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Un porno de l’Âge d’Or en Blu-ray – Pulse Vidéo réédite La Femme-objet

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On est en 1980, vous faites la queue devant votre cinéma de quartier pour aller voir L’Empire contre-attaque, lorsque votre œil est attiré par une affiche aussi tapageuse qu’elle est dépourvue d’illustration. En contraste jaune sur noir, la réclame plastronne son titre scandaleux « La Femme-objet » encadré de mentions légales sulfureuses : « Film à caractère pornographique », « Interdit au moins de 18 ans ». Adieu Millenium Condor, adieu 6-PO ! Vous troquez votre billet pour les étoiles contre un séjour dans la Lune, et pas n’importe laquelle, celle de la diaphane et pulpeuse Marilyn Jess, icône du sexe en devenir.

Difficile aujourd’hui de se représenter l’âge d’or du X, tant notre société et son rapport au porno ont évolué. Heureusement, les irréductibles pornophiles de Pulse Vidéo tentent de saisir l’essence de cet authentique genre cinématographique pour la transmettre aux générations futures. À travers la réédition en Blu-ray de La Femme-objet, interprétation érotique et futuriste du mythe de Pygmalion, le charme d’une époque depuis longtemps révolue s’offre enfin à nos regards. Le lancement de la compagne de financement sur Ulule est l’occasion rêvée d’un nouvel entretien avec Guillaume Le Disez, initiateur du projet.

Pourquoi, parmi toutes les perles engendrées à cette époque, avoir choisi de rééditer La Femme-objet

Pour une multitude d’excellentes raisons : c’est un film formidable, qu’on doit à un des réalisateurs phares de l’époque, Claude Mulot (sous le pseudo de Frédéric Lansac), que nous avions très envie de faire redécouvrir dans l’excellente restauration supervisée par son producteur Francis Mischkind, et aussi pour nous cela s’inscrit dans le travail que l’on fait avec Marilyn Jess elle-même en vue du livre sur sa carrière qu’on sortira l’année prochaine. Et contrairement à ce que son titre peut laisser entendre (à tort) cette histoire d’homme-pacha qui s’illusionne de pouvoir contrôler sa partenaire pour se retrouver à son tour transformé en homme-objet est d’une modernité qui nous fait bien marrer.

C’est qui Marilyn Jess, en 1980 ? Une star ? Une révélation ? Une inconnue ?

En 1980, elle est déjà apparue dans plusieurs films, avec Alain Payet, Jean Rollin, Burd Tranbaree, mais elle n’a pas eu de rôles principaux et son nom ne s’est pas encore imposé. À partir de La Femme-objet, alors que Brigitte Lahaie vient de faire ses adieux au X, elle devient la nouvelle égérie du cinéma porno français, et le restera jusqu’en 1987.

Très tôt dans le projet, Marilyn vous a fait l’honneur de sa participation. Qu’est-ce que ça fait de rencontrer la star ? 

Marilyn Jess, que tous ses amis appellent Patinette, est une femme adorable au naturel et à la spontanéité irrésistibles, tout le contraire d’une diva ! Ça a tout de suite connecté et, de bon cœur, elle s’est prise au jeu de revenir sur tous ces bons souvenirs  

Le making-of nous emmène à la rencontre des plus éminents protagonistes de l’âge d’or du X (1970-80) : Francis Mischkind, Marylin Jess, Jean-Luc Brunet… Que sont-ils devenus ? Se sont-ils éloignés du X-business ?

Marilyn Jess a mis un terme à sa carrière en 1987, elle passée totalement à autre chose et a encore comme liens les amitiés qu’elle a noué à l’époque, comme avec Richard Allan par exemple. Mais la plupart des personnes ayant œuvré pendant cet âge d’or du X ont abandonné le porno quand il est passé à la vidéo, pour devenir ce X-business qui n’a plus rien à voir. Seul Francis Mischkind, inaltérable, est resté à la barre de son prestigieux catalogue Alpha France qu’il continue à faire vivre, tout en produisant et en distribuant du X au goût du jour.

La légendaire Marilyn Jess, accompagnée de Didier Philippe-Gérard, assistant-réalisateur sur le film

Ne vas-tu pas finir dans le collimateur des plateformes de crowdfunding à force de réaliser des campagnes porno ?

