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Peut-on en finir avec le tag ?

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Votre fantasme du jour est aux belles femmes voluptueuses honorées par d’impressionnants partenaires afro-américains qui, si possible, leur dilateraient la pastille de leurs phallus gargantuesques. C’est donc avec ce sens de la poésie caractéristique que vous tapez « bbw interracial anal bbc » dans la barre de recherche de votre plateforme pornographique payante -car vous êtes un consommateur éclairé– préférée. Le « tag », ou « étiquette » en français, c’est ça : un mot-clé lapidaire conçu pour relier l’offre pornographique à la demande masturbatoire. Le souci du tag, c’est qu’il a un peu trop tendance à résumer la félicité quasi-mystique de l’acte charnel en un nuancier de couleurs et une somme de positions. Ce faisant, il cristallise la colère des anti-porno qui y voient l’exemple parfait de la misanthropie militante des pornographes. Le X pourrait-il alors s’affranchir du tag et du profond mépris des êtres qu’il véhicule ?

 

Le tag pas parfait

« big boobs », « blonde », « teen », « 18yo », « arab », vu comme ça, le tag n’est déjà pas franchement reluisant, à réduire celles et ceux qui font du X à l’expression d’un caractère physique, d’une ethnie grossièrement attribuée ou d’un âge supposément sexy. Si en plus on ajoute à son lexique des locutions proprement dépréciatives voire insultantes : « ebony », « midget », « beurette », « shemale », on perçoit assez vite la dimension problématique de l’outil. Par goût pour la vulgarité et la provoc’ (on est dans le porno après tout), le tag cultive un vocabulaire salace et grossier qui se révèle souvent stigmatisant et injurieux lorsqu’il désigne les « minorités » : ceux qu’on accommode à toutes les sauces, mais à qui on ne donne jamais la parole. À l’heure où le langage est de plus en plus théorisé comme un levier d’oppression sociale, le mot-clé porno tend le bâton pour se faire battre. Mais est-il pour autant un symptôme des travers du X ?

Le cercle vicelard

À proprement parler, le mot-clé n’est pas un symptôme du porno, mais de la culture Internet toute entière. Développé par les moteurs de recherches pour rationaliser les folles quantités d’information traitée en des labels concis et manipulables, il est réducteur par essence. Or, le référencement pornographique se prête particulièrement bien à cet exercice. Tous les fantasmes, tous les fétichismes peuvent être résumés avec une certaine économie de mot : nombre et physiques des participants, pratiques sexuelles, ambiance générale (amateur, parodie, hardcore, etc.). Le spectateur n’a plus qu’à faire son choix parmi la myriade de vignettes proposées, pour celle qui excite le plus son imagination. Et le problème est finalement là. Peut-on s’affranchir des dénominations les plus grossières si le public continue obstinément à s’y complaire ? En supposant que les distributeurs de perversion daignent arrêter de verser dans les « beurettes » et les « trannies » à tout bout de champ, rien n’indique que les foules d’onanistes numériques cesseraient spontanément de susurrer des saletés à la machine en se tirant sur la nouille, ou en se massant le berlingot (pas de discrimination ici). Si bien qu’il y aura toujours quelques webmasters peu scrupuleux pour surfer sur les niches délaissées, même (surtout) les plus scandaleuses.

Vous savez ce qu’on fait aux branleurs mal élevées ?

Etiquette et bonnes manières

Certaines plateformes ont toutefois essayé de s’émanciper du détestable tag. C’était notamment le cas de Trenchcoatx, la précédente vitrine des productions estampillées Kayden Kross, qui lui préférait un système de suggestion par catégories et affinités, basé sur les précédentes lectures. Une initiative plutôt astucieuse pour bannir les appellations douteuses. De manière générale, la plupart des sites payants limitent le lexique pertinent aux catégories pornographiques qu’ils emploient eux-mêmes. Au spectateur alors de choisir la crèmerie qui sied la mieux à sa sensibilité langagière. Du côté des tubes en revanche, c’est la foire. Tout le monde est libre d’employer les qualificatifs les plus immondes pour décrire les scènes partagées, histoire de racoler le clic. Un jour viendra peut-être où les requêtes politiquement incorrectes seront redirigées vers des nominatifs un peu plus neutres, comme c’est déjà le cas pour toutes les recherches pénalement condamnables (viol, pédopornographie, etc.) ; mais ce n’est certainement pas pour tout de suite, vu le trafic qu’elles génèrent.

Bref, ce n’est pas demain la veille que l’on rétablira la courtoisie dans le X. La consommation porno d’aujourd’hui, de plus en plus spécialisée face à une offre de plus en plus pléthorique, est nécessairement tributaire du tag pour espérer retomber sur ses pattes. Un peu d’élégance ne serait cependant pas un luxe. Nous pourrions alors décorréler la description bassement matériel que le X actuel fait des corps (noir, blanc, métisse, blonde, rousse, grande, grosse, petite, etc.), du traitement d’arrière-garde, paresseusement dégradant et essentialiste, réservé aux altérités : arabes vulgaires et sodomites, noirs à gros sexe, transsexuaité trash, nains de foire, et autres clichés. Le monde ne s’en porterait pas plus mal…

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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