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[Porno-Graffiti] Rencontre avec Kline, graffeur pour Jacquie & Michel

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Graffeur montpelliérain pur jus et explorateur urbain aguerri, le sympathique Kline a été sollicité par Chris Demer, réalisateur chez Jacquie & Michel, pour une œuvre picturale sur les lieux du dernier tournage de la firme bicéphale, avec la radieuse Caroline Tosca pour principale protagoniste. L’occasion d’une rencontre entre deux univers à la marge, le tag et le X, pas si étrangers l’un de l’autre, à en croire le peintre urbain. Un moment qu’il nous relate dans un entretien exclusif accordé à La Voix du X

Salut Kline. Explique-nous ; comment en es-tu venu au graffiti ?

Ça fait longtemps que je fais ça. Depuis 2007, donc 12 ans. Mais depuis tout petit, je dessine. J’ai toujours aimé ça. Et j’avais des petits voisins, des gamins, qui en faisaient. Quand j’ai vu que, les bombes de peintures, tu pouvais en trouver partout, qu’il y a même des magasins spécialisés, que je pouvais facilement m’en sortir, j’ai compris que ça m’intéressait. Quand tu passes dans une rue, que tu poses ta signature, ça fait quelque chose en plus. C’est tout bête, hein. Mais, par exemple, j’ai perdu un ami, il y a trois-quatre ans. Et en allant à Boisseron mercredi, je suis passé devant un panneau où il y a son inscription. Quatre ans après. Toi, tu te remémore quelqu’un avec des photos, des images, des pensées. Moi, quand je perds quelqu’un, je vais passer devant un panneau et voir son nom. Ça fait plaisir de passer dans des endroits et de se dire : « Lui, il est venu ici. » ou « Qu’est-ce qu’il est venu faire là, lui ? »

Vous vous connaissez tous ?

Le graff’, c’est une grande famille. Qui dit graffeur dit tatoueur. Qui dit graffeur dit dessinateur. Qui dit graffeur dit aussi assureur, dit banquier. On en a aussi dans l’équipe.

Ce n’est donc pas un milieu de marginaux désocialisés.

Non, pas du tout. C’est vraiment quelque chose qu’il faut faire comprendre aux gens. J’ai un ami, il a une agence immobilière et il est graffeur. Ça ne veut strictement rien dire. C’est plutôt des gens bien qui font ça. Un mouvement assez sympathique, qui permet de rencontrer des gens

Tu as dû pas mal barouder. Pour la scène de Jacquie & Michel, c’était toi le guide ?

Oui. Quand j’ai rencontré Chris, on est parti au Château Halibi à Boisseron, voir un peu comment c’est. Je lui ai fait découvrir l’endroit, il ne connaissait pas.

En mode « urbex », j’imagine ? (l’exploration sauvage de bâtiments abandonnés)

Exactement. J’ai beaucoup peint dans les villes alentour, mais passé un certain temps, tu as autre chose à faire que de courir partout. Aujourd’hui, j’aime bien avoir des spots où me poser, tranquille. Ce château, il est très sympa, il a une belle histoire. En plus, le proprio n’est pas contre qu’on aille faire des graff’ là-bas. Et tu croises toujours des gens.

La fresque est classieuse. Jacquie & Michel, ça t’inspirait ?

Je fais du graffiti par passion. Pas pour gagner de l’argent, mais pour mettre de la couleur sur les murs gris. J’aime bien les tons pastel, le rose notamment, ce qui coïncide beaucoup avec l’image de J&M. Du coup, l’idée était assez cool, l’occasion de graffer autre chose que son nom à chaque fois. Et puis ça permet de voir l’envers du décor. Parce que je ne te cache pas que je ne suis pas un dingue de porno. Et c’est des gens très intéressants. Chris est une personne très gentille. C’est ça qui est sympa avec le graff’, on fait plein de rencontres.

Chris Demer disait d’ailleurs qu’ils avaient passé un super moment avec toi.

Oui, je ne les remercierai jamais assez, avec Jacquie & Michel et Caroline Tosca. Tu vois, j’ai perdu l’un de mes meilleurs amis il y a quelques jours, le soldat qui est mort au Mali. Pour le tournage, au lieu de marquer mon nom, j’avais fait un graffiti pour mon pote. J’ai fait poser Caroline devant et je lui ai envoyé. Ça m’a permis de lui faire plaisir et de lui transmettre ma force au Mali. Le drame est survenu quelques jours après. Mais j’ai pu communiquer avec lui quarante-huit heures avant que ça n’arrive.