Alors, nous sommes tricards sur KissKissBankBank, dont le nouvel actionnaire La Banque Postale ne veut plus de ce type de joyeusetés. Nous avons trouvé refuge sur Ulule, qui a conservé son indépendance et toute son ouverture d’esprit. Pourvu que ça dure !

Comment fait-on pour réhabiliter, remasteriser, rééditer un film de cul qui a quarante ans ? Par où on commence ?

La démarche est la même que pour un film de cinéma de la même époque, il y a tout un travail de restauration technique, comme pour tout film tourné en pellicule. Et il y a une exploration de l’histoire de la création du film, en consultant les documents de tournage, et bien entendu en s’entretenant avec ceux qui l’ont fait.

N’y a-t-il pas de restriction légale sur l’édition de porno en Blu-ray ?

Pas en ce qui concerne l’édition : on parle d’un film qui est sorti officiellement au cinéma avec un numéro de visa, tout ce qu’il y a de plus légal, bien qu’interdit aux moins de 18 ans. Mais la commercialisation, elle, très restreinte, on n’ira pas à la Fnac, et hormis quelques boutiques qui n’ont pas froid aux yeux, ce sera surtout par Internet qu’on pourra distribuer un film X.

 

Est-ce que l’édition haut de gamme de porno vintage est un marché ? Doit-on s’attendre à voir naître une collection des meilleurs films X de l’âge d’Or ? 

Pour le moment, personne ne peut dire si c’est un marché, parce que ça n’a jamais été tenté, du moins en France. Il n’y a eu aucun classique du X qui soit sorti depuis les premiers temps du DVD, il y a bientôt 20 ans. Cette campagne nous l’apprendra. Et si elle fonctionne, bien sûr, nous avons envie d’offrir de nouveaux chefs d’œuvre dans les meilleures conditions possibles. Bon, il y a un indice quand même : quand on a commencé à parler de ce projet il y a plusieurs mois, nous avons été contactés par un éditeur américain que l’on admire, Vinegar Syndrome, qui est une sorte de Chat qui fume (une société d’édition spécialisée dans les classiques, ndlr.) à l’échelle des Etats-Unis. Ils nous ont proposé de travailler ensemble sur cette sortie, parce qu’ils pensent qu’il y a un intérêt du public américain pour les porno cultes français. Si ça se confirme aussi, nous aurons les coudées plus franches pour élaborer une belle collection.

Que retrouvera-t-on sur la galette ?

Évidemment, le film, avec une qualité d’image qui rend justice au superbe travail fait sur l’image par son talentueux directeur de la photo François About, et plus largement à tout le talent, le savoir-faire et le soin apporté par l’ensemble de l’équipe pour le rendre splendide. Même la bande-annonce a été restaurée en HD ! Et il y a plus de deux heures de bonus, dont un documentaire d’une petite heure que l’on a réalisé exprès pour l’occasion, où on découvre tout le process de fabrication du film, avec des tas d’anecdotes de première main racontées par Marilyn Jess, l’assistant-réalisateur Didier Philippe-Gérard (qui est son mari depuis 1982 !), Richard Allan, le chef-op’ François About et le producteur Francis Mischkind. Il y a aussi une featurette sur la première restauration du film en 2002, et des programmes de bandes-annonces de films de Claude Mulot et de Marilyn Jess.

L’inaltérable Francis Mischkind, producteur de référence de l’Âge d’Or du X.

Depuis Rayon X, outre l’œuvre, on connaît ton goût pour l’objet, le matériel. Le package sera inévitablement collector, je me trompe ? Que trouvera-t-on dans les contreparties ?

Ça avait commencé avec le livre sur Brigitte Lahaie, même. On propose un « digipack » limité à cette campagne, avec deux visuels emblématiques du film de part et d’autre, dans son fourreau, qu’on peut commander dédicacé et embrassé par Marilyn Jess elle-même. Nous avons à coté une version en blu-ray simple avec un étui avec un visuel exclusif. Il y a aussi un livre de Christian Valor sur la carrière de réalisateur de films X de Claude Mulot, édité par Le Chat qui fume à l’occasion de cette campagne, intitulé Frédéric Lansac, cinéaste sous X, richement illustré. Et on propose Rayon X, le livre sur Brigitte Lahaie, le livre sur Claude Mulot de Philippe Chouvel, un très joli tote bag, et surtout le vinyle.

