Actrices
Interview-portrait : Marilyn Jess, l’ultime étoile du cinéma X
Dernière star de l’Âge d’Or du X français, l’iconique Marilyn Jess nous raconte son incroyable histoire, des plateaux de Gérard Kikoïne aux couvertures d’Hara-Kiri. Un avant-goût de l’anthologie Marilyn Jess, les films de culte, actuellement en pleine campagne de financement.
Au Panthéon du porno français vintage, paradis perdu de l’art polisson, trône une figure tutélaire : celle de Brigitte Lahaie, l’incontournable. C’est oublier que le X de l’époque a connu une autre icône, alors tout aussi prestigieuse : la somptueuse Marilyn Jess, dont les traits candides et mutins tranchaient avec la densité tendre de ses reliefs vertigineux. Si Brigitte était la première star du X, Marilyn était indubitablement la dernière, l’ultime étoile d’un cinéma pornographique qu’on appréciait encore en salle obscure, avant que la VHS ne vienne balayer ce sextième art déjà épuisé par la censure fiscale.
En neuf ans de carrière, de 1978 à 1987, Marilyn Jess n’a pas seulement laissé une marque indélébile dans les fantasmes des pornophiles de son temps, elle a baigné au cœur d’une effervescence artistique, libre et contre-culturelle dont elle était, un peu malgré elle, la muse. De Gérard Kikoïne à Coluche, du professeur Choron à Bernard Lavilliers, la légende a eu l’amabilité de revenir sur ce destin hors du commun, en préambule d’une anthologie à la gloire de son œuvre, coécrite par Cédric Grandguillot, Christian Valor et Guillaume Le Disez : Marilyn Jess, les films de culte, dont le financement participatif entame sa dernière ligne droite (soutenez le projet ici).
« Je suis vite rentrée là-dedans car je voulais savoir le cul, comment c’était. C’était un peu par curiosité. Je ne te cache pas que les premiers temps, quand j’ai fait vraiment du hard, je chialais en rentrant chez moi. Je prenais trois bains, pour me purifier. Je criais : « Plus jamais ! » »
Elevée dans une famille pour qui Benny Hill constitue le summum de la subversion, maman éteignant la télé car les filles y sont « trop jolie », Marilyn, alors Dominique, est initiée aux choses de l’amour à l’âge relativement naturel de 16 ans, mais en secret. Il est impensable d’évoquer le sujet auprès de ses parents. Elle s’échappe donc la nuit, pour retrouver son amoureux, et sa grosse moto. Car plus que le sexe, pour lequel elle éprouve surtout une curiosité nourrie d’interdit, la moto est un fantasme. Baroudeuse dans l’âme, elle craque pour un aventurier libre et mature, Didier Humbert, qui l’embarque sur le Raid des Pyramides, à califourchon sur sa BMW. Lors du périple, hélas interrompu par une casse mécanique, l’ingénue s’en donne à cœur-joie, posant à l’envi tout contre l’engin furieux.
« C’était moi à genou sur la moto, moi à côté d’elle, ou en train de la conduire, nue et sans casque. »
La chevelure d’une blondeur incandescente, la peau diaphane croquée par un soleil cuisant, c’est au milieu du désert que naît Marilyn.
Car ces clichés font le tour de Paris, à la faveur d’un photographe qui intercepte Marilyn lors du tirage. Et c’est Georges Fleury qui dégaine le premier pour l’intégrer à son casting, puis Jean Rollin, Alain Payet, Francis Leroi… Le patronyme « Wild » étant déjà occupé par une Marilyn américaine qui ne connaîtra hélas jamais le succès, la future étoile nationale opte pour « Jess », du nom de la boutique parisienne où elle sélectionne méticuleusement les dessous qu’elle portera lors des tournages.
Les débuts sont difficiles. Mais elle fait face. Et surtout, elle relativise. Son statut de secrétaire ne lui offre que de maigres opportunités professionnelles dans un monde du travail où les mâles se croient encore tout permis.
« J’avais des copines qui travaillaient aux Galeries Lafayette et se faisaient sauter dans les cabines d’essayage par leur patron pour avoir une petite promotion et être cheffe de rang. Donc ça n’était pas mieux. Je me disais, quitte à baiser, autant que ça rapporte des sous.
