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Cum Eating Instruction – Doit-on goûter son sperme ?

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« Beurk ! C’est dégoûtant… », disent en cœur ces messieurs à l’idée d’avaler une gorgée de leur propre information génétique. Pourtant, reconnaissons-le, rares sont ceux qui rechignent à une bonne petite pipe avec, si possible, finition en bouche. Quand, en plus, on en fait des caisses, à longueur de magazine lifestyle, sur les bienfaits nutritifs de la semence, n’est-il pas tant de goûter à ses propres remèdes ?

Oui, pardon d’avance aux rabats-joie de la quéquette, qui ne voient le sexe que comme une succession de figures imposées, c’est l’heure de la petite séance de déconstruction bimensuelle. Non, rien ni personne (sauf peut-être une domina choisie avec amour, mais nous y reviendrons) ne peut vous obliger à vous gargariser de semence. Libre à chacun de rester inculte. Mais n’existe-t-il pas un monde où la curiosité l’emporte sur le dégoût, où la soif d’expériences personnelles dépasse la honte virtuelle d’avoir commis l’inavouable dans le secret de son intimité la plus secrète ? Qui sait ? Peut-être y prendra-t-on du plaisir… Allez, hop ! Cul sec !

Du bout des lèvres

L’idée ne tombe pas du ciel. Elle émerge plutôt des tréfonds insondables de la pornographie. Dans ce milieu qui voue un culte sans limite aux fluides sexuels, le sperme fait figure de nectar divin irriguant les champs fertiles du fantasme de sa viscosité féconde. On s’en asperge, on s’en tartine le visage et les parties charnues, on s’en sature les orifices jusqu’à l’effusion… Et, évidemment, on l’ingère. Ou du moins, on le fait ingérer, à la petite performeuse gourmande qui exhibera avec fierté, la bouche béante, le résultat de sa déglutition ; ou même au spectateur, à la faveur d’une séance de solocam riche en directives douces-amères. C’est d’ailleurs la thématique essentielle d’un genre tout entier du porno, le CEI, pour Cum Eating Instructions.

Digne héritier du JOI, dont il emprunte le dispositif scénique, le CEI s’émancipe de son modèle par la dimension culinaire de sa conclusion. L’onaniste est ainsi invité, après moult suggestions érotiques destinées à lui faire monter la sève, à goûter au velouté de poireau fraîchement extrait à la sueur de son poignet. À l’issue d’un décompte savoureux égrainé par la dame dans le petit écran, le protagoniste malgré lui de cette folle aventure devra donc lécher sa main souillée, vider le verre passionnément rempli, voire capter le geyser furieux directement avec la bouche, en priant d’avoir visé juste, les pattes en l’air, le canon pointé sur le visage… Après tout, peu importe le flacon, pourvu qu’il y ait l’ivresse. Mais au fond, de quelle ivresse parle-t-on ?

Si l’assujettissement à une autorité virtuelle relève effectivement d’une dynamique de soumission/domination, un fantasme particulièrement courant, l’analyse paraît simpliste, tant le CEI est un genre divers. Interrogée sur le sujet, July November, l’une des spécialistes françaises de la discipline, livre son point de vue : « Pour moi, c’est comme le pegging. Ça peut être lié au BDSM, mais pas nécessairement, même si plein de dommes en jouent. Perso, les CEI que je fais ne sont pas forcément soft dom. Au contraire, certains sont plutôt des encouragements, genre : « Toi aussi, il faut que tu saches à quel point c’est bon, le sperme. Comme moi je le sais déjà… » Ça peut être amené de manière très vanille. »

Ceci est mon corps

L’envie plutôt que la coercition, la complicité plutôt que l’obéissance, un parti-pris alternatif, et pour le moins efficace. « C’est super populaire, ma meilleure vente est un CEI. Après, je n’en fais pas énormément, pour préserver la rareté du concept, mais ils se vendent bien, surtout ceux pour « réussir à enfin y arriver ». » Y arriver, finalement parvenir à porter le calice à ses lèvres pour s’abreuver de son élixir, voilà un défi à la hauteur d’un homme, un vrai. Car ce n’est pas le tout de s’exciter comme un dingue sur les cochonneries susurrées par sa tentatrice préférée. Encore faut-il honorer sa parole une fois l’orgasme venu, et reparti, face à une cuillerée de liquide visqueux et fort peu ragoûtant. « Je pense qu’il y a plein d’hommes qui fantasment dessus, mais une fois qu’ils ont joui, ils perdent toute leur excitation, n’arrivent plus à l’avaler. Du coup, ils re-fantasment dessus jusqu’à la fois suivante, et rebelote… »

Et si le secret était là, dans l’idée de goûter à sa propre essence vitale plutôt que la consommation effective de son foutre ? Entre tentation irrationnelle et frustration de l’échec, un cycle s’installe alors, dont on ne peut s’échapper qu’en cédant finalement à l’eucharistie profane, dont on est tout à la fois le croyant, le messie, et le démiurge. Point de miracle à l’horizon, toutefois, simplement la satisfaction du devoir accompli et peut-être même l’admiration, voire l’excitation, dans l’œil de ses partenaires féminines, impressionnées par tant d’abnégation, de perversion et de sens de la justice. « En tout cas, ça ne me dégoûte pas. Je pense que si j’étais avec quelqu’un que ça excitait, alors pourquoi pas. Et je trouve ça chouette, quand un mec me dit qu’il a enfin réussi grâce à une de mes vidéos. » Après tout, pour être aimé des autres, ne faut-il pas s’aimer soi-même ?

Il n’y a, au fond, rien qui justifie le dégoût des hommes pour leur propre semence. La recette est d’ailleurs relativement anodine : acide citrique, zinc, calcium, potassium, sodium, fructose… En outre, selon de nombreuses études, les hormones contenues dans le sperme, ocytocine, sérotonine et progestérone, favoriseraient la relaxation, l’apaisement et le sommeil. Mais on ne vous apprend rien, tant ce discours a été maintes fois déballé au bord du lit par tous les mâles de la planète, la main caressant langoureusement les cheveux de promises circonspectes ; alors que la meilleure démonstration reste encore de joindre les actes à la parole.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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