Les deux tags, côte à côte.

Il y a eu beaucoup de respect entre Chris et moi. J’ai pris beaucoup de photos, de la scène, des graffitis, de la peinture que j’ai faite, pour moi et pour mon pote au Mali. Bien sûr, je n’allais pas les diffuser avant que la scène sorte. On s’est mis d’accord, à l’amiable, sans se faire signer aucun papier.

J’avais entendu des trucs sur Jacquie & Michel : « ça parle mal, ça force les gens. » Mais ça force rien du tout, frérot. Je l’ai vu le mec, il est carré. Sa femme, Catalya, elle est super-gentille. L’acteur était super-cool aussi. Tout le monde était sympa. On a passé une très bonne journée. À la base, je comptais juste peindre, prendre deux-trois photos et partir. Et au final, je suis resté toute la journée avec eux. Je ne connaissais pas cet univers, et ça ne m’a pas dérangé. Au contraire, c’était vraiment enrichissant. Ça m’a fait plaisir de peindre, de faire ça pour eux.

Ça te prend combien de temps de faire une pièce comme ça ?

Celle-ci, elle ne m’a pas pris longtemps. Mais j’ai une petite anecdote. J’étais venu au château la veille, j’avais commencé à faire mon blaze sur la droite. J’avais entamé le tracé Jacquie & Michel, proprement et tout. Et quelqu’un est repassé par là, entre la veille et le tournage, et il a toyé ma pièce (le fait de recouvrir la peinture d’un autre). Je suis revenu le lendemain matin à 10h et j’ai dû tout refaire jusqu’à midi et demi. Dis-toi qu’en deux heures et demi, j’ai réussi à refaire le graff’ pour mon pote, le « Jacquie & Michel », et le « Kline » sur la droite. Donc, pour le « Jacquie & Michel », il faut compter une quarantaine de minutes.

Et le porno, dans cette histoire ?

Je me posais la question avant de venir : « Quand même, ça va être gênant de voir des gens faire ça. » Et en fait, tu te rends compte que c’est un milieu complètement professionnel. Il y avait même le mari de l’actrice. Chacun voit midi à sa porte. Il y a des gens qui restent en couple pendant vingt ans, et ils se font chier vingt ans de leur vie. Et il y a des gens, comme Caroline et son mari, qui profitent. Moi, je comprends tout à fait. Quand j’ai vu la scène, j’ai compris que c’était un métier, une passion, comme moi pour le graff’. Si demain, quelqu’un vient me voir pour faire un graffiti pour son magasin ou autres, je ne vais pas refuser, au contraire, je vais vivre de ma passion. Bah, elle, elle vit de la sienne. Tant mieux pour elle.

Le graff’, c’est plus accepté aujourd’hui ou tu flirtes toujours avec l’illégalité ?

Courant 2010, on a créé une appellation : le « street-art », l’art de la rue. Nous, à Montpellier on a pu remarquer que le street-art, c’est un mec qui va dessiner un truc, un personnage, un animal, quoi que ce soit ; si toi, tu viens tagger tout autour, ça va rester. Mais si tu as le malheur de passer dessus, même pour faire une jolie couleur, alors tout va disparaître. Si, demain, je vais dans la rue, j’utilise les mêmes couleurs que le street-artist, je fais une joli lettrage. Eh bien, mon lettrage ne restera pas, mais son « street-art », si. Le street-artist se fait attraper, il ne prendra rien, le graffeur, lui, il va prendre quelque chose.

La police est déjà venue me trouver alors que je taguais dans un endroit abandonné. Ils ont menacé de m’embarquer. Mais pourquoi, en fait ? Ça avait brûlé, re-brulé et re-re-re-brûlé, ça n’appartient à personne. Je suis tranquille avec ma musique, ma peinture, ma femme et mon chien, et on vient me faire des histoires. On est dans une période où on aime se foutre de la gueule du monde. Je vois des marques qui vont se permettre de faire du graff’, des tags coulants pour leur pub. Et à côté de ça, l’artiste qui t’a donné l’inspiration, tu l’as réprimé toute ta vie… Après, je comprends. Si tu peins n’importe où, tu as des problèmes. C’est normal.

Merci Kline pour ces quelques mots.

Avec grand plaisir. Passe une bonne journée ! 

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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