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Blocage des sites pornographiques : un camouflet juridique pour la France !

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La suspension de l’arrêté gouvernemental imposant la vérification d’âge sur les sites pornographiques constitue un revers cuisant pour le gouvernement français. Par une décision du tribunal administratif de Paris rendue le 16 juin 2025, l’arrêté du 21 mars, entré en vigueur début juin, est suspendu. Celui-ci obligeait les plateformes pornographiques établies dans l’Union européenne à vérifier l’âge de leurs utilisateurs au moyen d’un dispositif dit en “double anonymat”.

Ce coup d’arrêt judiciaire représente un désaveu pour les ministres qui, quelques semaines plus tôt, se félicitaient publiquement de la mise en place d’un système présenté comme exemplaire en Europe. Clara Chappaz, ministre déléguée chargée du Numérique, déclarait encore récemment que ce mécanisme était « aussi simple qu’un videur de boîte de nuit », appelant les sites à se conformer sous peine de blocage. Aujourd’hui, ces mêmes responsables politiques apparaissent, au mieux, précipités, au pire, ridicules.

La décision de suspension de l’arrêté est intervenue à la suite d’un recours en référé liberté introduit par la société Hammy Media, exploitante du site XHamster, devant le tribunal administratif de Paris. Cette société contestait la légalité de l’arrêté du 21 mars 2025, estimant qu’il portait atteinte à la liberté d’entreprendre et contrevenait au droit européen, notamment au principe du pays d’origine consacré par la directive e-commerce. Le juge des référés, saisi en urgence, a estimé qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté, ce qui justifie sa suspension dans l’attente d’un jugement sur le fond ou d’un éventuel renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Une suspension sur fond de droit européen : Pornhub de retour ?

Le tribunal administratif a estimé que l’arrêté pourrait contrevenir au principe du pays d’origine, inscrit dans la directive e-commerce de l’Union européenne, selon lequel seul l’État d’établissement d’un service en ligne peut lui imposer des obligations. En l’occurrence, les principaux acteurs du secteur – Pornhub, YouPorn, RedTube – sont opérés par le groupe Aylo, basé à Chypre. Cette disposition interdit à la France de leur imposer un système national de vérification d’identité sans une notification préalable validée par la Commission européenne, ce qui n’a pas été fait.

C’est d’ailleurs le groupe Aylo qui avait annoncé, début juin, le retrait de l’accès à ses sites depuis la France, dénonçant une loi « dangereuse, inefficace et intrusive ». Cette suspension change radicalement la donne : Pornhub, YouPorn et RedTube peuvent désormais rouvrir leurs plateformes aux internautes français, en toute légalité, et sans avoir à mettre en place les systèmes français de vérification.

La riposte gouvernementale

En réaction, le gouvernement a annoncé ce mercredi 18 juin 2025 se pourvoir devant le Conseil d’État. Clara Chappaz a déclaré que la France ne pouvait pas « laisser les enfants exposés à la pornographie » et qu’elle entendait maintenir la pression sur les plateformes. Elle compte également sur le déploiement, à l’échelle européenne, d’une application de vérification de l’âge à partir de juillet.

Mais l’exécutif doit désormais composer avec une jurisprudence défavorable, une probable saisine de la Cour de justice de l’Union européenne, et une mobilisation des défenseurs de la vie privée. Les critiques se multiplient sur le caractère à la fois peu opérant, contournable (notamment via VPN), et potentiellement dangereux pour les libertés individuelles de ce dispositif.

Un revers politique et un flop pour l’ARCOM

Ce revers vient affaiblir une initiative déjà critiquée pour sa précipitation et son manque de concertation. Annoncée comme une avancée majeure en matière de protection de l’enfance, cette loi se retrouve aujourd’hui suspendue, et ses promoteurs en difficulté. Dans l’immédiat, les grands sites pornographiques reprennent leurs activités en France, sans contrainte technique, pendant que l’Arcom voit son autorité temporairement paralysée.

L’Arcom, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, a réagi avec prudence à la décision du tribunal administratif. Dans un communiqué publié dans la foulée de la suspension, elle a indiqué « prendre acte » de l’ordonnance, tout en réaffirmant sa volonté de lutter contre l’accès des mineurs à la pornographie. L’autorité, qui devait jouer un rôle central dans la mise en œuvre de l’arrêté – en ordonnant le blocage et le déréférencement des sites non conformes – se retrouve ainsi privée, pour l’instant, de son principal levier d’action. Elle appelle désormais à une clarification juridique à l’échelle européenne et attend les suites du pourvoi en cassation annoncé par le gouvernement.

L’Arcom avait adressé, le 11 juin 2025, des lettres d’observation à cinq sites pornographiques européens : Xvideos, XNXX, XHamster, XHamsterLive et TNAFLIX. Cette démarche constituait la première étape formelle d’une procédure pouvant mener à un blocage ou un déréférencement en cas de non-conformité à l’obligation de vérification d’âge. Toutefois, avec la suspension de l’arrêté du 21 mars par le tribunal administratif de Paris, l’Arcom se retrouve dans l’incapacité d’aller plus loin. Sans base légale solide, ces lettres deviennent inopérantes : les sites ne sont pas contraints d’y répondre et aucune sanction ne peut être légalement imposée. Il s’agit donc d’un acte essentiellement symbolique, révélateur du désarmement juridique temporaire du régulateur, en attente d’un éventuel rétablissement du texte ou d’un feu vert européen qui prendra des mois voire des années.

Le gouvernement s’est engagé dans une croisade numérique sans prendre la pleine mesure du cadre européen, ni des implications techniques et juridiques. Le camouflet est d’autant plus flagrant que les sites étrangers non-européens bloqués précédemment – tels que Tukif ou xHamster – avaient vu leurs sanctions validées en appel fin 2024. Cette fois, la France se heurte à la réalité du droit communautaire.

D’ici là d’autres ministres du numérique…

Ce dossier illustre les limites de l’action réglementaire française lorsqu’elle prétend se substituer à une coordination européenne. En voulant faire de la France une pionnière de la protection des mineurs, le gouvernement a produit un texte juridiquement fragile et politiquement mal préparé. Et pour l’instant, ce sont les plateformes qu’il entendait bloquer qui en sortent gagnantes.

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