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Fan-clubs coquins : est-ce que « suber », c’est tromper ?

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La douloureuse de l’abonnement mensuel à votre domina vient de tomber et madame jette sur le relevé de compte un œil inquisiteur. Alors, ça passe ou ça casse ?

Si les années 2010 étaient sans conteste celles du streaming porno illimité, la décennie qui s’ouvre voit l’avénement des plateformes de modèles indépendants : les fan-clubs sur lesquels les admirateurs se pressent pour voir en exclusivité les dernières séquences de leur égérie, faire part de leur fascination et, pourquoi pas, leur commander des prestations privées (vidéo personnalisée, dédicace coquine, dick rating…). Or, ce nouveau marché de la tendresse en circuit court ne va pas sans poser des questions inédites sur le plan conjugal. En clair, est-ce que souscrire à un abonnement auprès de sa créatrice porno favorite relève de l’adultère, et dans quelle mesure ? Un petit sondage Twitter, et quelques questions posées, aux collègues hommes et femmes, à la pause café, nous éclairent sur ce rapport entre jalousie amoureuse et intimité virtuelle.

À l’exception des milieux rigoureusement conservateurs, pour qui le plaisir sexuel non-procréatif relève de l’infamie, le porno a fait son petit bonhomme de chemin au sein des couples. Entre tolérance tacite et visionnage en duo, les ménages ont fini par s’accommoder de l’omniprésence des sollicitations érotiques dans notre société obsédée par le cul. Pourtant, et même s’il on ne prend plus forcément ombrage des fantasmes exotiques de son partenaire, le concept de fan-club ne va pas sans faire grincer quelques dents. Les fan-clubs, ce sont ces plateformes comme OnlyFans, ou encore Swame, qui permettent à des créateurs et des créatrices de monétiser leurs productions audiovisuelles en conditionnant l’accès au versement d’un abonnement mensuel. Ils sont en outre pourvus d’une messagerie en direct, et d’une fonction de live streaming, permettant au souscripteur de solliciter directement l’objet de son désir. Et là, ça coince…

« Le porno, c’est général. La vidéo qu’il regarde, tout le monde peut la voir. »

Question, sans doute, de biais d’un échantillon non-représentatif (l’audience du magazine est bien plus ouverte aux sexualités que la moyenne de la population), les résultats du sondage proposé sur le profil Twitter de La Voix du X ne correspondent pas exactement aux propos recueillis en direct. Si, comme le reflète l’enquête statistique, le fait de verser une obole régulière à sa favorite virtuelle, comme à n’importe quel studio X (#payforyourporn), ne constitue pas a priori un motif de blâme, les « sauf si » et les « tant que » viennent très vite nuancer le débat.

« Ça m’emmerderait, dans le sens où c’est un abonnement à une personne en particulier, pour des contenus bien spécifiques (cf. contenus personnalisés) et donc ça peut s’apparenter à une relation (virtuelle). S’il n’y a pas d’échanges/demandes de ce style, et que ça reste de la conso des contenus « publics », ce serait moins dans la case « tromperie » par contre pour moi. »

Le monopole du cœur

Tant qu’il n’y a rien de personnel, qu’il ne s’agit que de consommer anonymement des images sexuelles, dans le cadre dépassionné d’un échange commercial, peu importe la provenance, finalement. Création artisanale ou produit industriel, il ne s’agit là que de dégourdir la veuve poignet. Aujourd’hui, tout le monde se tripote, et la notion d’exclusivité sexuelle ne s’étend heureusement pas jusqu’aux sujets virtuels de nos pougnettes. Mais lorsqu’il y a un contact, un échange, lorsque l’entité virtuelle devient une personne réelle, lorsque le masturbatoire tutoie dangereusement l’affectif, le couple est alors en péril, et la possession amoureuse reprend le dessus.

« Je ne le cache pas, mais je ne le dis pas. »

L’abonné est lui-même conscient de flirter avec les limites du tolérable en matière de contrat conjugal, si bien qu’il pratique parfois l’évitement. Pas vu, pas pris ! Au pire, en cas de flagrant délit, on arguera de la nécessaire distance entre les parties impliquées, de l’impossibilité ne serait-ce que de se rencontrer. Une défense qui, semble-t-il, ne prend pas.

« Quand c’est une pornstar californienne, à l’autre bout du monde, à la limite, mais si la fille habite à 200 km, j’estime qu’il y a un risque… »

La diversification des profils permise par ces plateformes ne fait pas qu’élargir le spectre des fantasmes accessibles aux rêveurs numériques, elle implique aussi une nouvelle forme de proximité, aussi géographique que sentimentale. Comme l’explique nombre de modèles (ici ou ici, par exemple), le service proposé lors des sessions privées s’étend au-delà de la simple performance sexuelle, entre écoute, compassion et soutien psychologique. Une spécificité vécue comme une nouvelle forme de concurrence dans le monopole du cœur que s’arrogent généralement les partenaires officiels. Sans compter les doutes sur sa propre implication dans la relation, aux dires d’une concernée : « J’en viendrais à me créer des complexes. »

« Si c’est assumé dès le début, je pense que je ferai avec, mais s’il le cache… »

Candaulisme 2.0

Quoi qu’il en soit, il semblerait que la politique de l’autruche ne soit pas franchement la panacée pour concilier sérénité amoureuse avec sa moitié et à-côtés coquins. Au contraire, jouer cartes sur table quant à ses goûts et pratiques pornographiques dès les prémices d’une relation s’avèrerait bien plus payant et ce, pour tout un tas de raisons. D’abord, on s’assure d’être plus ou moins sur la même longueur d’onde, questions fantasmes et prédispositions à expérimenter des trucs alternatifs et/ou chelous. Ensuite, c’est la possibilité de dédramatiser la question du porno au sein du couple, et recentrer la relation sur ce qui lie profondément chacun des partenaires dans leur relation spécifique ; plus qu’une exclusivité sexuelle : une complicité, une entraide, un soutien au quotidien. Partant de ce constat, aucune tentatrice virtuelle, aucun chippendale numérique ne saurait se mettre en travers d’un lien si fort. Ce qui nous amène à la troisième bonne raison d’évoquer le sujet…

« Si on peut partager ça à deux, pourquoi pas… »

En discuter, c’est aussi s’offrir l’opportunité de vivre une telle aventure à deux, de choisir des profils qui excitent l’un et l’autre, de partager un secret intime. Pourquoi faire de cette expérience un plaisir solitaire, clandestin ? Existe-t-il meilleure preuve d’amour que d’être spectateur complice des fantasmes de l’autre ? Après tout, la jalousie est tout à fait soluble dans le candaulisme, a fortiori lorsqu’il ne s’agit que d’interactions par écrans interposés. Le deal ne conviendra pas à tout le monde, mais le jeu en vaut la chandelle…

En définitive, « suber » n’est pas tromper, mais un petit peu quand même. En clair, il y a peu de chance que « Bébou » soit positivement enchanté de découvrir par hasard les récépissés de vos offrandes dispendieuses à DemoniaTentatrix, domina findom ferme mais juste, en épluchant les relevés du compte joint. Le dialogue reste encore la meilleure option, car la tromperie se situe moins dans l’envie d’aller voir ailleurs que dans le mensonge permanent qui couvre ce besoin d’évasion

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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