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Piratage de sextoys, quand la réalité dépasse la fiction
En 1983 paraît Le Déclic, une bande dessinée si perverse qu’elle érige instantanément son auteur, Milo Manara, en maître de la littérature érotique. Outre le trait de l’artiste, qui croque les femmes avec une sensualité désarmante, c’est sa trame vicieuse qui fait date et vient titiller les tréfonds les plus sombres de nos fantasmes. L’œuvre relate les aventures obscènes de Claudia Cristiani, une riche femme scandaleusement belle et terriblement prude, kidnappée par un scientifique fou qui implante dans son cerveau une puce télécommandée amuïssant ses inhibitions et exacerbant son désir sexuel. Evidemment, la télécommande passe très vite de main en main, pour le plus grand malheur de la pauvre Claudia.
Et si, quelque 35 ans plus tard, ce scénario rocambolesque était sur le point de devenir réalité ?
Rassurez-vous, il n’y a, à notre connaissance, aucun savant fou qui enlève de riches bourgeoises pour en faire des esclaves sexuelles, pas plus qu’il n’existe de puce électronique capable de changer Christine Boutin en Annette Schwarz. Toutefois, on trouve dans le commerce de plus en plus d’objets susceptibles de livrer votre libido à une foule d’inconnus tous plus pervers les uns que les autres. Ces objets, ce sont les sextoys connectés.
Tout cela ressemble à de la science-fiction, et pourtant, les spécialistes du numériques s’alarment. Entre la popularité grandissante de ces jouets coquins high-tech, l’appétit proprement boulimique des applications embarquées en matière de données personnelles et la sécurité informatique quasi-inexistante sur ce genre d’appareils, il y a de bonnes raisons de serrer les fesses.
Pour preuve, lors du trente-cinquième Chaos Communication Congress, une convention internationale de hackers qui s’est tenue en décembre dernier à Leipzig, Werner Schober, un consultant en sécurité informatique autrichien, s’est livré à quelques démonstrations éloquentes. Sa première préoccupation : les données personnelles enregistrées. En prenant pour exemple le Vibratissimo Panty Buster, un vibro de conception allemande à paramétrer depuis son smartphone, l’expert est parvenu à extraire toutes sortes de données personnelles relatives aux utilisateurs, en utilisant simplement le fichier de configuration disponible sur le site Internet du fabricant : noms, adresses, voire photos intimes échangées via le réseau social lié à l’application. En 2016, d’autres hackers ont produit une analyse approfondie des données récoltées par un autre sextoy, le We-Vibe 4. Horaire de connexion, temps d’utilisation, localisation, intensité du programme et température du matériel. Bref, toutes les datas auxquelles nous souscrivons naturellement en validant les conditions d’utilisation relatives aux rapports d’erreur, lorsqu’il s’agit d’une montre connectée ou de notre tablette tactile. Lorsqu’il s’agit d’un appareil à mouvement ondulatoire qu’on s’insère dans le fondement, on comprend très vite à quelles dérives l’extrapolation de ces données peut conduire…
Pire. Il serait possible de prendre le contrôle à distance de la plupart des sextoys connectés. L’ami Schober a d’ailleurs mis à jour une faille effarante à ce sujet. L’application du Vibratissimo générant un lien à envoyer à son ou ses partenaires pour qu’ils prennent le contrôle de l’intimité de l’utilisateur, l’informaticien a montré qu’il suffisait de modifier le lien pour faire vibrer de plaisir un heureux élu au hasard dans le monde. Idem pour le Bluetooth. N’importe quel vicelard muni d’un smartphone à proximité pourrait théoriquement s’approprier le solo de votre Stairway to Heaven à la place de votre Jimmy Page attitré. Cochon, pas vrai ?
Sur le papier ça a l’air polisson, voire carrément excitant ; sur un procès-verbal, ça s’apparente plutôt à une agression sexuelle, le piratage excluant de fait tout consentement de la victime.
Pour autant, les chercheurs ne blâment pas les fabricants pour leur paresse ou leur perfidie, mais essentiellement pour leur naïveté, pour avoir conçus des joujoux coquins numériques comme s’ils programmaient des Tamagotchis, omettant 20 ans d’impératifs de sécurité à l’ère du tout connecté. Ces derniers, et notamment le constructeur du Vibratissimo, affirment s’être mis à la page. Cependant, les modèles déjà en circulation, dont le système d’exploitation est inaccessible aux mises-à-jour, conserveront leurs failles à moins d’un retour à la fabrique.
Après, se savoir à la merci sexuelle de lubriques inconnus telle la plus grande héroïne de Milo Manara peut faire l’objet d’un fantasme très coquin ; on ne juge pas. Mais dorénavant, vous voilà prévenu…
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