Kira Noir : éloge de la persévérance

Il aura fallu presque dix ans à Kira Noir pour atteindre la consécration en devenant Performeuse de l’année aux AVN Awards 2023. Abonnée aux accessits, la métisse de 28 ans mérite amplement ce trophée qui récompense sa constance au plus haut niveau de performances, autant qu’une année écoulée riche en productions de qualité.

« Un peu de discipline est signe de bonne vie », disait Guy Roux. Elevée dans la rigueur militaire avec un père dans la Navy, Kira Noir n’avait que 19 ans, mais depuis longtemps la tête sur les épaules avant de franchir la porte du Hustler Club de Saint-Louis, Missouri. Avoir l’esprit ouvert mais droit était une condition sine qua non pour durer et se faire un nom dans la jungle du striptease. A ce ce titre, Kira fut la reine lionne, la star du club de ses 18 à ses 21 ans. « J’ai toujours considéré cet endroit comme ma maison, explique-t-elle à Holly Randall sur son podcast Unfiltered, et ses managers comme faisant partie de ma famille. Avant d’y travailler, je n’avais aucune expérience de la vie, ni professionnelle, ni sexuelle. Je ne me voyais ni jolie, ni sexy. A cette époque, j’avais juste besoin d’argent pour m’acheter une voiture et des fringues. Quand j’ai découvert à 18 ans que j’avais des hommes de 50 ans qui me mangeaient dans la main, ce fut un sentiment très puissant ». En novembre 2014, son club accueille Bonnie Rotten pour un show comme les pornstars ont souvent l’habitude d’en faire dans les villes de l’Amérique profonde.

Pour Kira Noir, c’est la révélation : « J’en avais vu passer d’autres, des filles toujours cools, mais elle était la première à attaquer la scène comme ça. Elle faisait des tricks hallucinants sur la barre de pole et haranguait la foule. Ce fut comme un déclic dans ma tête. Elle était ce que je voulais être. Je voulais être une danseuse et faire du X. Je voulais être une performeuse complète ». Parce qu’elle est bien connue chez les stripeuses et qu’elle dispose déjà d’un réseau efficace, la jeune femme n’aura pas besoin de passer par la case webcam bien longtemps. Après une première scène dans Chocolate Cheerleader Camp 4, un gonzo interracial qui n’est pas resté dans les mémoires, elle intègre début 2015 l’escouade de Marc Spiegler, le meilleur représentant de pornstars outre-Atlantique. Dès lors, les studios les plus prestigieux vont venir toquer à sa porte : Reality Kings, Evil Angel, Kink, New Sensations, Jules Jordan… et, ironie de l’histoire, Hustler qui employait une pépite dans un de ses clubs sans connaitre son existence. Toutefois, en dépit de son gout pour les scènes anales, sa fiabilité et son humilité, la native de San Marino n’attire pas la lumière sur elle pendant de longues années. Elle doit ainsi patienter jusqu’en 2017 pour se voir nommée parmi les révélations de l’année aux AVN Awards. Bizarre pour une actrice qui a déjà enchainé plus de 100 scènes depuis deux ans…

Les années suivantes seront du même topo avec des nominations à la pelle dans les catégories mineures. Ce n’est qu’en 2021 qu’elle se voit couronner « Apparition Mainstream de l’Année » et « Meilleur Second Rôle » pour la première fois grâce à sa prestation dans Primary, la série réalisée par Casey Calvert. Par la suite, ce trophée de « Meilleur Second Rôle », elle pourra l’emporter comme Pelé la Coupe du Monde, puisqu’elle le raflera trois ans d’affilée : 2021, 2022, 2023 et toujours pour des apparitions dans les réalisations de Casey Calvert, sa meilleure amie dans l’industrie. Néanmoins, c’est en étant couronnée « Performeuse de l’Année » aux AVN Awards de janvier que Kira Noir a franchi un palier. Sans doute méritait-elle cette récompense avant, mais il aura fallu attendre le mouvement Black Lives Matter pour que les lignes bougent : le porno se veut désormais inclusif et moins genré. Un virage amorcé l’année dernière quand Zaawaadi est devenue Meilleure Performeuse Internationale. Un titre que la Kényane-Allemande ne méritait pas forcément mais qui prenait déjà tout son sens à l’aune de BLM.

Quoi qu’il en soit, le nouveau statut acquis par Kira Noir ne changera pas son approche du métier. Scène d’orgie avec Bella Rolland dans Hungry For More, blowbang dans Covering Kira in Cum, acting dans Sorrow Bay pour Erika Lust ou orgie transgenre dans The Physical: Nurses Retreat pour Transfixed : celle qui est à l’affiche de Love, Sex & Robots de Will Ryder continuera d’explorer sa sexualité avec comme mots d’ordre, humilité et travail bien fait. Et peut-être qu’un jour, elle réalisera son rêve : « Il serait de trouver au moins dix personnes en qui j’ai une entière confiance, d’avoir mon bout de terre où nous pourrions travailler tous ensemble produire notre propre nourriture, subvenir à nos besoins et s’entraider pour développer notre petite communauté ». Vivre dans une communauté utopiste anarchiste avec des pornstars ? On signe tout de suite !