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Le phénomène Bowsette
Pour peu que vous fréquentiez les internets, vous l’avez forcément aperçue, pour une simple et bonne raison, c’est que Bowsette est partout ! Mais pour les trois du fond qui n’auraient pas suivi, voici un petit résumé. Mi-septembre, Nintendo annonce la réédition de son jeu de plate-forme New Super Mario Bros. U, en version deluxe, agrémenté de nouveaux personnages exclusifs, dont une certaine « Peachette ». Cette dernière apparaît lorsque Toadette, l’acolyte de Mario à tête de champignon, chausse son Power-Up, une petite couronne lui donnant une apparence humaine très similaire à celle de la Princesse Peach. Le web est alors en émoi, traversé de questions existentielles : cette couronne magique changerait-elle n’importe qui en hybride de la monarque locale ? Et si Bowser, l’antagoniste démoniaque et carapaçonné du plombier italien, coiffait lui-même la couronne, que se passerait-il ?
Et là, c’est le drame…
The Super Crown's some spicy new Mario lore pic.twitter.com/7DQe6UXvLQ
— haniwa (@ayyk92) September 19, 2018
Le 19 septembre, Ayyk92, un dessinateur malicieux, publie sur son profil Twitter la toute première version du futur phénomène mondial : Bowsette. Depuis, c’est la déferlante. Chaque jour voit poindre son lot de nouvelles illustrations du personnage apocryphe, avec des variations toutes plus érotiques les unes que les autres. Le mot-clé explose sur les moteurs de recherche de tous les sites de cul à travers le globe. Le mème devient un véritable phénomène porno, au point que les petites mains de Woodrocket, spécialistes de la parodie gonzo outre-Atlantique, s’en empare pour proposer une adaptation live du célèbre plombier explorant la mystérieuse tuyauterie de sa nouvelle « meilleure ennemie ».
Cet engouement soudain et indéniablement massif répond en fait à une attente partagée autour de l’un des univers les plus mythiques de l’histoire du jeu vidéo : la sexualisation du monde de Mario. Non pas qu’il n’y ait jamais eu de petits vicieux pour croquer le moustachu et ses copains dans quelques fresques polissonnes (règle #34 de l’Internet : si quelque chose existe, on en a fait du porno), mais le Royaume Champignon ne s’est jamais vraiment prêté au fantasme coquin. À travers son design enfantin, qu’on imagine contrôlé d’une main de fer par Nintendo, firme familiale par excellence, l’œuvre s’est toujours tenue à l’écart de toute suggestion lascive, ce qui n’était pas gagné avec une histoire de plombier qui sauve une princesse en détresse. Et c’est paradoxalement dans le personnage de Peach que réside d’ailleurs la plus grande part de l’asexualité généralisée de Mario.
La Princesse Peach est l’incarnation même de la chasteté. Là où l’on s’insurge contre le nudisme quasi-militant des héroïnes de jeux vidéos, la dulcinée de Mario, aux mensurations des plus discrètes, n’a jamais rien revêtu de plus sexy qu’une longue robe à jupons couleur chamallow assortie d’une tiare fantaisie ; bref, le costume de princesse d’une gamine de huit ans. Idem, elle n’est pas, à proprement parler, la dulcinée de Mario, tout au plus sa quête obsessionnelle. Constamment capturée par un geôlier monstrueux dont on se demande ce qu’il peut bien faire d’elle, finalement (Jabba le Hutt avait au moins le bon goût de faire de la Princesse Leïa sa sex-slave personnelle), elle ne témoigne rien d’autre, à son indécrottable sauveur, qu’une aimable reconnaissance. Si c’est une sage leçon pour tous les petits garçons de la terre – l’amour d’une fille ne se monnaye contre aucune prouesse ni aucun service -, c’est surtout un message très clair adressé à Mario : il serait temps qu’il passe à autre chose, s’il envisage de perpétuer un jour sa lignée de plombiers khéloniphobes.
Et c’est là que Bowsette fait voler en éclats le bel idéal platonique que Nintendo s’est évertué à façonner pendant près de quarante ans. À l’instar de Bowser pour Mario, Bowsette est le pendant maléfique de Peach. Aussi, si l’une représente la pureté, la chasteté, et l’amour chevaleresque, par symétrie, sa némésis incarne la débauche, le sexe et la luxure. Le design original de la reine des Koopas (Koopa-Hime en V.O.) n’est pourtant pas particulièrement affriolant, mais il suggère très subtilement les penchants charnels de la démone. Sa poitrine plantureuse soulignée d’un décolleté, au demeurant tout à fait décent, fait d’elle une femme, quand sa rivale semble n’avoir jamais connu la puberté. Les bracelets à clous, attributs virils du monstrueux Bowser, prennent chez son alter-ego féminin une toute autre connotation, surtout lorsqu’ils sont surmontés d’un collier du même acabit. Bowser est « méchant », Bowsette est « vilaine ». En outre, là où Peach est une éternelle victime, dont la volonté ne s’exprime jamais, Bowsette est, par contradiction, un être de désir, irrépressiblement maîtresse de son destin. Ajoutez-y une queue et des cornes, et vous obtenez l’archétype même du succube !
Rien de plus naturel alors qu’une telle figure mystique, si chargée de concupiscence, ait déchaîné les passions. De plus, par son ascendance, Bowser étant un mâle, comme par son essence, le succube des légendes est parfaitement gender-fluid, Bowsette se permet même de verser allègrement dans l’un des fétichismes les plus prisés du graphisme japonais pornographique, le futanari, ces dessins de somptueuses demoiselles arborant d’énormes chibres. Protéiforme, Bowsette est donc l’avatar absolu du fantasme transposé dans l’univers de Mario. C’est pourquoi, après tant d’années d’abstinence, le tabou sexuel a explosé avec une telle violence, comme une digue qui se rompt, comme un orgasme qui arrive enfin.
Inutile de préciser, qu’en l’état, on n’est pas près d’apercevoir Bowsette dans le prochain Super Smash Bros.
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