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[Brève #92] Le grand remballage de Mia Khalifa

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C’est l’info chaude du moment. Dans une récente interview (disponible sur Youtube), la célèbre Mia Khalifa revient sur « la plus grande erreur de sa vie », sa carrière pornographique, pour faire une croix définitive dessus ; « c’est ce que j’ai fait, pas ce que je suis. » Une réflexion qui passe assez mal auprès d’un business qui l’a érigée en superstar et dont les représentantes actuelles, un brin susceptibles, apprécient moyennement qu’on vienne cracher dans la soupe.

En tournant, en 2014, une scène pornographique vêtue d’un hijab, la jeune Mia Khalifa, alors 21 ans, ne mesure pas bien les futures conséquences de son geste. « Vous allez me faire tuer », dit-elle, piquante, aux producteurs. Et c’est effectivement l’explosion : emballement de la presse, menace de mort de la part de l’état islamique, interdiction de territoire dans plusieurs pays et surtout, number one sur Pornhub pour les 3 prochaines années. Instantanément, la débutante devient une légende, une icône internationale, égérie scandaleuse d’un business avide de polémique.

Cinq ans plus tard, la voilà dans le salon de Megan Abbott, une « life coach » dont la page Youtube comptabilise moins de vues que vos vidéos de vacances, et qui s’apprête à réaliser l’interview du siècle. Dans ce décor façon catalogue de mobilier pour bourgeoise neurasthénique, l’ex-actrice, fatiguée de n’être jamais citée qu’en tant que pornstar, vient tirer un trait définitif sur ses aventures polissonnes, en parler une dernière fois pour achever sa « thérapie » (« healing ») vis-à-vis de la « honte » (« shame »). « Ce n’était pas moi », « j’avais besoin de l’attention masculine », « c’est ce que j’ai fait, pas ce que je suis »… On connaît la musique.

Et tant pis si, ce faisant, elle dénigre sur les superstars actuelles du X. Peu importe si elle a conservé le nom qui l’a rendu célèbre, la notoriété qui a découlé de ses performances. Peu importe qu’elle ait rongé jusqu’à la trame le filon du charme virtuel, monnayant photos explicites et vidéos érotiques sur les plateformes de crowdfunding et les réseaux sociaux pour adultes bien après sa retraite officielle. La réhabilitation, la respectabilité médiatique a un prix, celui de la dignité des sex-workers.

Doit-on vraiment l’en blâmer ? Le porno est une taule, certes parfois dorée, mais une taule quand même. Et quiconque veut en sortir doit courber l’échine, baiser les mains de la morale bon-teint et de la bienséance puritaine, et jurer qu’on n’y a jamais, au grand jamais, pris le moindre plaisir.

Performeuse passable à la filmo rachitique (une grosse dizaine de séquences) ; débutante devenue superstar malgré elle ; post-adolescente complexée propulsée ennemi public numéro 1 de Daesh ; illustre inconnue changée du jour au lendemain en référence médiatique ; Mia Khalifa allait-elle vraiment cracher sur pareille chance de rédemption ? Il n’y a là rien d’autre que le parcours légitime d’une jeune fille qui n’a jamais vraiment aimé le X. À défaut d’indulgence, sachons lui accorder l’oubli, l’indifférence et l’anonymat auxquels elle dit tant aspirer…

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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