout ça en vitesse pour aller prendre leur pause déj’. En outre, il faut bien admettre que c’est assez ridicule. Avis aux spectateurs avertis qui s’y seraient déjà essayés.

 

Est-ce pour autant une pratique humiliante ? Oui… Non… Peut-être… Est-ce que la levrette, le cunnilingus, l’amazone ou le face-sitting relèvent de la domination ? C’est à chacun d’en juger, la seule question qui importe en matière de sexualité étant : « Avez-vous envie d’en voir et/ou de vous y prêter ? » Certains y voient un argument d’autorité du mâle souillant la femelle de sa semence (le foutre serait donc sale), d’autres préfèrent la concevoir comme un symbole d’emprise de la femme sur l’homme, qui constate par les faits sa toute-puissance sexuelle. À vous de juger…

 

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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