Je le faisais pour le pognon, je ne le nie pas. Je ne le faisais pas pour le fade. Et d’ailleurs, je l’ai rarement fait pour le plaisir. Enfin si, en acceptant certains tournages, parce que je savais que c’était plus agréable de tourner avec Kiko, ou même Alain Payet, Francis Leroi.
Pas Dorcel. Pour moi, Dorcel avait une sale réputation. Je n’acceptais que si je n’avais rien sous la main. À l’époque, on avait tous un répondeur. Il était truffé de messages : « Vous êtes libre de telle date à telle date ? » J’avais le choix. Et je signais surtout quand il fallait partir, en Italie, en Suède, au Danemark, en Angleterre, à Ibiza, à Saint-Tropez. La Femme-Objet a été le démarrage. À partir de là, j’ai eu de plus en plus de choix. »
Et pour cause, La Femme-Objet, réalisé par Frédéric Lansac, l’érige en créature de désir ultime. En outre, c’est une œuvre plurielle mêlant science-fiction, expérience de Frankenstein et mythe de Pygmalion dont le succès a franchi les frontières et les époques. Enfin, et surtout, c’est sur ce plateau que cristallise son amitié avec la référence du métier Richard « Queue de Béton » Allan, de 17 ans son aîné, rencontré sur un plateau un an plus tôt.
« Richard Allan m’a appris à dire non. Il m’a appris à remplir un contrat. Avant, quand je tournais, on me donnait des sous, vaguement une feuille de paie. Je ne regardais pas. Il m’a expliqué combien je devais demander. J’étais un peu dégoûtée, mais lui m’a reboostée, en me disant « Si tu as des contraintes, des choses que tu ne souhaites pas faire, il faut le dire. » C’est lui qui m’a réconciliée avec ce que je valais, parce que je ne m’en rendais pas compte. Il m’a dit « Ça y est, tu as une notoriété. » »
Cette affection mutuelle dure encore aujourd’hui, non seulement avec Richard, mais avec la fine équipe d’acteurs, de réalisateurs, et de techniciens qui gravitent autour.
« Après La Femme-Objet, je me suis retrouvée beaucoup « en famille ». C’était souvent avec Alban (Ceray), avec Piotr (Stanislas), avec Richard, avec Jean-Pierre Armand, Guy Royer et le « Martien » Dominique Aveline, qui était un amour de mec, et un ami commun.
Et donc quand on proposait un tournage sur mon répondeur, avec Richard et les autres, j’y allais les yeux fermés. C’était presque des vacances. Et même les filles. J’adorais les nanas avec qui je tournais. J’étais très copine avec tout le monde. Et j’adorais aider. Quand on allait au château de Luzarches, j’aidais à ranger les mandarines, enrouler les câbles… C’était bon enfant. On partait une semaine, en minibus. Il y avait toujours les mêmes têtes. C’était un peu comme Les Bronzés, le Splendid, une troupe. Il y avait une communion entre nous. On était en confiance et on savait qu’on bosserait hyper-vite, que ça n’allait pas durer. Parce qu’il faut bien l’avouer, je n’ai pas pris mon fade à chaque fois que j’ai fait un film porno, mais c’était très agréable. »
Loin de l’atmosphère sulfureuse qu’on leur prête, les coulisses du X selon Marilyn Jess étaient moins l’occasion de parties fines endiablées que d’amitiés sincères, intemporelles et, somme toute, platoniques.
« On ne parlait pas de cul, en dehors des scènes. On m’a déjà posé la question : « Est-ce que tu faisais des partouzes après ? », car il y en avait pas mal qui s’y prêtaient. Je n’étais pas du tout libertine. Je ne sais pas ce qu’est une partouze, je n’en ai jamais fait. Par contre, avec Dominique Aveline, qui est devenu un copain, un véritable ami, un frère, il m’est arrivé de dîner chez lui. Après un tournage, il était possible qu’on se retrouve, pour boire des coups, se faire une bouffe. Si, il m’est arrivé d’aller en boîte de nuit, pour aller danser, se libérer, se vider la tête. Le sexe n’était pas central, c’était surtout de l’amusement. »
« Dire qu’on partait en vacances, non. Mais c’est vrai qu’il nous arrivait avec Richard d’en profiter. Guy Royer faisait aussi partie des copains, et avec Alban, Richard, sont restés des amis. Ça fait quarante ans que je les ai pratiquement deux fois par mois au téléphone. On se suit sur Facebook, on s’aime toujours bien. »
Evitons toutefois les conclusions hâtives. Si dans l’histoire de Marilyn, les tournages sont professionnels, les échanges bon enfant et les amitiés chastes, elle n’a pas pour autant renoncé à assouvir quelques fantasmes, à commencer par les femmes.
