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Grand Reel : quand le X adopte les codes de Netflix

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Derrière l’expression grandiloquente, le Grand Reel cache les nouveaux formats de vidéos X calqués sur les films et séries des plateformes mondiales de VOD. Souvent réalisées sur plusieurs épisodes, le porn Grand Reel remet à l’honneur la narration, l’esthétique et les moyens techniques, au point de représenter pour beaucoup l’avenir par le haut du porno. Analyse.

Parmi la kyrielle de nouvelles catégories inventées par AVN tous les ans pour pimenter sa cérémonie de remise des prix, celle désignée par l’expression Grand Reel n’est pas la plus incongrue. Apparu à l’occasion de la fournée de nominations de septembre 2020, le terme est une invention de l’organisateur. Il rappelle celui de Grand Hotel, synonyme de resort luxueux et normalise donc ce que d’aucun pouvait considérer jusque-là comme le retour d’une mode, celle du grand et beau film. Il y a de ça, c’est vrai, mais le Grand Reel apporte son lot de nouveautés par rapport à l’époque des films VCA, Wicked ou Vivid.

Le centrage sur un personnage

La première de ces nouveautés est à chercher dans le story telling. Fini les métiers et les situations clichés, place aux biopics sulfureux, aux thriller aux accents fétichistes ou à l’opposé, aux comédies sociales. Quelles que soient les mécaniques, toutes ont en commun de tourner autour de la personnalité et du vécu de l’acteur ou l’actrice principale. Il en va ainsi de Casey : A True Story, sacré Grand Reel de l’année en janvier. Le film est inspiré de la vie de l’actrice Casey Kisses, performeuse transgenre. Rebaptisée Cameron pour le rôle, Kisses y raconte la difficulté d’une transition quand on est président d’un club de bikers, le milieu ultra-masculin par excellence. Son rival perdant aux AVN Awards, Psychosexual est quant à lui basé sur une expérience vécue par Gianna Dior. La réalisatrice Kayden Kross fut en effet une oreille attentive quand la starlette lui a raconté sa relation troublante avec sa thérapeute de couple. « C’était un projet très personnel, explique Dior à AVN, et c’est agréable de savoir que les gens se sont intéressés à une part de ma propre vie. Avec son génie, Kayden a su retranscrire la relation que j’ai nouée avec elle, la manière dont je suis rentrée dans sa vie et cette inversion des rôles quand je suis devenue sa confidente ». Changement de registre avec le studio MissaX, mais pas de point de vue avec A Killer On The Loose, lauréat en 2021 et Under The Veil, nommé en 2022. Deux histoires fétichistes matinées de thriller et de transgression morale centrées sur la personnalité torturée du 1er rôle quand Will Ryder, de son côté fait dans la légèreté avec Love, Sex & Lawyers.

Un marketing hollywoodien

« Quand j’ai vu le billboard sur Hollywood Boulevard, je me suis sentie comme une vraie star de cinéma ». Gianna Dior n’en revient toujours pas de s’être vue sur une affiche géante à l’entrée de l’avenue de Los Angeles qui héberge le Walk Of Fame. C’était à l’occasion de la sortie de la saison 2 de Psychosexual. Vixen a mis le paquet niveau marketing pour que sa production soit visible partout. Il y a peu, il aurait été difficile d’imaginer une telle promotion autour d’un film pour adulte, mais les temps ont changé, les images et le message véhiculé aussi. L’esthétique est celle de la mode et les visuels sont softisés au point qu’un quidam interrogé dans la rue ne pourrait pas se douter que Psychosexual est un porno. Dans le sillage de Vixen qui a véritablement ouvert la voie du Grand Reel, tous les grands noms du X se sont engouffrés, copiant les codes que Greg Lansky et sa femme ont introduit avant de tirer leur révérence et passer le flambeau à Kayden Kross. Du côté des acteurs, on est en tout cas ravi de cette nouvelle forme de convergence entre cinéma pour adulte et tradi. « Quand on commence à participer à de tels projets, on n’a plus envie de redescendre, confie Gianna Dior. J’ai envie d’en refaire un autre cette année, peut-être un spin-off de Psychosexual, quelque chose avec les mêmes vibes ». L’anoblissement a ce petit quelque chose d’enivrant…

Un découpage sériel et saisonnier

Ceci étant dit, l’aspect Netflix le plus visible du Grand Reel est peut-être le découpage en saisons et épisodes de la plupart des films du genre. Primary, Muse, Under The Bed, Obsessed et on en oublie… autant de productions qui comptent deux saisons à minima. Dans chaque saison, le format à épisodes épouse celui des updates hebdomadaires sur les sites web dédiés et permet d’entretenir un suspense vu que l’histoire est bien branlée. Un mouvement de fond qui est constaté depuis longtemps dans les médias. Il traduit la suprématie de la série sur le film one shot. Une revanche de l’(ip-)télé sur le ciné. Du point de vue de l’industrie du X, c’est aussi l’occasion de faire des économies d’échelle en empilant les scènes d’une mégastar, tout en renforçant leur cohérence au sein d’une histoire perso. Du sexe réel. De grands moyens. CQFD.

Journaliste professionnel depuis 2003. Rédacteur du magazine Hot Video de 2007 à 2014.

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