La BO d’un film de cul en vinyle ? Ça semble aujourd’hui absurde. Que peux-tu nous dire sur celle-ci ? 

Oui, au regard d’aujourd’hui, pourquoi est-ce qu’on presserait l’habillage sonore d’un porno actuel sur un vinyle ?!? Mais en 1980, les films X étaient faits pour être vus dans les salles, avec un public qui venait se divertir pendant 90 minutes à travers une vraie expérience cinématographique. Et c’était des professionnels du cinéma qui les confectionnaient du sol au plafond. La musique ne faisait pas exception, elle était composée exprès pour le film, dans le cas présent par Jean-Claude Nachon qui a aussi travaillé avec Claude Mulot sur ses films dits « traditionnels », et le soin était le même. La musique de La Femme-objet est hyper travaillée, avec autant d’ambiances musicales qu’il y a d’ambiances dans le film, avec des thèmes qui varient selon les partenaires du personnage principal joué par Richard Allan, ou l’évolution de l’androïde qu’il a créé, interprété par Marilyn Jess. C’est une musique très 80’s, electro-pop (electro-porn on peut dire), avec plein de synthé et des accents sciences-fictionesques ou robotiques à certains moments, plus sentimentaux ou à l’inverse triviaux à d’autres. Et ce vinyle, c’est aussi l’occasion de faire un très bel objet puisque, comme tu le notes, on a un goût immodéré pour ça ! En plus nous avons inclus une reproduction d’une bande-dessinée X italienne avec Marilyn Jess et la Cicciolina !

Des cinéastes aux commandes, des chefs op’ renommés à l’image, des compositeurs symphonistes à la musique, des premiers et seconds rôles issus des milieux artistiques… En 1980, la rupture ne semble pas encore consommée avec le cinéma traditionnel, comme elle le sera 15 ans plus tard, alors même que le classement X  a été voté. Comment tu expliques cet état de grâce, cet âge d’or pré-vidéo, avant l’effondrement inévitable ? Les gens du métier devaient bien savoir qu’il n’y aurait plus d’argent à se faire sur le secteur du cinéma pornographique.

Oui, la rupture survient même avant au milieu des années 80, à la mort des salles classées X, qui est le résultat conjoint du durcissement de l’application de la loi X et de l’essor de la VHS. Tant que les films étaient faits pour être montrés dans un espace public, celui de la salle, la référence était le cinéma. Et il y avait beaucoup de demande pour les films X, ce qui permettait aux gens de travailler souvent et vite, en alternant avec des projets de films classiques qui eux mettaient plus de temps à se monter, à être financés… Tandis qu’un porno pouvait être lancé en quelques semaines, et donner lieu à une belle semaine de travail jovial pour toute une équipe. Et quand l’effondrement dont tu parles est venu, la plupart sont tranquillement passés à autre chose. Les actrices ont raccroché, les acteurs dans leur majorité aussi, d’autant qu’ils étaient souvent moins jeunes que leurs collègues féminines. Et les réalisateurs, scénaristes, techniciens ont pour la plupart poursuivi leurs carrières respectives dans le « traditionnel » ou à la télévision. Quand on fouille dans la jungle des pseudos, ce qui était la règle à l’époque, on trouve des tas de gens hyper-reconnus aujourd’hui, qui ont officié au calme sur des films X. Thierry Arbogast, chef-op’ attitré de Luc Besson, était l’assistant du chef op’ et cadreur sur La Femme-objet, dont le monteur était Pitoff, futur réalisateur de Vidocq et de Catwoman, avec Halle Berry.

Quand la campagne va-t-elle démarrer, se conclure ? Quel est le goal ?

La campagne a démarré pour l’anniversaire de Marilyn Jess le 26 octobre, et s’étalera sur 4 semaines jusqu’au 22 novembre. Nous espérions avoir au moins une centaines de précommandes et, vu le démarrage, on devrait pouvoir dépasser les 500, ce qui est génial !

Tu es confiant ?

Maintenant, oui ! D’ailleurs, on prend tellement la confiance que nous allons proposer des paliers avec des avantages offerts à tous les contributeurs pour l’atteinte des 500% et au-delà : des photos de tournages, l’affiche du film, et plus encore si affinités…

 

La Femme-objet (1980) en Blu-ray et en vinyle, Pulse Editions, en précommande sur Ulule jusqu’au 22 novembre.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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