« C’est vrai que j’étais assez tentée, plutôt par les filles. Je ne sais pas, peut-être parce que j’avais de mauvaises expériences avec les garçons. Quand tu as 18-20 ans, tu as envie de goûter à tout. Enfin, peut-être pas tout le monde, mais moi, à cette époque-là, oui. Et donc mes premières scènes lesbiennes, ça m’a fait tout drôle : « Wouah ! Ah bon ? » Ça n’était pas du tout la même chose. Dans la vie, je n’ai jamais pratiqué, mais j’ai connu ça grâce aux « films d’amour » comme dirait Gérard Kikoïne. »
Mais les « films d’amour » de Kikoïne, qui fera d’elle son égérie au prix d’un avantageux contrat d’exclusivité, ne sont pas la seule activité de Marilyn Jess. Un autre grand monsieur de la subversion à la française trouvera en elle une muse : le professeur Choron. « Papa », comme elle le surnomme affectueusement, l’intègre à l’équipe d’Hara-Kiri comme modèle récurrente sur les couvertures et les pastilles photos ou vidéos du journal bête et méchant. Elle y croise Cabu et Cavanna, tourne des sketchs avec Coluche, dans lesquels le comique défonce le décor avec sa mobylette, pose avec Gainsbourg, Dick Rivers, Jean-Pierre Aumont… Très demandée, elle répond autant que possible à toutes leurs invitations, ne déclinant à regrets qu’à une ou deux reprises pour cause d’emploi du temps incompatible.
« C’est en faisant Hara-kiri qu’on se rend compte qu’on vivait une époque de liberté, où on pouvait tout dire. J’ai fait une petite note sur Hara-Kiri pour la conclusion du livre : « Hélas, il n’y a pas de retour vers les heureuses années où l’on pouvait rire de tout. » C’est à cette époque, chez Hara-Kiri, que je me suis rendue compte de cette liberté. Et je l’ai plus vécue que sur les tournages. C’était à peu près au même moment, au début des années 80.
Puis, mon statut, tout d’un coup, a changé. Tourner avec Coluche, Gainsbourg… J’étais très fière, très contente. On déconnait beaucoup. On commençait au champagne dès le matin. Il y avait de l’esprit, toute l’équipe était agréable. Les filles étaient toujours les mêmes aussi. Très belle époque, un très bon souvenir. Je ne renie rien de ce que j’ai fait, mais Hara-Kiri est vraiment à accrocher à mon palmarès comme une bouée qui m’a fait surnager dans plein de directions. »
C’est la consécration. Célèbre, reconnue et respectée, la comédienne X baigne au sein de l’effervescence contre-culturelle la plus brillante et la plus prolifique qu’ait connue la France au XXème siècle. Elle apparaît ainsi dans le clip d’Idées Noires de Bernard Lavilliers et Nicoletta. Le chanteur aux mains d’or, et parfois baladeuses, est en effet un ami de sa belle-sœur Catherine, qui les présente au Sunset, jazz-club historique des Halles.
« Il m’a dit qu’il faisait un clip et il m’a proposé de suite de jouer dedans, avec Nicoletta, donc pour Idées Noires, non sans arrière-pensées. Il était un peu peloteur, lui aussi, à mettre ses mains un peu partout. Il m’a expliqué ce que j’aurais à faire. Je conduis une superbe voiture décapotable rouge, dans mon souvenir (elle est jaune clair, en réalité, ndlr). Je joue le rôle de « la blonde décapitée dans sa décapotable. » J’apparais trois fois, deux secondes. Et on me voit morte, avec du sang, à la fenêtre de la voiture, parce que j’ai un accident.
