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Oser la dick pic
Haro sur la dick pic ! Pour peu que vous soyez connecté, vous avez êtes forcément confronté à la condamnation unanime de cette pratique. Envahissante, laide, grossière et même carrément oppressive, la photo de pénis n’a pas franchement bonne presse. À croire que l’organe sexuel masculin serait persona non grata dans l’art de l’auto-portrait érotique. Ne serait-ce pas l’occasion tant attendue, pour tous les mâles en quête de posture victimaire, de s’élever enfin contre une odieuse discrimination sexiste les concernant ? À quand la penis-positivity, les campagnes Instagram #FreeTheZgueg, les expositions de bistouquettes en galerie d’art pour vanter la somptueuse diversité des phallus ?
Descendons quelques instants de nos grands étalons. En vérité, ce n’est pas tant l’acte de prendre Popaul en photo qui est aujourd’hui condamné, mais plutôt l’usage immodéré qui est fait de ces clichés. Ainsi, à la défaveur d’une métonymie fâcheuse, la virilité organique se retrouverait pour toujours paria du sixième art. Pour toujours ? Peut-être pas. Il est encore possible de redorer le blason de la dick pic, en commençant peut-être par respecter une règle élémentaire dont la technicité n’a d’égal que sa subtilité (attention, accrochez-vous) :
ON N’ENVOIE PAS DE PHOTOS DE SA BITE À QUELQU’UN QU’ON NE CONNAÎT PAS !
A fortiori, on ne partage pas ses chefs d’œuvres phalliques avec son amie d’enfance, sa collègue de bureau timide, sa boulangère sexy, sa voisine de palier ou sa streameuse préférée, à moins que cette dernière n’en ait explicitement fait la demande. De manière générale, on n’envoie des clichés érotiques qu’aux personnes avec qui l’on vit présentement une relation passionnelle, et seulement si elles sont ouvertes à ce genre de fantaisies.
Maintenant que nous avons défriché le fond du problème, passons à la forme. C’est quoi une belle photo de bite ? Et comment y venir ?
C’est vrai ça, comment savoir si madame est open à ces petites attentions sans lui envoyer directement une perspective de la bête, de préférence en gros plan, au dessus du lavabo ? Après tout, le lascar moyen se contente pleinement d’une belle photo de vulve en guise de préliminaire. Non ? Alors, de deux choses l’une. Premièrement, il est assez rare de recevoir un instantané de la tirelire de madame d’entrée de jeu. Les dames ont généralement le nude progressif : une cambrure par-ci, une bouche par-là, puis la courbure d’un sein, le bout d’un téton, etc. ; ce qui nous amène au deuxième point, le rapport à l’exhibition. Mode, cosmétique, publicité ; bien plus que les hommes, les femmes sont soumises aux diktats esthétiques imposés par notre société superficielle. De fait, elles sont très tôt amenées à penser leur image, la façon dont les autres perçoivent leurs corps. Contrairement aux mâles, vous verrez donc rarement une nana envoyer des images de ses attributs comme on détaille des pièces de viande sur l’étal d’un boucher-charcutier. Elle prendra des poses, jouera de ses charmes, camouflera ses imperfections d’un éclairage ou d’un filtre avantageux. Et ça fait toute la différence.
Ce dont souffre la dick pic, c’est du manque d’emphase, de l’absence de proposition esthétique. Le rustre se contente invariablement d’immortaliser la chose en l’état, vue d’au-dessus, encadrée d’une dizaine d’orteils poilus en arrière-plan, en espérant que la destinataire fondra devant pareille composition, charmée par cette vénération naturelle que les dames vouent au divin pénis. Il n’en est rien. Une telle œuvre finira au mieux archivée dans son trombinoscope sexuel, ou « trombitoscope », accompagné d’un commentaire précisant mensurations (« riquiqui ») et performances (« pas top »). En clair, c’est ni fait, ni à faire !
Non, pour une belle dick pic, il faut déjà choisir son cadre. Une photo, ça raconte une histoire. Que raconte celle-ci ? L’envie dévorante ? L’ardeur enflammée ? La pulsion mâle ? Quoi qu’il en soit, le gros plan est rarement la solution la plus élégante. Plutôt qu’un vit, montrer un corps. Ce n’est pas comme si l’histoire de la sculpture manquait d’exemples de virilité monolithique desquels s’inspirer pour suggérer à autrui la beauté du corps masculin. Des abdos de marbre, des mains fermes, un torse velu, des bras musclés ; le pénis devient alors un détail secondaire, l’argument discret changeant subtilement le propos esthétique en invitation sexuelle. Et pas la peine de ressembler à un dieu grec pour s’y prêter. Les imperfections se noient dans le regard de l’amant(e).
De fait, il convient de définir le point de vue, car force est d’admettre que la vue plongeante n’est pas des plus flatteuses. Les alternatives sont pourtant innombrables : en vue latérale, format paysage, pour signifier son ampleur dans toute la longueur du cadre ; de « trois quarts gland », option grand angle, pour un effet « marteau » traduisant élégamment un pilonnage futur ; ou carrément de face, pénis dressé, pour une composition « Mona Lisa » à la géométrie au cordeau… La valeur sûre ? Le plan en contre-plongée. Perspective monumentale, lumière rasante du luminaire dessinant les abdominaux et bien sûr, pénis surplomblant, telle l’épée de Damoclès, celle ou celui qui aura bientôt la chance de venir s’agenouiller de la sorte pour admirer pareils reliefs ; un sans faute !
Enfin, il est de bon ton d’envisager l’accessoire. Bien que la dentelle ne soit pas l’apanage des messieurs, il est tout de même possible d’ajouter un peu de faste à la chair nue. Et pourquoi pas les bijoux ? Sans verser dans le cockring ambiance BDSM, une chaîne nonchalamment pendue voire emmêlée autour de l’objet donne par exemple un parfum « trique de bagnard » à la composition. Les sous-vêtements abandonnés de la destinataire peuvent aussi faire de parfaits atours pour sous-entendre un désir réciproque, la complicité charnelle qui unit ces deux corps. Les plus téméraires peuvent même tenter le costume. Chapeau de cowboy, vêtement de poupées, le déguisement pénien est idéal pour initier une prochaine soirée à thème. Après tout, qui a dit que la dick pic devait être solennelle ? À éviter cependant : l’accessoire comparatif, canette de soda ou flacon de shampoing. À moins d’être spectaculairement monté, ce genre de fantaisies grossières traduit moins la fierté que les complexes.
Pour mettre les choses au clair une bonne fois pour toute, le chibre n’est pas laid (ni chinois d’ailleurs). Il est même vraisemblable que celles et ceux qui apprécient de se le carrer dans l’oignon ou l’abricot lui trouve quelqu’attrait. Ainsi, dans le cadre d’une conversation numérique qui fait la part belle à l’excitation, à grands coups de MMS bien salaces, il n’y a aucune contre-indication à renchérir avec quelques clichés de la chose. Pour autant, résumer le selfie érotique masculin à prendre en photo son sexe est d’une pauvreté qui confine au vulgaire. Une belle dick pic est avant tout une belle photo de soi.
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