« À partir de là, j’ai fait d’autres apparitions. J’avais par exemple été invitée sur une émission avec Richard Gotainer. Il est assis sur un lit en train de lire un Penthouse, ou une revue de charme où j’apparais en couverture. Il dit « J’aimerais bien la voir, moi, cette femme. » Et alors, j’apparais en vrai sur le plateau, coiffée, maquillée, habillée comme sur la couverture, car les vêtements étaient à moi. Et on discute tous les deux. Et Gotainer m’a emmenée dans l’espèce de vestiaire où on devait se démaquiller juste après, et lui aussi m’a carrément pelotée, il m’embrassait partout. »
D’Emmanuelle IV aux séries américaines tournées en France, même le cinéma traditionnel se tourne vers elle, que ce soit pour ses prédispositions érotiques ou sa beauté radieuse. C’est donc au sommet de sa gloire que Marilyn décide, en 87 et contre toute attente, de raccrocher.
« J’ai arrêté parce que le SIDA arrivait. Il y avait déjà quelques-unes de mes copines comme Cathy Greiner, Dominique Irissou qui sont parties de cette putain de maladie. J’ai arrêté aussi parce que ça faisait 8 ans, 9 ans. Je pensais que ma carrière devait prendre fin. Il y avait aussi une autre motivation. J’avais 27 ans et très envie d’avoir des enfants. Je me suis dit qu’enfant + films porno, ça ne pouvait pas le faire. Donc j’ai arrêté les tournages.
Ceci dit, j’étais sollicitée en guest-star dans des peep-shows. Je me disais que ce n’était pas filmé. Je me retrouvai une à deux fois par semaine au 88 rue Saint-Denis ou rue de la Gaîté chez Jo Khalifa (patron historique de la nuit parisienne, ndlr) qui dirigeait ces salons. Mon rôle, c’était de danser derrière des glaces sans teint. Il y avait une piste qui tournait. Chacune de nous restait le temps d’une chanson de trois minutes. Je faisais un strip-tease et après il y avait des gars qui demandaient à voir l’une d’entre nous en cabine. Mais en cabine, toujours séparée par une vitre sans tain. Là, il fallait se masturber, se caresser devant le mec pendant qu’il faisait sa petite affaire. J’étais hyper-bien payée pour ça. Ça a duré un an, un an et demi. J’avais 28-29 ans et toujours l’envie d’avoir des enfants. Donc j’ai tout abandonné. »
Elle vit alors quelque temps sur ses rentes. Puis viennent les enfants, une fille puis un garçon, et la nécessité de retourner au turbin, pour subvenir aux besoins de sa petite famille. Aimée des tout petits plus encore qu’elle ne l’était des adultes, elle est finalement embauchée par la directrice de la crèche où elle fait garder les siens.
« J’y ai bossé pendant un an et demi. C’était un peu mon premier boulot après les films de cul et les peep-show. Plus de grosses teubs et de grosses chattes, mais des couches et des bébés. On n’était plus au champagne, je leur donnais le biberon, je faisais des siestes avec eux. »
Très vite, Marilyn, ou plutôt Dominique, retombe dans l’anonymat. Et à l’exception de quelqu’importun qui prend, un temps, un malin plaisir à la contacter par téléphone façon « Le Père Noël est une Ordure », sa notoriété publique s’estompe, au profit d’une côte d’amour inaltérable, qu’elle entretient encore sur Facebook, auprès des pornophiles nostalgiques d’une si belle époque.
« Je suis ravie que Guillaume m’ait proposé de faire un bouquin. Et je pense que ça devrait clore ma carrière. Je vois ça comme un cadeau, un beau livre, qui va relater tout ce que j’ai fait. Je suis très fière d’avoir fait les Hara-Kiri, très contente et très fière. Je ne renie pas le passé, d’avoir fait ces films de cul. Parce que c’était une bonne ambiance. Et j’imagine qu’aujourd’hui, un film de cul, c’est plus pareil. Il y avait des histoires, des scénarios. J’avais le choix, je m’éclatais. »
-
Actricesil y a 2 jours
Giulia Piana : « Ce qui me fait le plus rire ? La réaction des gens quand je leur dis que je suis actrice porno ! »
-
Actricesil y a 3 ans
Les plus gros seins du X
-
Acteursil y a 5 ans
Les plus grandes légendes du porno black
-
Actricesil y a 7 jours
[Vidéo #341] Lety Howl, pour le Meilleure et pour le Pire !
-
Actricesil y a 2 semaines
Le Top des nouvelles actrices amérasiennes
-
Actricesil y a 1 semaine
Sahara Skye. Une place au soleil
-
Actricesil y a 5 ans
Les 20 Reines de l’anal
-
Actu/Newsil y a 6 jours
Royaume-Uni : un blocage des sites X en mars, comme en France !